« Les réseaux sociaux facilitent la découverte de la foi »

Carolina Costa dans son bureau carougeois, décoré de divers tableaux colorés, chrétiens et bouddhistes, qui lui sert de studio de tournage (Photo:Camille Marteil)

Déclin des fidèles et concurrence des autres courants chrétiens: l’Église protestante réformée fait face à un besoin de renouveau. Carolina Costa, pasteure haute en couleur de l’Église protestante de Genève, apporte un second souffle à la tradition réformée. Rencontre.

Exit l’homme d’Église austère. Vêtue d’un pull violet électrique et arborant un sourire franc, Carolina Costa tord le cou aux idées reçues sur les pasteurs. La Monégasque d’origine, née d’un père italien catholique et d’une mère danoise luthérienne, arrivée à Genève à l’âge de quatre ans, œuvre en tant que pasteure à l’Église protestante de Genève depuis 2007. La quarantenaire est également autrice, comédienne, chanteuse et youtubeuse. Une palette de compétences qu’elle met à profit au sein de son ministère pastoral, exercé à mi-temps, pour pouvoir se consacrer à son activité d’influenceuse chrétienne.

« Ses vidéos m’ont permis de me réconcilier avec le christianisme. »

– Sol, protestant genevois

De Beyoncé à l’autel

Le pastorat n’a pas tout de suite été une évidence pour Carolina Costa. Enfant, elle fréquente une paroisse luthérienne avec sa mère. Ce lieu représente une première expérience transcendante mais la jeune fille ne souhaite pas faire de la religion son métier. Ses études de théologie n’ont pas non plus déclenché de vocation, « j’étais passionnée par la religion mais je ne pensais pas devenir pasteure car je ne fréquentais pas une église particulière mais plutôt un groupe de jeunes chrétiens qui suivait un pasteur anarchiste ».

La jeune étudiante poursuit sereinement son parcours universitaire jusqu’à ce qu’un événement vienne bouleverser sa vie. La pasteure explique sans tabou qu’un homme l’a violée. Quitter Genève devient alors impératif: « Soit je pars, soit je crève. Donc j’ai décidé de partir! » Carolina Costa boucle ses valises pour le Tibet, voyage mystique qui lui permet d’apaiser ses souffrances. Après des mois à sillonner des paysages escarpés, la Genevoise retourne dans la ville de Calvin, où elle termine sa formation.

Fraîchement diplômée, celle qui a toujours rêvé d’être chanteuse comme Beyoncé ou Véronique Sanson, quitte à nouveau la Suisse. Cette fois-ci, c’est pour une école de musique et de scène à Paris. Elle y rencontre Victor, qui deviendra son mari et le père de ses deux filles. Après plusieurs années de vie parisienne, le couple décide de s’installer en Suisse. Ici, Carolina Costa réalise que ce qui l’anime le plus, au-delà de la musique, est la « quête existentielle ». C’est alors qu’elle croise la route d’un pasteur qui l’encourage à entreprendre une carrière pastorale.

Évangiles et algorithme

Cette idée prend forme dans l’esprit de Carolina Costa, qui dépose sa candidature pour un stage de pasteure, sans trop y croire, « je me trouvais trop fêtarde pour cette profession! » À sa grande surprise, la jeune femme est retenue pour faire ses premiers pas à la Cathédrale Saint-Pierre de Genève. Très vite, elle se demande comment concilier sa nouvelle profession avec celle de comédienne et chanteuse: « Certaines personnes me disaient que je devais choisir entre mes différentes activités. Mon mari, lui, m’a toujours dit qu’elles étaient toutes compatibles. »

C’est décidé, toutes ses passions cohabiteront. Alors qu’elle avoue « détester l’orgue », ses cultes sont rythmés par de la musique pop et des éléments théâtraux. Élise, récemment baptisée dans la paroisse de Carolina Costa, a été séduite par cette modernité. « Si j’étais tombée sur quelqu’un d’autre, je ne serais sûrement pas devenue chrétienne », déclare la Genevoise issue d’un milieu athée, qui a connu la pasteure grâce à ses vidéos de vulgarisation biblique sur Instagram.

En pleine pandémie de Covid, Carolina Costa, épaulée par son mari, se lance dans la création de contenus en ligne. La pasteure y voit une opportunité pour son Église: « Les influenceurs chrétiens sont presque toujours évangéliques ou catholiques. » En 2023, l’Église protestante de Genève accepte d’institutionnaliser la production de la pasteure pour en faire un ministère pionnier. Aux yeux de Carolina Costa, cela permettra peut-être à la tradition réformée, qui peine à maintenir ses fidèles, d’en attirer des nouveaux, « les réseaux sociaux facilitent la découverte de la foi et permettent d’établir une église en phase avec la modernité et les avancées sociales et scientifiques ».

Dieu est queer

Le diable, l’avortement ou l’homosexualité, la pasteure n’hésite pas à aborder des sujets laissés de côté par la tradition réformée mais privilégiés par les sphères chrétiennes conservatrices. «J’ai décidé de parler de ces thématiques pour interpeller les chrétiens en questionnement ou déçus qui se rendent sur le web», explique la pasteure. Sur TikTok, la vidéo «Sodome et Gomorrhe explication» cumule 1,4 millions de vues. Carolina Costa reprend les thématiques chères aux chrétiens fondamentalistes mais n’adopte pas pour autant leurs interprétations. Bible œcuménique à la main, la pasteure interprète le récit biblique, mettant en scène les deux villes: ce n’est pas l’homosexualité qui est considérée comme un péché mais bien l’agression sexuelle commise par les habitants de Sodome.

« Je me trouvais trop fêtarde pour être pasteure! »

– Carolina Costa

Sol, homme trans genevois, a directement été séduit par sa parole inclusive. «Ses vidéos m’ont permise de me réconcilier avec le christianisme», affirme ce portugais d’origine qui a grandi dans une famille athée. Celui qui suit régulièrement les vidéos de la pasteure sur Instagram le sait, cette parole chrétienne reste marginale sur les réseaux sociaux. L’espace commentaires des vidéos les plus visionnées de la pasteure est envahi par les messages haineux des tenants d’une interprétation littérale de la Bible. D’autres vidéos attisent moins les passions. « Dieu te parle? » comptabilise moins de mille vues et pratiquement aucun commentaire.

Quand on l’interroge sur les effets de ces déchaînements de haine sur sa santé mentale, la pasteure sourit, « je ne les lis pas car je n’ai pas le temps ». Carolina Costa a déjà accompli de nombreux rêves mais il en reste un qu’elle n’a pas encore réalisé: partir à la rencontre de sa communauté virtuelle. Les haters ne feront pas partie du voyage!

Par Camille Marteil
Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours « Atelier presse I », dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.

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