Commentaire – Les pouvoirs publics doivent-ils participer au financement de l’information ? C’est la question qui sera posée lors de la votation du 13 février. Elle portera sur le paquet d’aide destiné aux médias. Le camp du oui aura fort à faire pour aller convaincre les électeurs du bien-fondé de ces subsides (120 millions pour la presse écrite, 30 pour les médias numériques) dans un contexte global de plus en plus hostile aux institutions médiatiques. La Suisse se dégage pourtant de ses voisins européens. Un baromètre de l’université de Zurich paru en octobre 2021 montre que la confédération est la plus favorable au financement direct des médias par l’État. Avec 37% de soutien, c’est bien au-delà de l’Allemagne (21%) ou de la Grande-Bretagne (11%).
Une des raisons de ce particularisme est peut-être dû à la spécificité du modèle de démocratie directe de la Suisse. Les citoyens, appelés à voter 4 à 5 fois par année, doivent pouvoir se positionner sur des sujets variés. Dans ce sens, la démocratie directe n’est rien sans une presse libre et diversifiée. Les deux agissent en coopération.
Mais avec le boom du numérique, les rédactions sont entrées depuis quelques années dans une phase de mutation. Les changements d’habitudes de lecture, de consommation puis les nouveaux modèles économiques ont eu raison de 50 titres en 10 ans. La pluralité des médias Suisses est en danger.
Exemple, alors qu’un grand groupe comme Tamedia a refusé cette subvention il y a 3 ans, l’entreprise a, depuis, revu sa copie. D’abord il y a la symbolique. Aujourd’hui si la concurrence entre les différents titres de presse reste importante, ce sont plutôt les géants du numérique qui inquiètent les éditeurs.
Les regards se tournent aussi vers la presse régionale. Moins distribuée, plus coûteuse, elle est la première à être délaissée par les logiques libérales d’investissement. C’est ce qui est arrivé aux Etats-Unis où les médias ne couvrent plus certaines zones rurales, manquant à leur mission de service public et ouvrant la porte aux discours populistes. Si la situation n’est pas comparable en Suisse, il s’agirait malgré tout de ne pas être naïf. Tout le monde n’a pas intérêt à défendre la démocratie, encore moins via une presse forte et indépendante.
Etienne Daman
Crédits photo © KEYSTONE / Dominic Favre
Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours « écritures informationnelles », dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.