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Cap sur l’intimisme: la scène festivalière suisse romande se renouvelle

Concert de Dosseh au Transforme Festival 2019

L’éclectisme et le gigantisme est en baisse. Les nouveaux festivals de musique parient désormais sur des programmations ne proposant souvent qu’un seul style de musique, sans forcément de têtes d’affiche. À l’heure où les mastodontes comme le Paléo ou le Montreux Jazz peinent à faire sold out, l’offre festivalière continue de croître mais sous des formats différents. Tour de romandie des nouvelles offres festivalières et de ce qui fait leur succès.

La cuvée festivalière de l’été 2019 a été un bon cru d’un point de vue de l’offre. Toujours plus de festivals et des événements sont organisés aux quatre coins de la Suisse romande. Pourtant, derrière l’apparente bonne santé de ces raouts musicaux, le Paléo n’a pas fait sold-out. Le cultissime festival nyonnais écoule d’habitude la totalité de ses billets seulement quelques heures après leur mise en vente. Il n’en fut rien et les festivaliers les plus indécis ont pu acheter leur sésame jusqu’à quelques jours avant le début des concerts. Le Montreux Jazz Festival, autre icône de la scène festivalière suisse, voire mondiale, a lui aussi adapté son offre en proposant de nouvelles formules d’abonnement. Pourtant le nombre de festivals ne cesse de croitre. Qui sont donc ces nouveaux venus?

Qu’ont en commun le Rockin’Festival, Transforme Festival, ou encore The Beat Festival? Tous nés après 2016, ces trois événements proposent un unique style de musique au programme: rock pour le premier des trois, hip-hop et rap pour les deux autres. Si des festivals à la programmation homogène existaient déjà, moins d’organisateurs font désormais le choix de miser sur l’éclectisme. Même le Paléo décide maintenant de mettre chaque jour un style musical différent à l’honneur. Si ce choix paraît facile en assurant à l’événement une cohérence artistique, il résulte surtout d’un changement de mentalité chez les spectateurs et de business économique chez les artistes.

Parier sur des festivals moins coûteux

Une programmation uniforme attire une clientèle différente, et surtout, fait le choix d’exclure une bonne partie de la population de sa billetterie. Transforme Festival, spécialisé dans le hip-hop, attire des spectateurs jeunes, voire très jeunes, que la programmation du Paléo n’attire peu ou plus. Au-delà de l’uniformisation stylistique, les nouveaux festivals innovent également grâce au prix de leurs billets. En effet, une seule grosse tête d’affiche peut être suffisante au milieu d’artistes d’un même registre. Cela permet ainsi des économies sur les cachets versés. À coté de cela, les mastodontes au budget plus imposant comme le Montreux Jazz regorgent de célébrités internationales.

Le streaming est une des causes de ce changement de paradigme. En rendant la musique quasiment gratuite, internet a tué la manne que constituait la vente de CDs physiques. C’est désormais grâce à la scène que les musiciens tirent le plus de profit, avec les coûts que cela implique pour les programmateurs.


Budgets volontairement restreints, renommées encore à faire, il est plus facile de miser sur l’intimisme pour les nouveaux arrivants. Seuls quelques ambitieux tentent encore le pari de l’éclectisme, avec notamment Sion Sous les Etoiles, ou encore le Vibez Festival à Bienne. Ce dernier, qui a ouvert ses portes en 2019, s’est fait remarquer par une polémique autour de son financement qui failli lui coûter sa première édition. Le Vibez a quand même eu lieu et prévoit une deuxième édition en 2020. Rentrer dans la danse des “super-festivals” semble donc avoir un coût que peu d’organisateurs peuvent se permettre.


Making of

Les données de ce travail ont été récoltées grâce à plusieurs sites spécialisés dans le recensement de festival, notamment ceux programmés en Suisse romande. Nous avons également fait appel à nos propres connaissances de la scène festivalière romande.

Nous avons distingué les festivals “monostyles” de ceux éclectiques en analysant la programmation sur le site de chaque festival, ainsi qu’en nous référant aux noms des festivals (Rock am Wind Festival, Sierre Blues Festival…) et de leurs descriptions dans la presse. Nous nous sommes également permis de ne pas sous-catégoriser chaque style de musique. Un festival de rock est considéré ici comme “monostylistique”, alors qu’il peut y avoir plusieurs sous-genre de rock au sein du même festival.

Nous n’avons également pas pris en compte les festivals qui ne sont plus en activité en 2019.


Par Léo Tichelli et Frank Rohrbasser

Crédit photo en une : volpe.photography

Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours “Compétences numériques pour le journalisme”, dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.

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