Durement frappé par la pandémie de Covid-19, le monde musical voit ses concerts et festival annulés de part et d’autre en Suisse, et cherche à se réinventer du mieux qu’il peut. L’invention et la recherche de nouvelles « musiques » est presque synonyme de l’identité du groupe franc-montagnard Vreni Holzer. Les concerts et le public ne sont pas le « moteur » de leur créativité ni une priorité absolue. Rencontre et portrait de ce groupe d’avant-rock francophone expérimental, à la recherche d’une musique sans limites.
C’est un après-midi froid à La Chaux-de-Fonds. La neige a presque recouvert la chaussée de la rue de la Serre. C’est là que le groupe jurassien Vreni Holzer loue son petit local. De l’extérieur, le bâtiment semble un peu délaissé. Certaines fenêtres sont cassées, les portes en bois ont perdu leurs couleurs. Les cinq membres du groupe arrivent. Couverts de neige, il y a Louis à la guitare, Fabien à la basse, Ulysse à la batterie, Martin à la voix et Jérémie à la polyvalence instrumentale. Nous entrons. Le local est au bout d’un couloir en béton, illuminé par des led à la lumière très pâle. « La première salle c’est celle de la musique, notre lieu de création » lance Louis. « La deuxième salle, c’est celle des canapés, de l’apéro et du baby-foot. »
Assis à la table du petit salon, Vreni Holzer peut enfin fêter (sobrement) ses retrouvailles. Comme de nombreux autres artistes, ils ont été contraints d’arrêter les répétitions en groupe à cause des restrictions de lutte contre la pandémie de covid-19. Suite aux allégements annoncés du Conseil fédéral, c’est la première fois depuis des mois qu’ils peuvent recommencer à jouer ensemble. « On va enfin pouvoir se lancer dans nos expériences musicales » lance Jérémie. « On a pleins de trucs sur le feu ! » Après un petit repas improvisé, ils se rendent tous dans le studio. Ulysse, qui prépare sa batterie, se frotte les mains d’excitation. « Ça va être bien ! » Après quelques accords, écoutes et instructions : musique !
De la création, sans pression
Formé en 2017 dans les Franches montagnes, Vreni Holzer se déclare comme un groupe de musique expérimentale. Son premier album, sorti la même année et intitulé « La Flèche indique une direction », l’identité « expérimentale » du groupe se construit peu à peu au travers de morceaux mêlant le rock progressif à l’électro et aux textes à la grande profondeur poétique. Ainsi, chaque morceau de cette première œuvre est lié à une saveur particulière. Les pochettes de l’album sont accompagnées par des photographies en noir-blanc.
C’est surtout le second album sorti en 2020 et intitulé « Avant l’autre » qui permet au groupe d’affirmer un peu plus sont identité musicale. Pour cette seconde œuvre, la musique se fixe plutôt sur du rock progressif aux textes toujours aussi poétiques. Mais cette fois-ci, l’expérimentation tient aussi au sein du groupe en lui-même : chaque membre a écrit et composé un morceau, chose qui n’est pas facile dans le cas d’un groupe musical « classique. » « C’est une approche presque philosophique » ajoute Jérémie, avec l’approbation du reste des membres de Vreni Holzer, « une façon de savoir comment créer quelque chose ensemble ». C’est une œuvre qui leur a permis, en référence au titre, de prendre conscience de « l’autre », de mieux se connaître en tant que groupe. « Chaque création, chaque morceau de cet album est une volonté de parfaire nos capacités musicales » conclue Martin.
Pour ces deux albums, le groupe n’a pas suivi une quelconque ligne directrice. « Ils sont distincts l’un de l’autre et le passage de l’un à l’autre illustre aussi notre propre évolution en tant que groupe » expliquent Martin et Fabien. En somme, ils se déclarent émancipé d’éventuelles attentes d’un public ou d’une volonté de se montrer continuellement. « Nous faisons cela pour notre propre plaisir et au nom de la musique » lance Louis.
Des projets expérimentaux
Vreni Holzer a aussi été « victime » des annulations et re-programmations de concerts ou festivals, à cause de la crise du coronavirus. Pour Martin, ils ne sont pas les plus à plaindre. « On a quand même eu la chance inouïe de jouer devant un public en octobre dernier, juste avant les fermetures. » Cette situation n’est cependant pas un drame absolu pour le groupe en lui-même. « On est toujours à la recherche d’une occasion de monter sur scène, c’est le propre même d’un groupe musical et on adore ça » explique Jérémie. « Mais pour nous ce n’est pas un « moteur », on ne compte pas sur les rétributions pour vivre » dit-il.
Cependant, l’énergie accumulée pendant le second confinement a donné une nouvelle vigueur à leur créativité. Vreni Holzer se lance actuellement dans la composition de nouveaux morceaux, en plus d’une volonté de promouvoir leur nouvel album. « L’envie du moment est de faire du neuf, sans pour autant succomber aux attentes » lance Louis. « Le dernier album nous a permis de nous connaitre un peu mieux et c’est avec cette expérience acquise que l’on veut faire quelque chose de beaucoup plus travaillé, quelque chose de mûrement réfléchi sur le plan musical » ajoute Jérémie. Et si les mesures continuent d’être allégées dans le courant des mois d’avril et de mai, Vreni Holzer pourra se produire le 29 mai dans la salle du Temple Allemand à La Chaux-de-Fonds, en collaboration avec le cinéma-théâtre ABC.