Les rédactions féminines sont-elles « une étape nécessaire » ?

Cinq femmes à l’origine de projets journalistiques ont discuté de leur parcours dans le monde médiatique lors d’une conférence au festival international de journalisme à Perugia (IJF) jeudi 7 avril. Face à la sous-représentation des femmes dans les médias, des projets innovants tels que des rédactions 100% féminines voient le jour. Quels sont les challenges auxquels sont confrontées ces rédactions?

« Désolé, mais un homme sera plus efficace que toi ». Elisa Simantke, co-fondatrice éditoriale de l’Investigate Europe, donne le ton. La conférence, #girlsgang: women, innovation and journalism, s’attaque à la sous-représentation des femmes et le sexisme dans les médias. Cinq femmes journalistes ont discuté de projets innovants pour inverser cette tendance. L’un d’eux est le média Unbias.

Un nouveau journalisme

Unbias est un projet journalistique 100% féminin, collaboratif et transfrontalier fondé par Tabea Grzeszyk, journaliste allemande passée par les rangs de la German National Radio. Son objectif: créer un nouveau journalisme, authentique, équitable et diversifié. Le média n’hésite pas à le revendiquer sur les réseaux sociaux.

C’est un fait: les médias ne représentent pas assez le public qu’ils desservent, notamment les femmes, sous-représentées dans les productions journalistiques. Une étude du Global Media Monitoring Project (GMMP) menée en 2020 montre que dans 114 pays seulement 24% des personnes entendues, lues ou vues sont des femmes.

tableau : Mathilde Jaccard

Donner de la visibilité aux femmes, c’est également s’intéresser à leur diversité. Lors de la conférence #girlgang, Prune Antoine, journaliste et écrivaine française, a présenté son projet Sisters of Europe. Raconté en 17 portraits, le projet met en lumières la condition et la diversité des femmes en Europe.

Le journalisme féministe tel que le propose Unbias n’est pas nouveau. En 1897, Marguerite Durand, journaliste française, créait la Fronde, un journal composé uniquement de femmes. 130 ans séparent les deux projets. Pourtant, le but est similaire: représenter les femmes dans la presse et combattre les stéréotypes.

L’enregistrement de la conférence #girlsgang au Festival international à Perugia.

Une rédaction biaisée?

Une question surgit dans la salle conférence: le journalisme féministe est-il biaisé? Après la présentation, Prune Antoine livre un avis tranché: « oui il y a des biais, mais il y a des biais partout ». Elle ajoute:

« Je ne crois pas à l’objectivité du journalisme »

Prune Antoine, journaliste et écrivaine française

Du même avis, Tabea Grzeszyk avance qu’une rédaction 100% féminine ne produit pas forcément des informations biaisées. Malgré une possible subjectivité, elle précise que toutes les productions de Unbias suivent une éthique journalistique rigoureuse, motivée par la transparence, l’exactitude et l’équité.

De gauche à droite : Tabea Greszyk, Brigitte Alfter, Elisa Simantke, Clara Jimenez Cruz et Prune Antoine lors de la conférence #girlsgang.

Ouvrir le débat médiatique

Les deux journalistes et entrepreneuses défendent que la diversité n’est pas une question de morale, mais bien une question de qualité. Les femmes manquent de visibilité dans le système médiatique. Des projets tels que Unbias ou Sisters of Europe permettent d’ouvrir le débat et de diversifier le paysage médiatique.

Pour Prune Antoine, « c’est une étape nécessaire ». Elle apporte cependant de la nuance. « À terme, le but n’est pas de cloisonner les rédactions en communauté mais bien d’avoir une plus grande diversité. » Avec un brin d’enthousiasme, l’écrivaine espère que d’ici 10 ans le monde du journalisme sera plus égalitaire.

Lire aussi :
« Femmes dans les médias, rôles de dames », la revue des médias, INA.
« Le journalisme au prisme du genre, une problématique féconde » par Béatrice Damian-Gaillard, Cégolène Frisque et Eugénie Saitta

Par Mathilde Jaccard

crédits photos : Pixabay

Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours « Production de formats journalistiques innovants », dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.

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