En 2019, l’initiative pour les glaciers a été lancée avec une campagne publicitaire massive. Elle visait à mettre fin aux combustibles fossiles et à atteindre zéro émission carbone d’ici 2050. Depuis, elle a beaucoup évolué, mais où en est-elle aujourd’hui?
Le 5 octobre 2022, l’Association suisse pour la protection du climat annonce le retrait de son initiative sous condition. Pour cause : un contre-projet indirect soutenu par le Parlement et le Conseil fédéral satisfait à ce stade les initiants.
Petite mise en contexte : en Suisse, on peut opposer deux types de contre-projets aux initiatives ayant abouti. Ces alternatives aux textes déposés peuvent être proposées par l’une des chambres parlementaires ou par le Conseil fédéral.
La première alternative est le contre-projet direct : restant au plus proche de l’initiative, il modifie aussi la Constitution. Le contre-projet indirect quant à lui prend en général la forme d’une loi qui reprend les objectifs de l’initiative, mais change son application.
Dans le cas de l’initiative pour les glaciers, le Conseil fédéral a d’abord rédigé un contre-projet direct, qui n’a pas convaincu le comité d’initiative. La Commission sur l’environnement, l’aménagement du territoire et de l’énergie (CEATE-N) s’est ensuite chargée de préparer un contre-projet indirect. Suite à cela, l’Association suisse pour la protection du climat a estimé que cette proposition permettait une “protection rapide et efficace du climat en Suisse“. Les initiants affirment donc adopter une “position responsable“ en retirant leur texte. Ils se disent soucieux de rechercher des solutions en commun avec le gouvernement pour s’attaquer au problème climatique.
Un compromis plus permissif
Le texte original de l’initiative est relativement court. Il comprend quatre points majeurs : la réduction à zéro des émissions nettes en Suisse d’ici 2050, l’interdiction de la vente de tout carburant fossile, la préparation d’objectifs intermédiaires et la promotion de la recherche dans les technologies vertes.
Si l’on compare ce texte à celui du contre-projet, le principal changement est que la Commission ne voulait pas d’interdiction définitive des énergies fossiles. On parle à la place de “réduire le plus possible les émissions de gaz à effet de serre.”
L’objectif zéro émissions nettes d’ici 2050 est maintenu, ce qui était essentiel aux yeux des initiants. La loi échelonne dans le temps ces diminutions jusqu’à 2050, comme cela était suggéré dans l’initiative. Elle introduit des mesures concrètes, comme celle des subventions pour la rénovation des systèmes de chauffage d’immeubles et pour la recherche dans les technologies d’émissions négatives. Le comité d’initiative et le Conseil fédéral approuvent ce compromis. Et maintenant que le Parlement l’a officiellement accepté, le référendum de l’UDC est le dernier obstacle avant l’entrée en vigueur de la loi.
L’UDC évoque la crise énergétique
Selon eux, la loi proposée par le contre-projet du gouvernement est dangereuse pour plusieurs raisons : Le gouvernement fédéral, qu’ils désignent comme une force de “centre-gauche“, utiliserait le contre-projet indirect pour s’arroger les prises de décision au niveau écologique au détriment du peuple.
Ce dernier, dont les besoins en électricité risquent d’augmenter, serait désavantagé si les carburants et autres dérivés des énergies fossiles étaient interdits. Avec la hausse des coûts de l’énergie “verte“, les entreprises pourraient se délocaliser pour conserver leur rentabilité et cela provoquerait une hausse du chômage en Suisse. Enfin, l’UDC dénonce à travers ce référendum le manque de planification du gouvernement pour viser l’autonomie énergétique afin de répondre aux besoins de toute la population.
Si le comité du référendum peut affirmer cela, c’est que la situation énergétique est très instable en Europe depuis le début de la guerre en Ukraine : les importations en carburants et/ou gaz sont irrégulières, car une grosse partie de celles-ci viennent de Russie et doivent traverser des territoires touchés par le conflit. La Suisse choisirait donc selon eux “très mal“ son moment pour accélérer la sortie des énergies fossiles, encore indispensables à l’heure actuelle.
La Suisse prend du retard
Les objectifs intermédiaires en termes de protection du climat n’ont toujours pas été atteints. La Suisse n’a en effet réduit ses émissions que de 31% en 2021, au lieu des 33% visés.
La loi CO2, le dernier projet législatif en date en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, change régulièrement. En 2021, la loi CO2 a fait l’objet d’une nouvelle votation. Cette fois, l’objectif était que d’ici 2030 les émissions de gaz à effet de serre soient réduites d’au moins 50% par rapport à l’année 1990. Les propositions concrètes étaient notamment d’implémenter des taxes sur les billets d’avions, le mazout et le gaz naturel ainsi que d’adopter de nouvelles dispositions sur l’importation de véhicules et les émissions de CO2 dans les bâtiments. Les trois quarts des réductions d’émissions devaient être réalisées par des mesures prises en Suisse. Cet objet de votation a été rejeté, notamment par crainte d’une forte augmentation des prix du chauffage et des voitures. Il était donc nécessaire de trouver une nouvelle manière d’atteindre les objectifs de protection de climat, c’est pour ça que le contre-projet existe aujourd’hui.
Le comité référendaire a jusqu’au 19 janvier 2023 pour récolter 50’000 signatures, c’est alors que nous saurons comment se poursuivra l’histoire de cette initiative.