Hélène Maystre : «Il faut faire le lien entre le scientifique et le terrain» – JAM

Hélène Maystre : «Il faut faire le lien entre le scientifique et le terrain»

L'Euro de football féminin aura lieu en Suisse, en juillet 2025. (Photo: KEYSTONE/Urs Flueeler)

Dans l’ombre de l’équipe de Suisse féminine, la scientifique lausannoise œuvre pour optimiser les performances des joueuses.

Depuis ses bureaux de l’Office fédéral du sport, à Macolin, Hélène Maystre observe, mesure et décortique tout ce qui touche au football féminin dans le pays. La Lausannoise – en charge du développement de la performance physique du football féminin depuis 2021 – chapeaute les recherches scientifiques de l’ASF. Si elle ne travaille pas directement pour l’équipe nationale, ses recherches pourraient contribuer à rendre la Nati plus performante sur les terrains helvétiques lors de l’Euro 2025.


Concrètement, quel est votre rôle dans la sélection nationale féminine?

Je suis là en soutien scientifique des préparateurs physiques de l’ASF.  Ils viennent à Macolin quand ils ont besoin de faire un test. Et moi, j’essaie de faire des liens avec la littérature, de leur donner des comparaisons pour voir ce qu’il nous manque, ce qu’on va essayer de mettre en place.

Quelle(s) clé(s) donnez-vous à l’équipe de Suisse pour qu’elle performe?

Je les aide sur la longueur. Le départ, c’est un bon travail scientifique, de qualité. Et la clé, c’est surtout la communication, avec le staff et les joueuses. Sans pouvoir transmettre, c’est fichu. Il faut faire le lien entre le scientifique et le terrain.

Pour l’Euro 2025, comment cela se matérialise?

C’est un travail de fond pour préparer ce genre d’événement. L’équipe nationale vient à Macolin et effectue des tests. Après, on conseille les joueuses et la préparation. Ça nous permet d’améliorer la performance et le suivi.

Vous avez un exemple concret?

Pour le Mondial 2023, en Australie et Nouvelle-Zélande, on avait fait des tests spécifiques avant qu’elles partent. On avait travaillé sur l’aspect lié au jet lag, notamment. Ils avaient des questions, alors on a fait des recherches autour.

On essaie simplement d’être adaptés, de pouvoir réagir vite s’ils ont une demande. Ça tourne aussi beaucoup autour des joueuses qui ont été blessées et ont dû revenir à la compétition. On fait tous les tests pour les remettre sur pied.

Justement, l’Euro 2025 arrive après une longue saison, à une période propice aux blessures. Comment gère-t-on cela?

On met en place un suivi, un monitoring de charge physique et mentale sur l’année. C’est un gros travail de partenariat entre la fédération et les clubs. Ils doivent se partager les données et mettre en place des stratégies individualisées pour chaque joueuse.

Pendant la compétition, il faut avoir un staff compétent, ce qui est le cas. Et individualiser. Être au jour le jour, minute par minute, avec la joueuse. Être réactifs. C’est ça qu’ils vont faire pendant l’Euro.

La récupération sera également cruciale pendant l’Euro. Comment optimiser cela?

Il y a de la littérature, des guidelines à ce sujet, au niveau de la nutrition, de la récupération. Il faut suivre les joueuses le plus possible, individualiser, communiquer. Certaines joueuses dorment six heures et ça leur convient. Il faut respecter cela. Si elle est en dehors de son schéma, cela ne va pas aller.

Un Euro, qui plus est à la maison, ce n’est pas rien. Il y aura aussi tout l’aspect mental à gérer?

C’est certain. Ils ont une psychologue. Ils travaillent fort au niveau du staff. Là encore, il faut vraiment individualiser. Tu ne peux plus traiter le groupe, cela ne marche pas. Il faut traiter les joueuses spécifiques. Elles viennent d’endroits différents, sont toutes uniques.

Dans l’équipe A, c’est qu’il y a cinq ou six jeunes qui sont encore au gymnase. Ce n’est pas la même charge, il faut prendre ça en compte.

Comment s’y prend-on, concrètement?

En faisant du monitoring. C’est ce qu’on met en place. Qu’est-ce qui se passe avec cette joueuse? Comment elle se sent? Et puis après, discuter avec elle, pour trouver de vraies solutions.

Il y a une pression, pour vous aussi, avec cet Euro?

Je serai spectatrice (rires). Mais ça va être un super tremplin pour tout le monde qui travaille dans le domaine. L’idée, ça va être de transférer la science à la pratique, c’est la clé. Cet Euro est une chance, ça donne de la visibilité à notre travail.

Comparé au football masculin, le football féminin est de plus en plus suivi et médiatisé. Du côté de la recherche, quelle est la place du genre des individus? 

Jusqu’à récemment, ce n’était pas la norme de développer des choses spécifiquement pour les femmes, et de les considérer comme potentiellement différentes des hommes. J’ai fait mon travail de Master en 2018. À l’époque, je voulais appliquer une méthode, qui avait déjà été appliquée à une équipe de rugby masculine, à mon équipe de copines. Malgré la même recette, les résultats n’étaient pas du tout les mêmes! On a compris qu’on ne pouvait pas demander la même chose à des femmes qu’à des hommes adultes.

Par Thomas Freiburghaus et Joyce Joliat
Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours « Pratiques journalistiques thématiques » dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.

Une version de cet article a été publié dans 24 Heures, le 6 juillet 2025.

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