Abel Ferrara : un cinéma américain pas comme les autres à Lausanne

Projections – La Cinémathèque suisse a organisé une rétrospective de l’œuvre du réalisateur américain. Des films d’Art hollywoodiens dans l’ombre du rendement économique des blockbusters.

« Il est né à New-York comme Martin Scorsese. Il a été le témoin du même univers, de la même réalité. Abel Ferrara est l’un des grands réalisateurs indépendants américains ». Chicca Bergonzi, adjointe à la direction de la Cinémathèque suisse, raconte ce réalisateur principalement connu pour ses films de gangsters et ses polars des années 1980. Dans lesquels ont joué des stars hollywoodiennes comme Peter Weller, Christopher Walken, Harvey Keitel ou Madonna.

L’institution a dédié le mois d’octobre à ses films de fiction. Des œuvres qui se sont enchaînées dans la salle du cinématographe du Casino de Montbenon à Lausanne. L’Ecole cantonale d’art de Lausanne a même organisé une masterclass avec Abel Ferrara venu en personne spécialement pour l’événement. Surprenant ? Pas tant que cela. La Cinémathèque a décidé de diffuser en Suisse cette année son film « Siberia » dans lequel joue la star américaine Willem Dafoe. Une démarche que l’institution entreprend de temps en temps pour aider la diffusion d’un cinéma d’Art ou de patrimoine.

« On a décidé de l’acheter parce que ce film est spécial et n’avait pas trouvé de distributeur en Suisse. Ce n’est pas un film commercial. Il est très différent des blockbusters américains » explique Chicca Bergonzi.

Un cinéma américain toujours dominant en Europe ?

Les choix artistiques d’Abel Ferrara auraient causé l’échec commercial de « Siberia ». Lui-même déplore les contingences économiques du cinéma dans une interview pour le quotidien 24 heures. Parce que le cinéma américain se porte bien. Avec ses blockbusters, il ne faiblit pas. Cette année en Suisse, vingt de ses films sont placés dans le « Top 25 » des longs-métrages les plus vus dans les salles. Alors qu’en France, sur les vingt-cinq films les plus visionnés en 2021, dix-sept sont américains. Même avec les règles du CNC protégeant le cinéma français.

Le cinéma américain représentait ainsi en 2019 56% de la part du marché français contre 35% pour les films tricolores. Et en Suisse 67%, contre 24% pour le cinéma européen. Un résultat qui ne choque pas Charles-Antoine Courcoux, professeur de la faculté d’Histoire et esthétique du cinéma de l’Université de Lausanne. « Le cinéma américain a une situation dominante dans le 7ème Art depuis la deuxième guerre mondiale et l’arrêt des studios européens. Le savoir-faire, leurs moyens financiers et la promotion de leurs films sont inégalables par l’Europe ».

Un phénomène qui est confirmé, selon lui, par les plateformes de streaming, toutes américaines, qui achètent aussi des productions de cinéma locales en Asie ou en Europe pour garantir un succès régional, voire international. Avec des productions chinoises, coréennes, espagnoles, allemandes et françaises. Ainsi que la mise sous contrat d’acteurs emblématiques comme Omar Sy, par exemple, pour Netflix. La plateforme et l’acteur ont annoncé le 13 octobre avoir conclu un accord sur plusieurs années pour qu’il joue et produise des films. Et pour Charles-Antoine Courcoux « Le cinéma américain n’est pas près de faiblir ».

Par Geoffroy Brändlin

Crédits photo © Samuel Rubio / Cinémathèque suisse

Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours « écritures informationnelles », dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.

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