Février dans le viseur: Charlotte Chable ne pense qu’aux Championnats du monde de Saint-Moritz. Sacrée «meilleur espoir romand féminin» 2015, la skieuse vaudoise de 22 ans est consciente de vivre un rêve.
Léandre Duggan: Charlotte Chable, comment s’en sort-on financièrement dans le monde du ski?
Charlotte Chable: J’ai ai eu quelques années difficiles. Maintenant ça fait deux ans que se passe bien. Je n’ai pas gagné beaucoup de primes (ndlr: 5271 francs en 2016, d’après le classement des primes de la FIS). Heureusement, mes sponsors me permettent d’être financièrement autonome. Ochsner Sport, le plus important, me verse une prime fixe (ndlr: annuelle). Et des primes par courses qui varient en fonction du résultat. On ne remporte pas grand chose si on n’est pas tout devant. Il ne faut pas oublier que le ski est un sport individuel. Dans les sports d’équipe, même sans jouer, un athlète gagne tout de même de l’argent. En ski, c’est seul qu’on prend des risques.
LD: Donc, pour gagner des primes, il faut remporter des courses. Et pour remporter des courses, il faut prendre des risques?
CC: Je ne pense jamais à prendre des risques pour gagner des primes. En fait, on ne ressent pas forcément les risques pendant la course. Même si parfois, on est à la limite de la faute. Il n’y a qu’à voir le nombre de blessés chaque saison. Et personne ne s’intéresse à un skieur blessé. Quand je suis arrivée dans les cadres de SwissSki, c’était dur. Il y a eu trois ans où j’ai souvent été blessée. Je me suis déchiré les ligaments croisés deux fois. La première fois, je l’ai accepté. En me disant que ça fait partie de la vie d’un skieur. J’ai tout donné pour revenir. Quand j’ai pu skier à nouveau: «Boum!» L’autre genou a lâché, tout s’est effondré et il a fallu tout recommencer. En sachant exactement ce qui allait arriver: les douleurs et ce qu’il s’ensuit. Mais, je sentais que je pouvais aller plus loin dans le ski. En même temps je me disais: «Peut être que je devrais arrêter, que je ne suis pas faite pour ça.»
LD: Pourquoi continuer malgré les risques de santé et un attrait financier faible?
CC: Faire ce sport, c’est aussi accepter des sacrifices. On ne skie pas seulement de décembre à avril. On s’entraine tous les jours, pour avoir les capacités physiques pour skier et se protéger des blessures. Mais j’aime tellement ça, que je n’ai pas envie de m’arrêter. Au delà des risques et de l’aspect financier, le public oublie le «à côté» du ski. Tout parait plus simple à la télévision, plus facile, plus plat. Les gens nous voient au départ, pendant la course et à l’arrivée. Ils se disent, «moi aussi je peux le faire». Ils ne voient pas comme c’est gelé. Ni les risques qu’on prend.