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Séniors 2.0: maintenir les liens grâce à la technologie

La pandémie de coronavirus a chamboulé le quotidien de nombreuses personnes. Au premier plan: les séniors, qui ont pour certains été coupés du reste du monde en raison des mesures sanitaires. Pour y remédier, trois Neuchâtelois se sont tournés vers les nouvelles technologies. Reportage.

Décrites parfois par les médias comme les grandes oubliées de la crise du coronavirus, les personnes âgées ont été placées au centre des préoccupations politiques et sociales au cours de l’année 2020. Solitude, marginalisation ou fracture intergénérationnelle: la pandémie a fait émerger toute une série de craintes à l’égard des aînés.

Durant cette période, ces derniers ont pourtant su faire preuve d’une capacité d’adaptation qu’on ne leur soupçonnait pas. Une adaptation qui passe notamment par l’utilisation d’outils numériques de communication. Selon Pro Senectute Suisse, 74% des retraités de plus de 65 ans se sont servis de nouvelles technologies en 2020 (messagerie instantanée, application de cybersanté, bracelets fitness, paiement sans contact, etc.). Une proportion qui a doublé depuis une décennie.

Et si les séniors n’étaient pas aussi désemparés et impuissants que l’on veut l’imaginer ? Et si, en réalité, les restrictions liées à la crise sanitaire les avaient poussés à s’accoutumer aux outils numériques pour s’ouvrir au monde extérieur ?

Partez à la rencontre de trois neuchâtelois qui ont fait preuve de résilience en cherchant à élargir leurs connaissances en informatique. Ces personnes âgées entre 64 et 89 ans défient les préjugés en conservant les liens sociaux grâce à la technologie, dans trois contextes différents: la famille, la religion et le travail. Ecoutez les protagonistes en cliquant sur le symbole «▶️» dès que vous en apercevez un.

Vous découvrirez aussi trois acteurs de la région: le home des Charmettes, l’église de la Rochette et l’association Atic. Des acteurs qui ont vu dans les outils numériques de communication un moyen de lutter contre l’isolement de nos aînés.

Laissez-vous enfin immerger dans leur quotidien à travers une visite virtuelle à 360°. Cliquez sur le symbole «ℹ️» à l’intérieur des images pour lire ce qui se cache derrière les objets ou les personnes.

Chapitre I. Une bouffée d’oxygène pour les résidents en EMS grâce aux appels vidéo

«Ce qui manque aux résidents, c’est le contact direct avec leur famille». Pour la responsable des activités socioculturelles Martine Vermeulen du home des Charmettes à Neuchâtel, cela ne fait aucun doute: le lien social est un lien vital.

Pourtant, depuis le début de la crise sanitaire, les pièces communes de la maison de retraite sont presque désertes. Les rares pensionnaires qui osent s’y aventurer le font généralement en solitaire. Un homme, assis seul sur un fauteuil à l’entrée principale de l’institution, semble superviser l’arrivée des visiteurs par la porte vitrée coulissante, les deux mains posées sur sa canne.

«Nous avons ré-ouvert la cafétéria vers la mi-janvier mais quasiment personne ne s’y rend», constate Martine Vermeulen. Le passage du coronavirus a bouleversé le train de vie des résidents, qui préfèrent demeurer dans leur chambre par précaution, au risque de souffrir d’un tout autre mal: l’isolement.

En quête d’alternatives

La multiplication des semi-confinements et des périodes de quarantaine individuelle ont révélé un besoin fondamental: celui de se retrouver, de se toucher, de se parler.

«Je me suis sentie cloitrée, confesse Françoise*, la voix presque tremblante. C’était brusque de nous interdire autant de choses d’un jour à l’autre». Du haut de ses 89 ans, cette résidente du home des Charmettes a vécu l’arrêt des visites et de toutes les activités culturelles comme un choc.

En réponse à ce manque, les outils de vidéocommunication tels que WhatsApp, Skype ou encore Zoom ont connu un succès sans précédent même s’ils n’étaient pas une évidence pour les aînés, surtout lors des premiers temps.

«Les sessions d’appels vidéo avec les proches n’étaient pas une demande des résidents, confie Martine Vermeulen. Nous avons d’abord essayé par Skype dès le mois de mars 2020 mais ça s’est révélé difficile aussi bien pour les pensionnaires que pour leur famille».

C’est finalement l’application de communication WhatsApp qui a séduit les séniors. Du bout des doigts, elle leur a permis d’échanger avec leur époux ou épouse, les enfants et les petits-enfants, en étant accompagnés par un animateur.

«C’était important pour eux de voir leur famille sur l’écran, ajoute la collaboratrice du home. La fille d’une de nos résidentes habite aux Etats-Unis et ça a très bien fonctionné».

Fallait-il encore parvenir à suivre la demande. Munis de leur agenda, les animateurs des Charmettes notaient scrupuleusement les «rendez-vous» WhatsApp avec l’entourage des résidents. Un processus qui a exigé une grande organisation puisque la maison de retraite ne disposait au départ que d’une seule tablette. Les enseignes d’électronique étant toutes fermées, il a fallu s’en contenter d’une seule pendant plusieurs mois.

Il n’y pas d’âge pour être à la page

Ce n’était pas un problème pour Françoise*, qui était déjà bien équipée. Munie d’une petite sacoche en bandoulière, elle ne semble jamais se promener sans son smartphone. Et WhatsApp, ça la connaît. A presque nonante ans, elle se sert de cette application pour échanger des photos et pour converser avec ses proches et ce, avant même le début de la pandémie de coronavirus.

Sa relation avec l’informatique n’a pourtant pas toujours été au beau fixe.

«J’ai quitté prématurément mon emploi de secrétaire à la section chaux-de-fonnière de la Croix Rouge, admet-elle. Je ne me voyais pas me mettre à l’informatique à 60 ans !». Ce n’est que bien plus tard qu’elle a découvert l’utilité d’un ordinateur, lorsqu’elle a manqué une convocation par e-mail de son cercle de femmes. «A ce moment-là, je me suis dit qu’il fallait que je m’y mette. C’est ce qui m’a fait acheter un ordinateur». Depuis, l’écran ne la quitte plus, si bien qu’elle se plaît à jouer plusieurs heures par jour au Scrabble en ligne, passion qu’elle entretient avec son petit-fils.

«Le fait d’être âgé ne veut pas dire qu’on n’est capable de rien !»

Cet intérêt des résidents pour les outils numériques, Martine Vermeulen l’a réellement découvert dans le contexte de la crise sanitaire. Le home des Charmettes avait déjà tenté par le passé de mettre en place une initiation à l’informatique. Mais ce fût un échec: «Les résidents n’accrochaient pas du tout». Tandis qu’avec les applications d’appels vidéo, le résultat est bien différent.

«L’image est très parlante pour eux. Ce n’est pas de leur génération mais qu’on leur fasse profiter de ces nouvelles technologies, là, ils sont très preneurs».

Bien qu’un retour à la normale ne soit pour le moment pas à l’ordre du jour, la vie reprend progressivement son cours à la maison de retraite des Charmettes. Depuis le 30 novembre 2020, les visites dans les homes sont de nouveau autorisées. Les résidents peuvent donc revoir librement leurs proches, sur rendez-vous et dans le respect des mesures sanitaires.

Si une majorité des pensionnaires ne peut pas se servir d’une tablette sans assistance, il reste que les effets de la pandémie leur ont certainement ouvert les yeux sur de nouveaux moyens de communication. Un accomplissement ? C’est le cas du moins pour Françoise* :

«Je suis satisfaite de l’avoir fait et ma famille trouve ça bien, se félicite-t-elle. L’entourage se rend quand même compte que le fait d’être âgé, ça ne veut pas dire qu’on n’est plus capable de rien !».

*Nom d’emprunt

Avec la pandémie, la maison de retraite des Charmettes a dû revoir l’organisation de ses visites

 
 
Par Diana Da Costa

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