La philanthropie à la rescousse du journalisme?

Philanthropie et journalisme

Fermeture de journaux et licenciements, le tissu médiatique s’effrite, la diversité aussi. Des fondations philanthropiques ont décidé de venir en aide au secteur. Faut-il s’en réjouir ou s’en méfier?

« En lisant hier le Gothamist, un média new-yorkais que je soutiens, on pouvait lire qu’un raton laveur, avait été retrouvé et capturé entre la 14e et la 6e avenue », s’amuse Craig Newmark, philanthrope américain.

Fondateur du site américain de vente en ligne Craigslist, il crée en 2016 la Craig Newmark Philanthropies pour supporter des journaux locaux qui se font de plus en plus rares aux Etats-Unis.

Prise de conscience des philanthropes américains

« Je devais passer à l’acte. Je ne voulais pas donner de l’argent juste pour ma bonne conscience. Je voulais investir un champ qui nous concernera encore lors des 200 prochaines années », détaille-t-il.

« Je n’ai jamais passé plus de cinq minutes dans une rédaction mais j’ai appris des gens que j’ai côtoyé : la presse reste la pierre angulaire de la démocratie et doit être soutenue. » Craig Newmark.

A l’image de Craig Newmark, plusieurs personnalités et autres institutions ont pris conscience de la nécessité de supporter un journalisme de qualité.

Divers modèles

Rédacteur en chef pendant vingt ans du Guardian, Alan Rusbridger a joué un rôle dans la levée de fonds auprès des organes philanthropiques.

Il distingue deux types de modèles :

  • Le modèle de participation volontaire des lecteurs mis en place par le Guardian en ligne;
  • L’appel à une fondation philanthropique.

Alan Rusbridger, aux commandes du Guardian de 1995 à 2005, détaille les contours de la création du Guardian’s Australia issue d’une collaboration avec le philanthrope australien Graeme Wood.

Il a également mentionné  différentes collaborations avec la fondation Bill et Mélinda Gates: des investigations sur les inégalités en Afrique ou une enquête sur les conditions de travail au Qatar en amont de la Coupe du monde 2022 de football.

Mais en investissant plusieurs millions de dollars dans le journalisme, la philanthropie n’exerce-t-elle pas une influence sur les médias? « Mon rôle est de donner de l’argent aux bons journalistes qui en ont besoin, puis faire un pas en retrait, à moins que je puisse trouver quelque chose de drôle à dire », explique, sourire en bouche, Craig Newmark.

Pour Alan Rusbridger, il existe deux règles fondamentales pour assurer l’indépendance du média :

  • Édicter des règles dès le début avant de commencer les opérations;
  • Publier les règles aux yeux de tous afin d’être transparent.

« En tant que journaliste, on fait déjà depuis des décennies la part des choses entre la publicité et nos contenus. Pourquoi cela changerait avec la philanthropie? » Alan Rusbridger, ancien rédacteur en chef du Guardian.

Si les collaboration entre médias et philanthropes ont souvent débouché sur des sujets d’intérêt public, ne risque-t-on pas de faire du journalisme un cas de charité?

Jusqu’où s’arrêtera la philanthropie et le journalisme ? « Mon objectif serait de créer un média papier ou digital dans lequel j’ai une confiance à 100% », conclut Craig Newmark.

Crédits photo mise en avant : Pxhere

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