Certains pensent que la pandémie aura un effet bénéfique pour la planète. D’autres au contraire estiment que la crise écologique repartira de plus belle au sortir de la pandémie. Si télétravail et confinement riment avec réduction des émissions de gaz à effet de serre, quels effets aura vraiment le Covid-19 sur l’écologie, à court et long terme ? Tour d’horizon des impacts concrets, du début de la crise jusqu’aux décisions actées pour l’année à suivre.
L’arrivée du virus SARS-Cov-2 a redistribué les cartes. La question climatique, qui occupait le centre des préoccupations des médias et du grand public, a été reléguée au second plan car « moins urgente ». Chacun y va de sa théorie. Dans le tumulte général, nous avons tenté de sélectionner les dates les plus marquantes de l’actualité coronavirus en lien avec l’écologie.
Mars 2020
Des cieux sans avions: c’est l’une des conséquences de la crise sanitaire provoquée par le coronavirus. En mars 2020, le trafic aérien mondial total a baissé de 21.6% comparé à la même période en 2019 selon Flightradar24. Les chiffres ont continué à baisser pour arriver à un nombre de vols quotidiens estimé à 30’305 au 17 avril 2020, comparé aux 116’682 vols enregistrés au 23 janvier 2020. Ce brusque arrêt du secteur de l’aviation contribue à court terme à drastiquement réduire la pollution atmosphérique à travers le monde.
11 mars 2020
Les mouvements citoyens pour le climat tels qu’Extinction Rebellion ou Lausanne Action Climat ne peuvent plus manifester dans les rues. Une grève digitale faisant moins de bruit et ayant moins de répercussions politiques qu’une manifestation, l’engouement général pour la cause climatique pourrait perdre de sa superbe à cause de la crise générée par la pandémie de Covid-19. Les réseaux s’organisent de plus en plus sur la Toile, comme à Bruxelles.
Greta Thunberg encourage aussi à déplacer la grève pour le climat sur le net. Fort de son engouement planétaire, notamment auprès des jeunes, grâce à ses manifestations et ses actions dans les rues, le mouvement pour le climat en partie instigué par Greta Thunberg pourrait pâtir des mesures obligatoires de distanciation sociale.
So keep your numbers low but your spirits high and let’s take one week at the time.
You can join the #DigitalStrike for upcoming Fridays- post a photo of you striking with a sign and use the hashtag #ClimateStrikeOnline !#fridaysforfuture #climatestrike #schoolstrike4climate 4/4— Greta Thunberg (@GretaThunberg) March 11, 2020
12 mars 2020
La US Youth Climate Strike Coalition publie un communiqué demandant à la société civile de ne pas se mobiliser massivement pour le Earth Day qui a lieu le 22 avril de chaque année (en français Le Jour de la Terre, une des plus importantes célébrations environnementales à travers le monde). Cette fête célébrait son 50ème anniversaire. Trois jours consécutifs de « grève climatique » étaient également censés succéder à cet événement.
La US Youth Climate Strike Coalition demande aux organisateurs de tout le pays de ne plus se mobiliser en masse pour la Journée de la Terre, et de réfléchir plutôt de manière critique et créative à la manière d’inciter leurs communautés à perturber le cours normal des choses par des tactiques différentes et nouvelles.
– US Youth Climate Strike Coalition
16 mars 2020
Le premier ministre tchèque Andrej Babis exhorte l’Union Européenne à abandonner le Green New Deal pour se concentrer sur la crise du coronavirus. Cette série d’accords vise à prôner une politique de décarbonisation de l’Europe d’ici 2050.
17 mars 2020
C’est au tour du vice-ministre polonais des Actifs de l’Etat, Janusz Kowalski, de remettre en cause l’utilité du système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE-UE). La Pologne, extrêmement dépendante de l’industrie du charbon d’un point de vue énergétique est d’ailleurs le seul des 27 membres de l’UE à ne pas s’être engagé à la neutralité carbone d’ici 2050.
19 mars 2020
Dû à l’absence de touristes, il n’aura fallu qu’une dizaine de jours pour que les les canaux de la Cité des Doges redeviennent limpides. Ils sont d’habitude pollués par le ballet incessant des gondoles et des bateaux. Venise est habituellement envahie de touristes tout au long de l’année. Ils étaient plus de 5 millions à sillonner ses rues et ses canaux en 2018.
Le confinement généralisé de plus de la moitié de la population mondiale a également permis à la faune de réinvestir certains lieux desquels la surpopulation l’avait exclue. Depuis le début de la crise du coronavirus, les réseaux sociaux regorgent de photos et vidéos se réjouissant du retour d’animaux dans certaines zones urbaines qu’ils avaient déserté. Petit florilège de tweets et autres posts illustrant ce phénomène à travers le monde:
Attention toutefois à ne pas s’émerveiller trop vite! Les fake news pullulent également, comme le précise cet article du National Geographic, démentant notamment deux publications qui sont rapidement devenues virales.
23 mars 2020
Nouveau « grounding » pour Swiss air? La compagnie aérienne suisse, filiale de Lufthansa, réduit sa flotte active à seulement six avions, un pour les vols longs courriers, et cinq pour rallier ses principales destinations européennes. Le reste de ses appareils reste cloué au sol, en compagnie de ceux de nombreuses autres compagnies. Cette immobilisation a également un effet sur la pollution. Le secteur de l’aviation est responsable en Suisse de 10% des émissions de gaz à effet de serre.
14 au 25 mars 2020
Le Centre national d’études spatiales (CNES) annonce que les concentrations de dioxyde d’azote avaient diminué de 30% sur la période du 14 au 25 mars 2020 comparé à la même période l’année passée (notamment au-dessus de Paris, Milan et Madrid).
Des satellites observent la chute de la pollution atmosphérique au dessus de la France, l’Italie et l’Espagne. Analyse approfondie de ces 1res cartographies sur l’Europe depuis le confinement ? https://t.co/A9DpMNvMEn
? @CopernicusEU #Sentinel 2019-20, traitement @KNMI @esa pic.twitter.com/uLx9pOOAlF— CNES (@CNES) March 30, 2020
26 mars 2020
L’administration Trump autorise les entreprises américaines à ne pas respecter les directives de l’agence en charge de la protection de l’environnement (EPA) pendant la crise du Covid-19. Cette décision est appliquée rétroactivement depuis le 13 mars 2020.
8 avril 2020
Le Conseil Fédéral entend soutenir financièrement le secteur de l’aviation. Il souhaite notamment lui accorder des liquidités sous forme de garanties de la Confédération. Le département des finances et des transports est censé proposer d’ici à fin avril une proposition de financement transitoire. Ce plan de sauvetage impose cependant certaines contreparties: l’interdiction de verser des dividendes avant le remboursement des prêts et l’obligation d’utiliser les fonds alloués sur le territoire suisse sont deux des conditions obligatoires pour toucher cette aide. Les entreprises concernées devront également prouver qu’elles n’ont pas d’autres moyens de financement possibles.
Cette décision du Conseil Fédéral fait grand bruit dans les milieux écologistes, alors qu’une taxation des billets d’avion se précise en Suisse. La commission de l’environnement du Conseil national veut en effet inscrire une telle taxe comme mesure de lutte contre le réchauffement climatique dans la loi sur le CO2. La Verte Lisa Mazzone a d’ailleurs fustigé dans une lettre ouverte la décision du Conseil Fédéral. La position de la Conseillère aux États a fait polémique, compte tenu de l’importance de ce secteur économique, qui emploie plus de 190’000 personnes en Suisse.
13 avril 2020
17 avril 2020
Le Canada annonce débloquer une aide de 1.7 milliards de dollars canadiens afin d’aider le secteur pétrolier, touché par la crise du Covid-19, ainsi que par la chute du cours du pétrole.
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Le calendrier des négociations climatiques entre les États est aussi bouleversé.
La COP26, réunion inter-gourvernementale qui devait se tenir du 9 au 20 novembre 2020 à Glasgow a été reportée à 2021, sans date précise. Organisé par l’ONU, ce sommet devait rassembler les principales forces politiques et économiques du monde autour de la question écologique. Avec pour enjeu crucial de renforcer les Accords de Paris. Selon certains experts, comme le GIEC , les Accords de Paris sont insuffisants et trop peu contraignants pour contenir la hausse des températures à 1,5°.
Le confinement comme une expérience du renoncement
Dans la foule d’informations publiées tous les jours, il nous a fallu effectuer un tri. Nous nous sommes limités aux faits saillants, aux décisions politiques actées, en évitant les théories boîteuses ou hypothétiques dispensées par la futurologie. Dans nos recherches, nous avons constaté que la relance économique pèsera énormément sur la balance, et les choix des décideurs. Mais ce serait une erreur d’évacuer totalement cette part d’incertitude si intimement liée à l’avenir. Comment mesurer l’impact du Covid-19 sur les mentalités, les habitudes de consommation de chaque individu ? C’est impossible.
La crise sanitaire actuelle est-elle est chance pour la transition énergétique? Si l’on peut s’attendre à une baisse des émissions de CO2 en 2020, Joëlle Noailly, directrice du Centre d’études environnementales à l’ @IHEID, estime qu’elle ne sera que temporaire.#LaMatinaleRTS pic.twitter.com/Y0FN1mJh8T
— RTSinfo (@RTSinfo) April 14, 2020
Reste que le confinement est une expérience intéressante de renoncement selon Pablo Servigne, un des fondateurs de la collapsologie. Renoncement aux transports, aux voyages par exemple. Dans un entretien au Monde datant du 10 avril dernier (article payant), il s’exprimait : « La pandémie montre l’extrême vulnérabilité de nos sociétés, leur degré d’interconnexion, de dépendances et d’instabilité. »
En 2008, le système capitaliste subissait déjà quelques secousses, avec la crise des subprimes. Mais il ne s’est jamais effondré.
Léo Tichelli & Miguel Da Silva Rodrigues
Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours « Actualité: méthode, culture et institutions » dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.