Les découvertes scientifiques ont souvent une incidence directe sur le monde social, notamment lorsqu’elles trouvent une application concrète, ou lorsqu’elles pèsent dans une décision politique. Mais ce passage de la découverte à l’invention ne s’opère pas d’un coup de baguette magique. Entre la science et la société, il y a des journalistes. Que signifie cette place pour les scientifiques eux-mêmes ou des professionnels de l’information et la communication scientifique qui croisent parfois leur chemin? Réponses des principaux concernés en vidéo.
«Nous voulons faire passer l’idée que dans ‘journalisme scientifique’, il y a d’abord ‘journalisme’», avait relevé, dans les pages d’ArcInfo du 28 juin, Olivier Dessibourg, organisateur de la Conférence Mondiale des journalistes scientifiques (CWSJ2019) qui s’est tenue à Lausanne du 1er au 5 juillet. Celui qui est aussi président de l’association suisse des journalistes scientifiques (ASJS), avait encore ajouté: «il n’y a pas de raison de traiter la science autrement que les autres domaines, il ne faut pas l’idéaliser. (…) Pour cela, il ne faut pas forcément des docteurs en physique, mais des journalistes ayant les clés de lecture nécessaires pour remettre les choses dans leur contexte; le journaliste scientifique n’est pas un ‘passe-plat’ des services de communication.»
Pris un à un, ces propos dévoilent toute la complexité des liens qui unissent la science à la société, au travers de la figure du journaliste. Ils témoignent notamment d’une ambition de démocratiser la science et ses implications concrètes sur le monde social au travers de la communication entre la sphère scientifique et la sphère sociale.
« Les scientifiques ne peuvent pas opérer dans le vide »
Caroline Wichmann est directrice du département de la presse et des relations publiques à l’Académie nationale des Sciences de Berlin. William Kearney est directeur exécutif du bureau de l’information et des renseignements publics des Académies nationales des sciences, ingénierie et médecine à Washington, aux Etats-Unis. Ensemble, ils tenaient un stand au WCSJ2019 appelé « Sciences pour la politiques ». Nous leur avons demandé quelle place occupe le journaliste scientifique entre ces deux pôles.
Mais qu’en pense l’homme de science, et non des moindres, Jacques Dubochet, qui a reçu prix Nobel de chimie en 2017, et qui était l’un des invités de marque du CWJS2019. Il y a animé la conférence « Choc des cultures: comment couvrir l’intersection entre la sciences et la politique ». Il blâme tendrement le “personnage scientifique” à la faveur du journaliste, plus “neutre” selon lui.
Selon Jacques Dubochet, le journaliste paraît mieux armé pour faire avancer les questions sociales. À leurs façons, journalistes et scientifiques agissent sur la société. Tous deux produisent des connaissances mais dont la finalité est différente.
« D’abord, il faut se parler »
Jacques Dubochet défend l’idée que pour le bien commun, les scientifiques et les journalistes doivent travailler dur et ensemble. Quand on lui demande comment il imagine ceci, il répond qu’avant toute chose, « il faut se parler ».
Caroline Wichmann et William Kearney soutiennent une forme d’indépendance de la pratique journalistique qui nourrit le débat politique et qui fait également remonter les impulsions en provenance du public. De cette façon, les autorités sont, à leur tour, mieux informées et donc d’avantage outillées pour prendre les bonnes décisions, mais basées sur la science, éminemment.
Les décideurs politiques façonneraient donc la société en s’appuyant sur la science qui, elle-même s’appuie sur des faits. Mais qu’en est-il des controverses?
Scientifique, journaliste, citoyen
Dans un contexte où le changement climatique, par exemple, convoque aussi bien la parole des scientifiques, des journalistes, des politiciens que celle du public, les preuves sont aujourd’hui innombrables quant à la nature souvent partiale des prises de décisions politiques. Mais la quantité d’information diffusée par les journalistes tend à créer un débat de plus en plus proches des faits, dont la recherche constitue l’ADN des scientifiques, selon Jacques Dubochet.
Ainsi, pour les porte-paroles comme pour l’homme de sciences, la place du journaliste est celle du catalyseur, au sens chimique du terme: à savoir déclencher ou favoriser une réaction, un processus… citoyen pourrions-nous ajouter, mais c’est alors un rôle qui appartient à chacun.
Crédit photo: Wikimédias Commons