Un drone bientôt homologué révolutionnera la pulvérisation de produits dans les vignes dès 2017. Cette année, l’objet volant a survolé presque tous les cantons de Suisse romande.
Une télécommande, un sifflement sourd, un drôle d’insecte qui prend son envol… Ce n’est pas un jouet mais un drone qui plane au-dessus des vignobles depuis cet été en Suisse romande. “Nous sommes les premiers en Europe à avoir testé la machine!” se réjouit Nicolas Ruedin, vigneron à Cressier (NE). L’oiseau en plastique a survolé son domaine en juin dernier.
Deux mètres de large, six moteurs alimentés par quatre batteries, le drone importé des Etats-Unis par la société valaisanne Fly & Film servira à l’épandage, soit la dispersion de produits phytosanitaires destinés à protéger les vignes des organismes nuisibles. “On a testé avec de l’eau pour l’instant car le traitement n’est pas encore homologué” explique le vigneron neuchâtelois.
L’idée atterrit chez les vignerons
Pour Frédéric Hemmeler, le directeur de Fly & Film, l’heure est à l’engouement “J’ai au moins 3 appels par jour de la part des vignerons“. Plus de 250 d’entre eux ont déjà contacté sa compagnie. “Avec le drone, nous ne sommes pas exposés aux produits et ce n’est pas pénible physiquement ” explique Samuel Héritier, un viticulteur qui a récemment invité la compagnie à voler dans ses vignes pour une démonstration.
“Ce qui nous intéresse c’est l’utilisation en parallèle de l’hélicoptère”. Un des avantages du drone par rapport à l’homme, c’est qu’il ne tasse pas le terrain. Plus précis, l’objet permettrait aussi d’éviter que les produits chimiques ne se dispersent. “On pourrait l’utiliser aux abords des forêts, des cours d’eau et des maisons pour éviter la dérive et les problèmes avec le voisinage ». Le viticulteur de Savièse (VS) se dit prêt à tester l’efficacité du drone sur quelques-unes de ses parcelles dès 2017. “Nous devons encore discuter des traitements”. Le choix des produits employés par le drone sera supervisé par d’autres professionnels comme l’entreprise Syngenta et par les vignerons eux-mêmes.
L’hélicoptère perd de l’altitude
Les hélicoptères d’épandage vont-t-ils disparaître au profit des drones? Pour faire des adeptes, l’appareil ne devra pas être plus cher que l’hélicoptère répondent les vignerons. “Il ne le sera pas” annonce Frédéric Hemmeler. Alors que le prix actuel pour l’épandage par hélicoptère est d’environ 380 francs par hectare, le prix du même service avec un drone s’élèvera aux alentours de 300 francs pour la même surface. “Je n’aime pas trop comparer avec l’hélicoptère, on parle d’une nouvelle technique de traitement. Avec un drone on ne traiterait que lorsque c’est nécessaire”.
Avec le drone nous serions plus autonomes. Lucien Testuz, viticulteur
Les viticulteurs qui font appel à l’hélicoptère envisagent d’autres avantages à l’utilisation du drone: “Pour traiter avec un hélicoptère on doit fermer les routes, cela fait du bruit et les gens sont mécontents” explique Lucien Testuz qui supervise l’épandage par hélicoptère dans le Lavaux. Le drone est un moyen plus flexible. “L’hélicoptère ne fonctionne que si tout le monde participe, avec le drone nous serions plus autonomes”.
La société valaisanne de drones ne vendra pas ses machines, elle louera ses services aux vignerons. Car pour faire décoller l’araignée volante de 40 kilos, le pilote doit être en possession d’une autorisation de l’Office de l’Aviation Civile (OFAC). Lucien Testuz a pourtant voulu tester la bête par lui-même en suivant la formation de pilote proposée par l’entreprise. Dans le futur, il envisage d’acheter son propre drone et, qui sait?, peut-être devenir pilote de drones pour ses voisins viticulteurs. “Ce n’est pas pour tout de suite, mais c’est l’avenir“.
Le drôle d’oiseau prêt à décoller
La quantité de produits qu’un drone peut transporter reste la principale préoccupation. “Si je ne peux traiter qu’une petite parcelle et que toutes les 5 minutes il faut se déplacer avec tout le matériel pour aller remplir le drone cela risque d’être compliqué” prévient Lucien Testuz. Il faudra également adapter les produits phytosanitaires actuels à l’engin : “Nous utilisons le cuivre et le souffre principalement en poudre et il semblerait que ces produits bouchent les buses, cependant il existe des solutions liquides”.
J’espère pouvoir opérer en début d’année prochaine.
Les solutions, si elles existent devront encore être mises en place dans l’attente d’une autorisation. “J’espère pouvoir opérer en début d’année prochaine” nous confie Frédéric Hemmeler, le patron de Fly & Film. Cependant, aucune date n’a encore été prononcée pour l’homologation de sa machine.
Si les précédents voient déjà voler les drones, la vigneronne valaisanne Marie-Thérèse Chappaz, connue pour son utilisation d’un cheval et d’une charrue pour labourer ses vignes, avoue ne pas avoir participé aux démonstrations. Elle a pourtant eu vent de l’affaire: “Je trouve ça fantastique, ça ne fait pas de bruit et pour l’épandage ça irait. Pourtant je me dis que tout ce qui éloigne l’homme de la plante ce n’est pas toujours bien. Quand on aura des machines pour tout faire, ça éloignera le vigneron de ses vignes”.
L’apparition de ces drôles d’oiseaux ne fait que commencer. A la Haute Ecole de viticulture et d’œnologie de Changins, on développe une autre sorte de drone depuis plusieurs années: le drone qui photographie les vignobles et permet de faire des pronostics sur leur état de santé. “Nous pourrions imaginer utiliser l’appareil à l’échelle cantonale pour évaluer la propagation des maladies” explique William Metz, un jeune ingénieur américain. Le drone a pris son envol et il compte bien rester en l’air.