Le vrai visage des scientifiques derrière le climatoscepticisme

Le mouvement climatosceptique a eu ces dernières années de fortes influences sur la politique climatique internationale. Souvent décrié par les climatologues comme « anti-science », de nombreux scientifiques ont pourtant rejoint les rangs des sceptiques. Majoritairement sans expertise climatique, ces scientifiques donnent tout de même un semblant de sérieux au mouvement.

Le 27 mai 2020, le journal français l’Express publiait un long entretien avec Didier Raoult, microbiologiste et infectiologue, connu pour ces recherches controversées sur la chloroquine. Durant l’interview, Didier Raoult réfute le réchauffement climatique et son origine humaine. «Vous pouvez m’accuser de climato-scepticisme comme de tous les scepticismes, et je suis d’accord. Car, sinon, je cesse d’être un scientifique, et je deviens un prêtre», confie-t-il aux journalistes. Malgré les milliers de recherches et d’évidences confirmant le réchauffement climatique causé par l’espèce humaine, il est loin d’être le seul scientifique à douter du rôle de l’homme dans les changements climatiques. Mais qui sont ces scientifiques ?

Pas vraiment experts du climat

En septembre 2019, 500 scientifiques de la Climate intelligence foundation (Clintel) signent un courrier envoyée à l’ONU pour dénoncer le dernier rapport du GIEC et l’objectif européen du zéro émission d’ici 2050. Le journal français HuffPost s’est penché sur les 40 signataires français, à la recherche d’experts sur la question climatique. Une bonne majorité sont des climatosceptiques connus et actifs. Aucun n’est climatologue.

Les signataires français sont coordonnés par le professeur de mathématique Benoît Rittaud, président de l’Association des climato-réalistes, et tribun régulier à Valeurs actuelles, un journal français de droite. Les autres signataires, majoritairement retraités ou professeurs émérites, sont des mathématiciens, ingénieurs en énergie ou encore géophysicien, spécialisés notamment dans le nucléaire ou l’ingénierie pétrolière. Beaucoup d’entre eux viennent des secteurs du nucléaire, ou du pétrole. L’article cite notamment Jean-Louis Butré, ingénieur dans l’énergie nucléaire, qui lutte activement contre les éoliennes.

Benoît Rittaud répond au journaliste du HuffPost affirmant qu’un climatologue renommé suivait leur mouvement mais qu’il ne pouvait pas s’exprimer de peur de perdre son travail. Pour les signataires étrangers, les personnalités font échos à la liste française. Au total, seulement 10 des 500 signataires sont des climatologues.


Le consensus chez les climatologues

Au fil des ans, de nombreuses études ont cherché à quantifier le consensus sur la question climatique chez les experts du climat. Une étude publiée en 2013 mené sur 11’944 recherches affirmait que dans 97% des cas, les études et les chercheurs responsables s’accordaient sur l’existence d’un réchauffement et la responsabilité de l’espèce humaine. Pour les auteurs de la recherche, «la science fondamentale sur le rôle de l’espèce humaine dans le réchauffement n’est pas controversée». Le consensus existe : le réchauffement climatique est un problème réel, causé par l’activité humaine.

Et les 3% restant ? En 2016, une autre étude reprit et examina les recherches qui réfutaient la cause humaine dans les changements climatiques observés. Il se trouve que ces études contenaient des erreurs méthodologiques. Les chercheurs ont notamment, volontairement ou involontairement, «ignoré des informations qui ne convenaient pas à la conclusion [de l’étude]».

Plus politique que scientifique

Si les experts du climat s’accordent sur la cause humaine du réchauffement, pourquoi n’arrivent-ils pas encore à convaincre d’autres scientifiques ? Ici, c’est les conflits idéologiques et d’intérêt qui entrent en jeu. Aux États-Unis, plus de 92% des livres climato-sceptiques publiés viennent de groupe réflexions conservateurs et néolibéraux. Une partie des 40 signataires français de la Climate intelligence foundation ont été en partenariat avec des entreprises d’énergie fossile comme Shell ou Total. Ce n’est plus une logique scientifique mais politique qui se cache derrière le scepticisme climatique.

Le mouvement peine de plus en plus à trouver un soutien scientifique sérieux. Mais le simple soutien de scientifiques, qu’ils soient experts climatiques ou non, lui donne une force de propagande. Le mouvement arrive malgré tout à avoir une influence sur le débat climatique. Aux États-Unis par exemple, l’un des pays les plus climatosceptiques, plus de 85% de la population ne reconnaît pas le consensus des experts climatiques. De nombreux politiciens climatosceptiques ont également été élu ces dernières années, faisant reculer certaines avancées écologiques. Notamment le président conservateur américain Donald Trump, qui en 2017 décide de faire sortir son pays, le troisième pollueur mondial, des accords de Paris. Ou l’ancien premier ministre libérale australien Tony Abott, qui supprime la taxe carbone une année après son élection.

Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours « Actualité: méthode, culture et institutions » dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.

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