Le club genevois est devenu un cador du football suisse féminin en misant d’emblée sur un effectif international. Ce modèle est-il destiné à évoluer avec le développement de son centre de formation?
Pour la cinquième saison consécutive, le Servette FC Chênois Féminin a bouclé la saison régulière en tête du championnat helvétique. Un exploit qui résonne bien au-delà des rives du lac Léman car l’effectif genevois, composé de joueuses portugaises, espagnoles, marocaines ou encore scandinaves, est le plus international du pays. Depuis l’été dernier, ce caractère multiculturel se retrouve également dans le profil de l’entraîneur avec l’arrivée de Jose Barcala, un Espagnol anglophone coachant en parallèle l’équipe nationale écossaise.
Une autre culture
Pour Marta Peiró, actuelle Team Manager de l’équipe et ex-attaquante arrivée de Valence en 2020, c’est cette différence qui a permis au club de s’élever: «Il y a quatre ans, le football féminin suisse avait des lacunes techniques et tactiques, se souvient l’ancienne professionnelle de 26 ans, contrainte de mettre un terme à sa carrière à cause de l’endométriose. Nous, les joueuses étrangères qui arrivions d’endroits où le sport était plus développé, avons apporté cette méthodologie. C’est normal car historiquement, la Suisse n’est pas un pays de football. Mais aujourd’hui, nous voyons que les joueuses helvétiques ont évolué. Il suffit de voir leur résultat à la Coupe du monde, où elles sont arrivées huitièmes.»
Malgré cela, le club continue de suivre la même ligne que lors des dernières saisons, avec des internationales comme fers-de-lance de l’équipe. «Il faut aussi penser que ces joueuses permettent d’avoir davantage de visibilité, souligne Marta Peiró. Par exemple, chaque publication sur les réseaux sociaux à propos des Marocaines Imane Saoud et Elodie Nakkach (ndlr: respectivement 56 000 et 64 000 followers sur Instagram) entraîne beaucoup de réactions dans leur pays.» Les bienfaits sportifs, voire même commerciaux, de la présence de ces profils de haut niveau sont indéniables, mais ils posent aussi la question de l’intégration des talents régionaux au sein de l’effectif. Comment faire cohabiter ces deux phénomènes?
«Chemin inverse»
La première personne impliquée dans le transfert des joueuses et la construction de l’effectif, c’est Sandy Maendly. Ancienne capitaine de l’équipe et internationale suisse, la Genevoise de 36 ans est aujourd’hui directrice sportive de Servette Chênois: «Il ne faut pas oublier que nous sommes un club jeune (ndlr: sa création date de 2017). Avant, il n’y avait pas de structure junior, donc nous avons dû passer par le chemin inverse.» Le chemin inverse, c’est-à-dire s’assurer d’avoir une équipe première compétitive avant de pouvoir miser sur des joueuses issues du centre de formation.
Près de sept ans plus tard, le club dispose désormais d’une académie permettant l’essor de talents locaux: «Nous sommes en train de récolter les premiers fruits de notre travail, affirme Sandy Maendly, avec quelques jeunes joueuses régionales intégrées dans l’effectif cette saison (ndlr: Chiara Wallin, Amina Muratović et Alexia Morales).»
A l’image de ces dernières, la prometteuse Anesa Grainca, âgée de 15 ans seulement, est déjà surclassée en M19: «Ce serait mon rêve de jouer avec les pros.» Pense-t-elle y arriver malgré la concurrence internationale? «Ça me fait peur, mais ça me motive aussi, et ça ne brise pas mes rêves. C’est toujours mieux d’avoir une équipe la plus compétitive possible.»
Un peu de patience
Pour autant, le club n’est pas encore prêt à revoir drastiquement sa ligne directrice quant à l’intégration des joueuses régionales en première équipe, selon sa directrice sportive: «Si l’académie est aujourd’hui vraiment stable, le vivier n’est pas encore prêt. Il faut lui donner le temps de progresser.»
Laisser du temps au temps donc, sans toutefois penser que le club renversera complètement sa stratégie sportive à l’avenir. Car pour Sandy Maendly, «Genève étant petit, les ressources ne sont pas les mêmes que pour d’autres cantons. C’était, et ça reste, ambitieux de ne vouloir être compétitif qu’avec des locales.»
Par Giacomo Notari, Salomé Laurent et Thomas Strübin
Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours « Pratiques journalistiques thématiques » dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.