Une autoroute dans mon champ : qu’en disent les paysans?

Les projets autoroutiers soumis au vote prévoient de recouvrir 8 hectares de terres agricoles. (Crédits: Keystone/Anthony Anex)

Leur si chère zone agricole. D’habitude ardemment défendue par les paysans, elle est menacée par l’élargissement des autoroutes soumis au vote le 24 novembre. Malgré tout, la faîtière pourrait soutenir le projet.

Un nouveau clivage ville-campagnes. D’après un sondage “20 Minutes/Tamedia”, les ruraux seraient 61% à soutenir l’élargissement des autoroutes, contre 47% des citadins1. Et ce, alors qu’une partie des projets affecteront les terres cultivées. Qu’en pensent les agriculteurs?

Combien de sols recouverts?

À l’échelle suisse, les projets d’élargissement autoroutiers prévoient d’empiéter sur environ 53 hectares (l’équivalent de 73 terrains de football) tous types de surfaces confondues, dont environ 8 hectares de terres agricoles (11 terrains de football environ). En Suisse romande, l’ajout d’une voie de circulation supplémentaire entre Le Vengeron et Nyon avalera un peu plus de 3 hectares de terres cultivées.

« Une emprise à relativiser »

Malgré ces chiffres, l’Union suisse des paysans (USP) se montre plutôt favorable au projet. “Les 10 hectares de surface agricole utile au niveau suisse restent une emprise négligeable. Je voyais encore récemment un projet de zone industrielle qui artificialisera 15 hectares, donc l’emprise des autoroutes doit être relativisée”, note Michel Darbellay, porte-parole de l’USP. “L’agriculture a également intérêt à ce que les infrastructures de transport fonctionnent”, rappelle-il. Les embouteillages représentent un surcoût pour les exploitants, par exemple lorsqu’un camion de bétail est bloqué dans le trafic. La faîtière se prononcera ce mercredi, mais le refus est déjà exclu. “Ce sera un soutien ou la liberté de vote, mais bien parce que ces projets restent limités et ponctuels. Sinon la discussion aurait été tout autre.”

Le Verger de St-Loup, bordé à gauche par l’autoroute A1. Si le peuple approuve le projet, une troisième voie sera y ajoutée sur près de 19 km, entre Nyon et le Vengeron. (Crédits: Google Maps)

200 arbres perdus

Dans son verger au bord des voies rapides, Michel Serex regarde, lui, ces projets avec plus de chagrin. Arboriculteur au Verger de St-Loup sur les hauts de Versoix (GE), il serait directement concerné par une troisième voie entre Nyon et Le Vengeron. “Nous devrons reculer notre verger de 8 mètres, ainsi que toutes les structures anti-grèle”, indique-il, s’inquiétant du coût de ces opérations pour sa trésorerie. 200 arbres seraient aussi perdus. “Cela ne me plaît pas, mais les bouchons ne me concernent pas pour me rendre au travail. Et surtout pour la biodiversité, poser une couche de bitume est vraiment la pire chose que l’on puisse faire.” Il se dit prêt à “continuer le boulot en serrant les dents”, non sans laisser échapper un certain fatalisme.

Par Julien Tinner
Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours “écritures informationnelles”, dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.

  1. À propos de l’étude, 20 Minutes indique que “le sondage a été réalisé en ligne les 2 et 3 octobre. Au total, 11’170 personnes, dont 3’852 romands, y ont participé. Les données ont ensuite été pondérées selon des variables démographiques, géographiques et politiques. La marge d’erreur est estimée à +/- 1,7% pour les estimations basées sur l’ensemble de l’échantillon.” ↩︎

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