La nouvelle formation BS1 lancée en 2023 par la HEP Vaud n’a pas convaincu la première volée d’étudiants, qui s’est pourtant démenée pour faire entendre sa voix. Un événement symptomatique d’une gestion de l’institution qui laisse parfois à désirer, d’après plusieurs témoignages.
Les critiques fusent sur le nouveau Bachelor de la HEP Vaud. Fin 2023, ils étaient 109 étudiants à se lancer dans le nouveau programme proposé par la Haute École Pédagogique de Lausanne. L’objectif affiché: proposer une formation de cinq ans, master intégré, pour perfectionner l’enseignement de quatre branches aux élèves de secondaires I. Chez nos voisins alémaniques, ce modèle a déjà été adopté.
Mais pour les étudiants romands, notamment en profil mathématique et sciences, l’enthousiasme n’a pas duré. S’ils sont nombreux à déplorer une mauvaise organisation, aucun ne souhaite révéler son identité. La majeure partie d’entre eux, encore immatriculée au sein de l’établissement, craint pour la suite de son parcours académique.
Une inquiétude grandissante
Lucien* faisait partie de ces 109 étudiants. Il raconte l’inquiétude qui s’est rapidement immiscée au cœur de la volée. « En mathématiques, le niveau était relativement avancé et comparable à celui de l’EPFL. Et en sciences, nous avions l’impression de faire de la médecine. » Pourtant, au moment de l’inscription, aucun prérequis n’est demandé pour intégrer le Bachelor. Éloïse*, collègue de classe de Lucien, s’est vite retrouvée dépassée par le niveau demandé. « Je ne peux pas vous aider », aurait répondu sa professeure, qui n’aurait pourtant jamais mis à disposition de référence autre que le polycopié de base. Si, hors de la salle de classe, Éloïse s’est démenée pour rattraper le niveau, elle confie avoir échoué : « J’ai raté le cours. Sans aide, sans soutien, j’ai abandonné. »
En mathématiques, le niveau était relativement avancé et comparable à celui de l’EPFL.
Lucien*, étudiant à la HEPV
Au sein de la volée, des voix se sont alors élevées et des sondages ont été créés pour récolter l’opinion des étudiants. Pour Lucien, très impliqué dans la démarche, il s’agissait de « soutenir nos propos et d’arriver avec des données concrètes auprès des responsables ». Les résultats sont compilés. Le niveau du module de mathématiques est, par exemple, jugé « trop compliqué » pour trois quarts des étudiants et « compliqué » pour les autres. Quant au niveau attendu, il a été mal communiqué, selon 100% des répondants.
« Un manque de considération »
Pour Lucien, lors du premier rendez-vous organisé avec la direction, leurs réclamations n’ont « tout simplement pas été entendues ». Près d’un mois plus tard, les étudiants reprennent contact avec l’administration. Dans leur mail, ils dénoncent « un manque de considération » qui « se reflète dans le manque de mesures prises ». Un nouveau rendez-vous est agencé. La rareté des supports de cours est pointé du doigt, de même que le rythme soutenu et l’insuffisance de soutien académique.
C’est au second semestre qu’ils « se sont rendu compte, au vu du taux d’échec, qu’il fallait mettre un appui de mathématiques en place », confie Eloïse. Pourtant, selon elle, « ça n’a pas très bien marché. Ceux qui avaient réussi n’y allaient pas et les autres, qui avaient échoué, redoublaient et avaient donc d’autres matières à réviser en priorité. »
On m’avait prévenue, quand on passe par cette école, il faut serrer les dents.
Éloïse*, étudiante à la HEPV
Aujourd’hui, Lucien* a arrêté sa formation et s’est réorienté en primaire. Au sein du BS1, il ne « voyait pas le lien entre les cours et la pratique ». Quant à Éloïse, elle redouble plusieurs cours de mathématiques. « Certains des cours de maths sont les mêmes que l’année dernière mais d’autres se sont assouplis. Ils ont été très déçus des résultats aux examens et ont baissé le barème ainsi que le niveau d’enseignement. » Malgré tout, elle s’accroche : « On m’avait prévenue, quand on passe par cette école, il faut serrer les dents. »
Contactée, la HEP n’a pas souhaité communiquer le taux de réussite obtenu pour cette première volée. Dans leur rapport de gestion 2023, on peut lire que « les filières concernées font état de dynamiques positives et de résultats conformes aux objectifs et planifications ».
Au-delà du BS1
Les étudiants du BS1 ne sont pas les premiers à se plaindre de leur institution. Fraîchement diplômée, Mia* peut désormais enseigner aux enfants de 8 à 12 ans. Lors de sa première année d’études, elle raconte que les QCM étaient corrigés par une machine. « Mais ils ont mal compté et plein de personnes ont échoué, dont moi. Il me manquait 0,2 points et je suis allé le dire au professeur, mais il m’a confirmé que je devais aller aux rattrapages, car les notes avaient été entrées dans le système. » La HEP Vaud n’a pas souhaité réagir à ce témoignage.
En réponse aux critiques visant le BS1, l’institution réaffirme son engagement envers l’amélioration continue. Dans une réponse écrite, elle affirme être « attentive aux retours des étudiantes et étudiants » et rappelle que des ajustements sont régulièrement apportés. Toutefois, elle estime que les témoignages recueillis « ne permettent pas, en l’absence d’éléments vérifiables, d’établir un diagnostic objectif ».