Le marché florissant des formations qui boostent votre CV – JAM

Le marché florissant des formations qui boostent votre CV

Les formations continues courtes se suivent aussi bien en présentiel qu’à distance. [PIXABAY - PETER OLEXA]

Dans un marché du travail en pleine mutation, les micro-formations fleurissent. Courtes, ciblées et souvent vendues comme des boosters de carrière, elles constituent une source de revenus qui s’accroît pour les instituts en délivrant.

Cet article appartient à la série Ce nouveau marché privé de l’éducation consacrée aux grands changements que subit actuellement l’économie de la formation.
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Cadschool, Coursera, Google Ateliers Numériques. Ces plateformes, qui proposent des formations continues de courte durée, séduisent de plus en plus les demandeurs d’emploi, à l’instar de Priscille Matthey. À 29 ans, cette titulaire d’un Bachelor en tourisme de la HES·SO de Sierre navigue entre chômage et missions temporaires dans la culture, sans parvenir à décrocher un CDI. Pour ajouter des cordes à son arc, elle choisit de se spécialiser en marketing digital et en communication. Des compétences qui lui semblent intéressantes pour la suite de son parcours professionnel. «J’aime être proactive. C’est une manière de mettre à profit mon temps dans ces périodes creuses», explique-t-elle. Priscille Matthey n’est de loin pas la seule à tirer parti de sa situation. «Près de 90% des personnes qui suivent les cours avec moi sont au chômage», ajoute-t-elle. Ces modules courts, que l’on peut souvent suivre en ligne comme en présentiel, présentent un avantage de taille: ils peuvent être financés par le chômage et se bouclent en quelques semaines, voire quelques jours.

Des moutons à cinq pattes

Il y a quelques semaines, Priscille Matthey achève une formation de community manager dispensée par Cadschool, une école privée basée à Lausanne et à Genève, spécialisée dans le marché de la communication. Les 4’000 francs de frais sont pris en charge par son assurance chômage. Après un examen qui ponctue un mois et demi de cours, la jeune femme obtient un certificat. Celui-ci atteste de sa maîtrise à communiquer sur les réseaux sociaux.

Des formations courtes comme celle suivie par Priscille Matthey, Cadschool en propose pléthore, elles constituent le cœur du business model de l’école. Si le directeur de l’école, Cédric Millioud, préfère ne pas communiquer sur les montants générés par ce marché, il explique que la demande pour ce type de formations explose. À ses yeux, c’est en partie dû à l’accélération de la digitalisation, poussant à se former à de nouveaux outils informatiques. «On demande de plus en plus aux collaborateurs d’être des moutons à cinq pattes, capables de gérer tous les aspects d’un projet», avance Cédric Millioud. «Les professionnels du marketing et de la communication doivent développer les mêmes réflexes que les personnes dans l’informatique: ils doivent se former en continu car les compétences requises sont en constante évolution», ajoute-t-il. L’institut propose également des formations dites «tendances», axées sur des thématiques en vogue. «Actuellement ces cours font la part belle à l’intelligence artificielle», précise Cédric Millioud.

Dans le game

Pour Dimitri Ganevat, directeur des formations continues à CREA, les micro-certifications sont devenues un levier stratégique. «Aujourd’hui, la formation continue représente 10 à 15% de notre activité. On veut en faire un moteur de croissance sur trois ans», explique-t-il. L’objectif: former 250 professionnels par an, contre une centaine aujourd’hui. Une progression qui s’explique également ici par l’explosion des technologies liées à l’IA. «Il y a beaucoup plus de professionnels à la rue que d’étudiants. Technologiquement, ils sont largués», remarque-t-il. Pour répondre à cette demande, CREA a structuré son offre autour de deux cycles certifiants, de douze jours chacun – Digital Business Strategy et Digital Marketing Execution – proposés en programme complet ou à la carte. Les tarifs varient entre 6’000 francs pour le cycle Digital Business Strategy, et 4’500 francs pour le cycle Digital Marketing Execution. Le directeur des formations continues préfère ne pas révéler le montant que ce marché rapporte à l’école. Il explique néanmoins que chaque cycle est proposé deux fois par année.

Aux yeux de Dimitri Ganevat, la force de CREA réside en sa capacité à rester connectée au terrain avec des formateurs également professionnels en activité. Pour lui, cette crédibilité de terrain fait la différence face aux modèles plus académiques. «Je ne vois jamais de profs d’université chez Cartier ou Rolex. Beaucoup ne sont pas dans le game.»

Une concurrence entre public et privé?

En Suisse, la formation continue n’est toutefois pas l’apanage des acteurs privés comme Cadschool ou CREA. Les hautes écoles et les universités investissent également ce marché qui représenterait plus de 100 milliards de francs dans le monde en 2025, selon les estimations de la Commission européenne. À Genève, la HES·SO n’échappe pas à la tendance. «Le bouleversement des pratiques professionnelles amorcé par les intelligences artificielles génératives pousse la population à acquérir de nouvelles compétences», observe le Docteur Olivier Tejerina, directeur du centre de formation continue de la haute école genevoise, VisionS. Mais pour lui, pas question d’assumer une logique commerciale. «Nous ne cherchons pas à concurrencer les boîtes privées, notre démarche est avant tout académique», insiste-t-il. 

Une position qui s’inscrit tout de même dans un marché bien réel. Au sein de VisionS, la formation continue, englobant les formations certifiantes (MAS, DAS, CAS), les modules libres et les micro-certifications d’une durée de un à quatre jours, représente six millions de francs dans les domaines de la santé et du social en 2024.

«Les crédits obtenus lors de formations continues en haute école peuvent être valorisés hors des frontières de la Suisse, ce qui n’est pas le cas des sociétés privées qui s’appuient uniquement sur leur propre label», précise Olivier Tejerina. Les hautes écoles sont les acteurs les plus actifs dans le domaine des micro-certifications, selon la Fédération suisse pour la formation continue (FSEA). Un rapport de la FSEA, publié en 2022, pointe d’ailleurs que le nombre de micro-certifications va continuer à augmenter dans les années à venir, tout comme la demande pour ce type de formations. Une tendance qui confirme l’expansion de ce marché.

Par Fanette Fabrizio, Margaux Krieg et Guillaume Massonnet

Rapides, flexibles… mais non réglementées 
Selon Tiziana Fantini, responsable de projet au Secrétariat d’Etat à la Formation, à la Recherche et à l’Innovation (SEFRI), le phénomène des micro-certifications existe depuis longtemps en Suisse. Celles-ci prennent des formes diverses et variées dans le domaine de la formation continue: certificats de branche, certificats de prestataires ou encore attestations de cours. Mais l’appellation micro-certification a réellement vu le jour après une recommandation du Conseil de l’Union européenne de 2022 d’adopter une approche européenne de ce type de formation. La plateforme orientation.ch répertorie, aujourd’hui, plus de 13’000 offres de formations et de cours à temporalité courte disponibles sur le marché suisse. Cependant, les micro-certificats ne sont ni réglementés, ni protégés en Suisse. Ceci implique que les institutions publiques comme privées peuvent réagir de manière flexible et rapide aux besoins de la société ou du marché du travail en proposant ce type de formation. «L’inconvénient est qu’il n’existe pas non plus de pratique commune d’assurance de qualité des formations offertes», souligne Tiziana Fantini. En 2021, 45% des Suisses âgés de 25 à 74 ans ont suivi une formation continue. Un taux de participation parmi les plus élevés au regard des autres pays du monde.

Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours « Pratiques journalistiques thématiques » dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.

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