Chapitre II. Des cultes virtuels pour une foi augmentée

«Avant la pandémie de coronavirus, ma femme et moi allions régulièrement à l’église». Lorsque Jean-Paul Bandelier évoque sa routine d’avant le premier semi-confinement, c’est un mélange paradoxal d’enjouement et de nostalgie qui donne le ton à son discours.

«A la fin de chaque culte, nous prenions le café et nous discutions ensemble. C’était un moment convivial». Les airs classiques, joués dans le salon de l’octogénaire neuchâtelois, teintent l’ambiance d’une manière presque poignante.

L’interdiction du Conseil fédéral de toutes les manifestations publiques le 16 mars 2020 a signifié l’arrêt net des célébrations des cultes religieux. Entre les paroisses et leur communauté, c’est la rupture subite.

En entrant à l’Église Évangélique Libre de la Rochette à Neuchâtel, impossible d’ignorer l’écho strident qui résonne plus qu’à son habitude. Il faut dire que l’établissement a certainement connu entre ses murs des périodes plus festives. Sol balisé, chaises recouvertes de ruban de chantier rouge et blanc: le décor est planté. Si en temps normal, la paroisse peut accueillir 280 pratiquants, pendant la crise sanitaire en Suisse, les pasteurs feront parfois face à une nef désertique. Ou du moins, en présentiel.

Culte dominical 2.0

Cette paralysie du monde religieux a permis à l’église de la Rochette de prendre conscience de son retard dans le domaine de l’informatique. «Avant la pandémie, nous publiions la prédication sur notre site internet et nous avions un logiciel de gestion de base de données. Mais ça s’arrêtait là». Face à l’essor des outils numériques, Natacha a détecté un potentiel de progression qui se révélera bénéfique aussi bien pour les organisateurs des cultes que pour les fidèles.

C’est en explorant l’étendue des possibilités de YouTube que la chargée de communication et les autres responsables de l’église ont eu l’idée des célébrations virtuelles. «Nous nous sommes rendu compte que c’était une plateforme magnifique pour être présent sur Internet, raconte Natacha. C’était aussi un moyen de fournir une prestation spirituelle à la population qui traverse une phase difficile». Dès le premier confinement, l’église s’est donc évertuée à enregistrer chaque service dominical et à les diffuser en ligne.

Au bout de deux mois, la plateforme semble avoir atteint ses limites et ne satisfait plus entièrement les attentes de la Rochette et de sa communauté.

«Il nous manquait ce sentiment d’appartenance et d’échange entre les gens». En mai 2020, le logiciel de visioconférence Zoom se présente à l’église comme un complément à son offre sur YouTube. Groupe de partage, temps de prière, café virtuel: «Ça nous permet d’échanger comme au bon vieux temps !», se réjouit Natacha.

Un long travail d’accompagnement

Jean-Paul Bandelier a eu connaissance de la retransmission des cultes sur une nouvelle plateforme par le bouche à oreille. «Quand on m’a dit qu’il y aurait le Zoom, je me suis d’abord renseigné pour savoir comment ça se passait». La souris en main, le retraité de 81 ans a décidé de prendre le taureau par les cornes.

«C’est facile, le dimanche matin, on clique sur le lien et on a directement le culte chez soi !». Séduit par ce dispositif, Jean-Paul Bandelier s’est même chargé de convaincre d’autres séniors de la communauté de se lancer.

Pourtant, le passage des cultes sur Zoom n’a pas été une mince affaire.

«Au début c’était difficile pour tout le monde, admet Natacha. Il a fallu expliquer aux paroissiens toutes les démarches. Certaines personnes ont pris la balle au bond, d’autres ont eu plus de réticences et se sont jointes à nous plusieurs mois après».

Consciente des difficultés que certains pratiquants pouvaient rencontrer en se confrontant à la technologie, l’équipe pastorale n’a pas hésité à toquer aux portes pour offrir son soutien. Le problème de la solitude chez les personnes âgées s’étant intensifié en période de pandémie, elle a tenu à rendre ce dispositif le plus accessible possible pour favoriser l’intégration des aînés. Aujourd’hui, Natacha est ravie de constater que l’utilisation de Zoom est acquise par l’ensemble de la communauté en ligne.

La technologie au bénéfice de la foi et des amitiés

«J’ai l’habitude maintenant de suivre le culte depuis chez moi». Jean-Paul Bandelier confie qu’il a pris particulièrement goût aux célébrations religieuses depuis le confort de sa salle de séjour lumineuse. Equipé de son petit calepin, il crayonne consciencieusement les messages du pasteur, qu’il aime relire tout au long de la semaine.

«A la maison, c’est plus facile d’écrire et grâce à cela, la foi peut être augmentée». Le retraité observe de réels bienfaits des cultes en ligne dans l’entretien de sa relation avec Dieu.

Des bienfaits, Natacha en a fait elle-même l’expérience et ce, même au-delà de son rôle de responsable de communication. Installée chez elle derrière son écran, elle travaille généralement dans l’ombre. En tapotant sur son clavier, elle s’assure que le culte se déroule sans encombre. Depuis la mise en place de ce nouveau dispositif, elle a été par ailleurs enchantée de voir ses liens avec les membres de la communauté se renforcer:

«Etonnamment, on a fait de nouvelles connaissances ! Grâce aux groupes aléatoires créés par les algorithmes de Zoom, on a eu des chouettes moments de discussion».

Depuis le mois d’octobre 2020, les institutions religieuses ont la possibilité d’accueillir au maximum 50 fidèles. Si l’église de la Rochette maintient simultanément ses cultes en ligne, les pasteurs se réjouissent de pouvoir s’adresser à un «vrai» public. Quant à Jean-Paul Bandelier, il continuera de suivre le service virtuel encore un moment.

L’église de la Rochette a quelque peu changé de décor depuis le début de la pandémie

 
Par Diana Da Costa

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