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Diversité: les rédactions ne se mélangent pas

La pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine ou encore le mouvement Black Lives Matter… Autant d’événements qui ont permis de mettre en lumière de nombreuses cassures au sein de la société. Et les médias semblent avoir leur part de responsabilité. C’est du moins une constatation soulevée par Marcus Ryder. En cause: le manque de diversité raciale au sein des équipes de rédaction.

“Des points de vue divergents améliorent la qualité des reportages et amènent une plus grande précision dans les informations”. Marcus Ryder donne le ton en marge de la conférence Why diversity isn’t changing your newsroomculture au Festival international du journalisme à Perugia. Spécialiste sur la question de la diversité dans l’industrie des médias en Angleterre, Marcus Ryder est responsable des consultants externes au Sir Lenny Henry Centre qui milite pour la diversité des médias britanniques.

Une triste réalité

A travers sa fonction, Marcus Ryder déplore “que l’homogénéité des profils ethniques dans le domaine du journalisme est avérée”. C’est un fait relaté également par l’Association canadienne des journalistes (ACJ), dans l’étude Canadian Newsroom Diversity Survey sortie en 2021.

Plus de 75% des rédactions canadiennes sont composées essentiellement de personnes blanches.

La majorité des salles de rédaction du Canada seraient composées essentiellement de personnes blanches pour pratiquement 4’000 journalistes. Et la tendance grimpe davantage quand elle concerne des postes plus prestigieux, comme celui de rédacteur en chef. Maigre consolation toutefois : les personnes issues de la migration travaillant au sein d’un journal se font plus nombreuses qu’il y a une dizaine d’années. Leur présence est d’ailleurs un atout précieux dans la couverture de la thématique migratoire car elle permet de traiter plus de sujets sur les personnes et les communautés d’origine étrangère.

Les résultats observés dans les rédactions canadiennes ne surprennent pas Marcus Ryder. Bien au contraire. Ils semblent généralisables au-delà des frontières du pays. A travers l’observation de 500 organes de presse, dans une vingtaine de pays de continents différents, il est actuellement en train de montrer avec son équipe qu’il n’y a que très peu, voire pas du tout, d’hétérogénéité au sein de la plupart des rédactions. En exclusivité, il nous dévoile les prémices. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles corroborent l’étude Canadian Newsroom Diversity Survey : les rédactions sont composées par les représentants des populations qu’elles servent.

Les rédactions doivent incarner la réalité sociale

S’il semble grand temps de s’interroger sur la diversité raciale du travail journalistique, il faut surtout y amener des solutions. La quasi-absence de débat public en terme de diversité des profils dans les rédactions rend la démarche particulièrement inédite. “Les causes principales de cette faible richesse ethnique sont sans doute liées à l’accès difficile pour se former au métier” estime Marcus Ryder. Loin de s’arrêter sur ce constat, il aimerait justement encourager une meilleure collaboration journalistique grâce à des rédacteurs plus hétérogènes. 

Graphique : Maxime Crevoiserat

Même s’il ne propose pas de solution miracle, il garde l’espoir que les consciences s’activent avec la formation d’équipes journalistiques plus diversifiées. Voir plus loin que son seul réseau et collaborer avec des personnes que l’on n’a jamais rencontrées, le tout dans une atmosphère respectueuse et accueillante, n’est pas une question de politesse ou de politiquement correct. Il s’agit d’amener le contexte et les perspectives fondamentales pour rendre les investigations pertinentes.

Par Maxime Crevoiserat

Crédit Photo: Pixabay

Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours “Production de formats journalistiques innovants”, dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.

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