À Genève, si le premier tour des élections communales avait déjà révélé le désintérêt croissant des électeurs pour la chose publique, le second tour n’a fait que confirmer cette désaffection : seuls 28,7 % des électeurs se sont déplacés. Analyse d’une mobilisation en berne.
La démocratie locale s’est heurtée au silence des urnes à Genève. Au premier tour des élections communales, il y a un mois, le taux de participation en Ville de Genève était au plus bas depuis 1999. Avec le deuxième tour ce dimanche 13 avril, dont le taux de participation s’élève à 28,7%, la tendance se poursuit. Et certaines communes illustrent plus nettement ce désengagement.
Le bureau de vote le plus boudé pour ces élections est celui de la Ville de Lancy. Avec 29,2 % de participation au premier tour et un taux encore plus faible au second, la Maire socialiste réélue Salima Moyard se dit fortement préoccupée. D’après elle, des efforts avaient pourtant été mis en place dans la commune pour mobiliser, tels que des soirées de débats à destination des votants et des jeunes. « C’était une grande première pour Lancy, mais cela n’a apparemment pas suffisamment porté de fruits. » Des préoccupations qui n’épargnent pas l’exécutif des communes alentour. À Thônex, « même si le taux de participation est moins mauvais qu’ailleurs », avec 40% de participation au premier tour, le Maire du Centre Bruno Da Silva est inquiet face à une mobilisation « loin d’être satisfaisante ».
Des inégalités à déplorer
Si les élections communales suscitent peu d’intérêt, le politologue genevois Pascal Sciarini souligne d’autres explications à cette faible mobilisation. « Les communales sont le seul niveau auquel la population étrangère a le droit de vote. Or, cette dernière participe moins activement que les Suisses. » D’après une étude menée par le politologue en 2020, leur inclusion dans l’électorat a pour effet de baisser la participation globale aux élections. D’autres explications sont propres à ce second tour: « La campagne était extrêmement brève, ce qui a laissé peu de temps aux gens pour voter. De plus, ce deuxième scrutin visait uniquement le conseil administratif, contrairement à l’élection de mars, qui comptait une double incitation à voter avec le conseil municipal. »
D’après la Maire de Lancy, un autre facteur explique le taux de ce scrutin: les votes nuls. « Lors du premier tour, le Service des votations a été contraint d’annuler plusieurs bulletins, car ils n’étaient pas conformes. Cela montre aussi l’importance d’être formé au système de vote. »
Sous-représentation
Un besoin pédagogique soutenu par le Maire de Thônex: “Il est nécessaire de mieux préparer les citoyens et citoyennes de demain sur les enjeux politiques mais aussi sur le fonctionnement d’un bulletin de vote », suggère Bruno Da Silva. Le Centriste souligne aussi l’importance de « casser le mythe que la politique ne sert à rien », en favorisant la proximité des élus avec la population. « Les personnes qui ne se sentent pas représentées ne voteront pas, c’est certain. »
Pour Pascal Sciarini, bien que la baisse de la participation puisse être déplorée, ce qui demeure davantage préoccupant, c’est l’inégalité de cette participation: « Si certains groupes d’électeurs ne participent systématiquement pas aux élections, ces derniers risquent de se retrouver sous-représentés. C’est un phénomène déjà bien visible en Suisse, notamment en ce qui concerne les jeunes. »
Ambiance villageoise
Les taux de participation communaux les plus faibles concernent souvent les villes plus que les campagnes. Pour Salima Moyard, ces résultats s’expliquent aussi par le fait que la commune de Lancy est fortement urbanisée. « Dans les villes, nous n’avons plus cette tradition de l’ambiance villageoise autour des bureaux de vote qui pousse peut-être davantage à se rendre aux urnes. »
Un constat illustré par la commune d’Aire-la-Ville qui, du haut de ses 1166 habitants, relève un taux de participation de 68%. « Nous nous trouvons régulièrement dans la liste des communes ayant la mobilisation la plus élevée », se félicite le PLR Dominique Novelle, Maire réélu de la commune. « Une part de la population se rend au bureau de vote les dimanches matin et partage un apéro. Je pense que cette ambiance encourage la participation. »
Cette préoccupation ne se limite toutefois pas à Genève. Dans le canton du Valais, les faibles taux de participation aux élections cantonales ont interpellé au point de devenir sujet de campagne et de débat. À Sion, le Conseil général débat cette semaine d’un postulat visant à renforcer l’implication des citoyens lors des scrutins.
Par Anne Gallienne & Joyce Joliat
Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours « Pratiques journalistiques thématiques » dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.Une version de cet article a été publiée le jeudi 17 avril dans le journal Le Courrier.