À la crèche de Baud-Bovy, on accueille tout le monde, y compris des enfants d’étudiants à l’Université de Genève. Reportage dans cet établissement qui épargne à ces parents-étudiants quelques galères de plus.
Chaque matin, des centaines d’étudiants poussent les battants d’Uni Mail, l’un des principaux sites de l’Université de Genève (UniGE). Au sein même de ce corps estudiantin se glissent quelques membres bien particuliers: les parents-étudiants. Avant de filer en amphithéâtre, ceux-ci font un crochet par le parc Baud-Bovy, le traversent, et pénètrent dans l’espace de vie enfantine (EVE) du même nom. Un lieu plus communément appelé «la crèche de l’uni» et situé à une centaine de mètres à peine des salles de classe.
Les universitaires prioritaires
Au premier abord, cette crèche paraît on ne peut plus normale avec ses poussettes devant la porte d’entrée, ses meubles multicolores et ses cartables aux formes animales. Pourtant, l’établissement comporte une spécificité. Parmi la soixantaine d’enfants accueillis tous les jours à l’EVE Baud-Bovy, la moitié ont, au moins, un parent affilié à la communauté universitaire. «Notre crèche est subventionnée à 50% par l’Université de Genève et à 50% par la Ville», explique Marie Wahli, directrice adjointe de la crèche, qui nous reçoit dans son bureau.
Cela offre à la trentaine d’enfants de membres de l’UniGE une place prioritaire. Un accès facilité pour les professeurs, le personnel technique, mais aussi pour les parents-étudiants. Bien qu’ils restent minoritaires. «Il y a seulement trois ou quatre enfants d’étudiants», rapporte la directrice.
Alexis, 38 ans et papa d’une petite Léna de quinze mois, est l’un d’eux. En reconversion professionnelle, il termine actuellement un Master en lettres. L’étudiant-papa mesure le privilège que lui offre l’EVE Baud-Bovy. «Cette crèche nous a sauvés», ose-t-il. Un constat que partagent les autres parents-étudiants rencontrés. «Sans cette possibilité, il serait presque impossible pour les étudiants de trouver une place en crèche», confirme Marie Wahli. «Même moi, en tant qu’éducatrice, je n’ai pas obtenu de place pour mon enfant. J’ai hésité à dire au papa de reprendre les études», sourit-elle.
Une nounou, un demi-salaire
Car les places de crèches sont plus que rares à Genève. Si la vie d’étudiant-parent n’offre pas que des avantages, elle donne la possibilité d’inscrire son enfant à la fois sur la liste d’attente normale et sur celle reservée aux universitaires. Une double chance qui facilite grandement l’obtention d’une place en crèche, précieux sésame.
Mélodie, maman d’Aena, 1 an, en sait quelque chose. «Des parents avec des enfants plus âgés que ma fille n’ont toujours pas de place en crèche. Le fait d’être étudiante m’a avantagée.» Un privilège crucial pour cette étudiante de 20 ans. Ne disposant pas de place en crèche lors de sa première année universitaire, la jeune maman a été contrainte de suivre ses cours à domicile, afin de pouvoir garder son enfant. «Au niveau familial, je n’ai personne, aucun moyen de garde», détaille Mélodie. «J’étudiais pendant que ma fille dormait.»
Alexis a également connu ces difficultés. Lui non plus n’a pas eu de place de crèche immédiatement. Il s’est d’abord tourné vers une maman de jour, faute de mieux. «Financièrement, c’était bien moins intéressant», se souvient Alexis. «Et ce n’était que deux jours par semaine», continue-t-il. Raquel, 30 ans, a elle aussi été confrontée à cette réalité. Avant d’être admis à Baud-Bovy, ses deux enfants étaient gardés par une nounou privée. «Ça coûtait la moitié d’un salaire», rit-elle, jaune.
Parent ou étudiant
Outre l’aspect financier, le quotidien de parent-étudiant est loin d’être commode. «Au début, cela me perturbait de laisser mon enfant en pleurs et courir pour aller en cours. C’est un switch mental compliqué», raconte Raquel. «Mais cela fait partie de la casquette d’étudiante-maman», expose-t-elle avec sagesse. Un couvre-chef lourd à porter que la crèche de Baud-Bovy tâche de rendre un peu plus léger. «On essaye d’être un peu plus souple avec les parents-étudiants», confie Marie Wahli, la directrice adjointe.
«C’est vraiment une crèche sympa. Tu poses et viens chercher ton enfant quand tu veux», approuve Mélodie, reconnaissante. «L’équipe est géniale, à l’écoute et compréhensive», ajoute Raquel. Une compréhension qui facilite la vie des parents-étudiants, surtout dans les périodes critiques. «On sait qu’on doit être un peu plus tolérant en période d’examens», glisse la directrice de la crèche. Une ouverture d’esprit qui a arrangé plus d’une fois Mélodie et Raquel, nos deux mamans-étudiantes. «Dernièrement, Aena est tombée malade pile le jour de l’examen», se souvient la première nommée, qui reste habituellement à la maison quand sa fille ne se sent pas bien. «Mais là, j’étais obligée d’y aller, je ne pouvais pas rater l’examen. J’ai expliqué la situation à la crèche et ils ont pris Aena le temps de l’examen.»
En dehors de ces événements exceptionnels, la garde d’enfants des parents-étudiants reste un sujet complexe. «C’est très méritant de continuer ses études avec un enfant en bas âge», déclare Marie Wahli. Mener à bien études et parentalité n’est pas chose aisée. «À aucun moment, être parent et étudiant est reconnu», tonne Raquel, qui a mis son cursus sur pause après l’arrivée de son premier enfant, en 2019. Avant de reprendre en 2022.
«Sans place en crèche, je n’aurais sûrement pas pu étudier», souffle quant à elle Mélodie. Un triste constat auquel la crèche de l’uni tente de répondre. Afin d’enfin permettre de conjuguer études et parentalité au présent.
Par Thomas Freiburghaus
Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours « Atelier presse I », dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.