La pratique journalistique face au géant Facebook

Début 2018, Facebook annonçait que son algorithme privilégierait désormais le contenu des amis par rapport aux pages officielles. Au Festival international du journalisme à Perugia (Italie), nous avons rencontré trois journalistes qui nous ont fait part de leurs propres pratiques face aux nouveaux outils numériques, notamment Facebook Live.

Dans notre ère du tout numérique, quelle est la place, et surtout la marge de manoeuvre des médias sur le réseau social?

A l’occasion du Festival international du journalisme à Perugia, Livia Iacolare, gestionnaire des partenariats médias de Facebook, a indiqué que la vidéo représente plus de 50% des échanges sur les médias sociaux. Un outil comme Facebook Live ou la story est donc devenu un incontournable des nouvelles pratiques journalistiques.

Les impressions de trois journalistes

Courtney Radsch, cyberactiviste et journaliste citoyenne, membre du comité pour la protection des journalistes (CPJ), est très critique par rapport à la plateforme. Selon elle, on ne peut pas comprendre le journalisme moderne sans étudier Facebook. Le réseau social aurait un impact fondamental à chaque étape de la production journalistique. Sur la récolte des informations, le type de publications, mais aussi sur la sécurité des journalistes, la manière dont ils pratiquent leur métier.


Le changement récent de l’algorithme augmente encore le pouvoir de Facebook, qui détient dans ses formules ce qui est vu et ce qui ne l’est pas. Les rédactions s’attellent donc à êtres présentes sur Facebook, ce qui est légitime. Cependant, ceci demande des ressources aux journalistes, à la fois en temps, en argent, et en moyens humains. D’après Courtney Radsch, certaines nouvelles disparaîtraient carrément de la plateforme:  » Dans certaines zones de conflit, comme en Syrie ou en Birmanie, certains contenus filmés sur place par des journalistes ont été retirés du fil d’actualité car ils étaient jugés trop extrêmes. »

« Il arrive donc fréquemment que l’algorithme censure des informations qui seraient importantes pour le monde entier. »  

Courtney Radsch (@courtneyr), journaliste

 

On comprend bien comment, à travers un fil d’actualité, l’opinion publique peut être orientée dans telle ou telle direction.

Francesco Rossetti, éditeur au magazine régional hebdomadaire  VivoModena, est plutôt enthousiaste quant à l’utilisation des nouveaux outils Facebook:

« Si je n’utilise pas Facebook Live ou d’autres outils technologiques maintenant dans mon métier, je le ferai sûrement demain. »

Au sein de ce média local à grande distribution, la rédaction de l’hebdomadaire a été briefée pour se moderniser rapidement. Actifs essentiellement sur leur site internet, le but est de développer les réseaux sociaux. Toujours de manière positive, puisque chacun des journalistes est conscient que leur métier est en constante évolution. Bien entendu, le journaliste n’est pas crédule: « Facebook est une immense machine, où les nouvelles ne sont pas du tout hiérarchisées.

« Les nouvelles formules qui régissent le newsfeed sont très opaques. Tu ne vois que ce qui t’intéresse. Il est mauvais de rester dans cette zone de confort avec tes amis. Tu dois voir comment le monde est en réalité. »

Francesco Rossetti (@FrancescoRosse), journaliste éditeur

Pour Osman Kaytazoglu, journaliste à BBC Turquie, les nouveaux outils proposés, comme  Facebook Live par exemple, demandent énormément de ressources à mettre en place, pour que le rendu soit exploitable. Mais bien exécuté, le numérique est une vraie chance pour un média local.

« Adapter la pratique journalistique à la technologie coûte très cher. Les grands médias peuvent se le permettre, et ainsi entamer sans trop de difficultés la transition numérique. »

Osman Kaytazoglu (@kaytazog), journaliste BBC Turquie

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