Depuis le 1er juillet 2024, l’obligation de lutte a été étendue à plusieurs dizaines de nouvelles espèces envahissantes dans le canton de Vaud. Le coût de ces actions, à la charge du Canton et des communes, excède déjà les budgets disponibles. Et la pression va continuer à s’intensifier.
Les bottes seront restées au sec. La pluie intense de ce vendredi 18 octobre a finalement eu raison de l’action d’arrachage de Renouées du Japon organisée par l’Association pour la Sauvegarde du Léman (ASL) sur les rives de la Sorge, à Ecublens. La traque de ce végétal invasif y est entièrement subventionnée par l’État de Vaud. Un rapport de la Commission fédérale d’experts pour la sécurité biologique chiffre le coût de son élimination à 20’000 francs pour 10 m2 colonisés, répartis sur toute la durée de lutte. Rien qu’à la Sorge, ce sont près de 1300 m2 qui ont été traités l’an dernier.
Dans cette lutte contre les invasives, « l’éradication représente les coûts à long terme les plus élevés. Pour la Renouée du Japon, il faut passer la couper 8 fois par an, pendant dix ans », indique Romain Savary, collaborateur scientifique chargé des espèces à la Direction générale de l’environnement.
Détecter tôt pour limiter les frais
« Les coûts deviennent exorbitants une fois que la plante est bien installée, ajoute Romain Savary. La lutte est plus efficace et bien moins coûteuse lorsque l’espèce est détectée tôt, avant son expansion sur le territoire. » Le Canton de Vaud y investit plusieurs millions de francs par an, mais un chiffrage précis reste difficile à établir. La lutte est souvent intégrée à d’autres types d’entretiens courants, disséminant les frais entre de multiples domaines. « Sauf pour certaines plantes concernées par une obligation de lutte, pour lesquelles certaines communes investissent spécifiquement des moyens », précise le scientifique.
« Les coûts vont exploser »
C’est dans le Chablais que l’on trouve plusieurs de ces communes proactives. La lutte y a commencé il y a quinze ans, se souvient Jean-Marc Mathys, garde-forestier à Ollon. « Au départ, ces actions étaient réalisées à l’interne, mais nous étions amenés à les faire au détriment d’autres travaux de voirie. Donc nous avons mandaté une entreprise spécialisée. » Coût de la mesure: 100’000 francs par an, à ajouter aux 30-40’000 francs pour les tâches encore réalisées par les agents communaux. « Cette lutte n’a pas un gros impact sur le budget pour l’instant, mais les coûts vont exploser ces prochaines années », alerte-t-il. La faute à une hausse des installations d’espèces problématiques et à la découverte tardive de la dangerosité d’essences déjà répandues, à l’image du Buddleia (Arbre aux papillons).
Choisir ses combats
Jean-Marc Mathys poursuit: « Si nous devons lutter contre 13 plantes invasives (contre 4 aujourd’hui à Ollon), les coûts vont au minimum doubler. » Or, c’est bien ce que prévoit la loi cantonale sur la protection du patrimoine naturel et paysager, récemment révisée, qui étend la liste des espèces soumises à une obligation de lutte. Les subventions cantonales ne couvrent actuellement que 5% des dépenses engagées par la commune d’Ollon, mais de nouvelles aides sont en préparation. Et ce, alors même que pour l’État de Vaud, la situation est déjà périlleuse: « On dépasse largement les budgets », qui n’ont pas été ajustés à la hausse des mesures de lutte, note Romain Savary. Et de regretter: « Dans certains cas, il faut déjà choisir ses combats. »
Les bénévoles sauvent la mise
Par Julien Tinner
Cet article est daté du 20.10.2024. Mis à jour avant publication le 22.02.2025.
Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours « écritures informationnelles », dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.