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Portugal: «Nos résidents se sentent abandonnés»

epa08313834 A woman observes the street from her balcony after the government decree from 19 March 2020 through the State of Emergency, in Lsbon, Portugal, 22 March 2020. Countries around the world are taking increased measures to stem the widespread of the SARS-CoV-2 coronavirus which causes the Covid-19 disease. EPA/ANTONIO PEDRO SANTOS

A l’instar de ses voisins, le Portugal déclarait le jeudi 19 mars l’état d’urgence dans le but d’endiguer la propagation du Covid-19, responsable de 600 décès dans le pays. Livrées à elles-mêmes, les personnes âgées sont sans doute celles qui en souffrent le plus. Témoignage d’une infirmière d’une maison de retraite.

Il est 22 heures en Suisse, 21 heures au Portugal. Daniela Vassal a enfin une minute pour répondre à l’appel vidéo durant lequel elle partagera son quotidien récemment chamboulé. A 28 ans, elle est infirmière dans une maison de retraite à Carrazedo de Montenegro, un village de moins de 2000 habitants au Nord du Portugal. Depuis plusieurs jours, ses journées de travail sont plus mouvementées et plus pesantes que d’ordinaire. Une situation qu’elle se prépare à supporter encore quelque temps.

Le Nord du Portugal enregistre plus de 10’751 cas d’infections au nouveau Coronavirus, ce qui fait de lui la région la plus touchée du pays. Les cas recensés l’ont montré: la maladie menace particulièrement les personnes vulnérables et les personnes âgées. Dans une maison de retraite avec 60 résidents – le plus âgé allant sur ses 99 ans – Daniela Vassal et son équipe ont jugé absolument nécessaire de prendre une série de précautions. Il existe dorénavant une chambre d’isolement en cas d’infections, les hospitalisations de jour ne sont plus garanties et les visites sont interdites. «Les employés de la structure constituent déjà un vecteur potentiel du virus. Nous ne voulions pas ajouter à cela les proches et les patients qui ne séjournent que la journée», précise l’infirmière.

Ces mesures ont pour but d’endiguer l’épidémie du mieux que possible mais selon Daniela Vassal, la communication reste une des armes les plus efficaces. «Il nous a paru important de consacrer une après-midi à une présentation sur le Coronavirus. Nous voulions informer les résidents sur les mesures qu’ils devaient prendre et leur expliquer que leur famille ne les avait pas abandonnés».

Les maisons de retraite continuent de garantir les soins à domicile. Keystone/Nuno Andre Ferreira

Une période difficile pour les personnes âgées

«Evitez le mélange des générations», «ne rendez pas visite à vos grands-parents», voici une partie des recommandations émises par les chefs d’Etat. Le 20 mars, le Premier Ministre portugais António Costa sommait le confinement total pour les personnes vulnérables et les personnes âgées de plus de 70 ans. Une situation sans précédent qui contraint nos anciens à faire face à leur solitude. «Cette période est particulièrement difficile pour nos résidents», s’émeut Daniela Vassal, «c’est pourquoi nous faisons davantage d’activités. Nous leur permettons également d’échanger des messages et des photos avec leurs proches grâce à une adresse e-mail que nous avons mis à leur disposition».

En période de quarantaine, la consommation des médias prend une place plus importante dans notre quotidien et plus particulièrement dans celui des seniors. Ceux qui ont parfois pour habitude de laisser leur poste allumé comme bruit de fond se retrouvent à présent davantage exposés aux nouvelles. «Je trouve qu’il y a un excès de répétition dans les chaînes d’informations», regrette la jeune soignante. «Tous les jours, de 19 heures à 22 heures, on n’entend parler que du virus. Le fait que les résidents passent une grande partie de leur journée devant la télévision n’aide donc pas à les rassurer. Nous tentons de démystifier ce qu’ils voient et entendent mais nous sommes très prudents car nous ne sommes pas sûrs de ce que nous avons le droit de leur dire». Toutefois, étant convaincus d’avoir vécu ce qu’ils avaient à vivre, le rapport des patients à la mort reste inchangé, d’après elle.

«Je crois que personne n’est réellement préparé»

Bars, restaurants, écoles et universités fermés, lignes ferroviaires et aériennes avec l’Espagne suspendues. Le Portugal, qui déclarait l’état d’urgence le 19 mars a tâché de prendre des mesures restrictives pour tenter de ne pas reproduire le scénario italien. Le système de santé publique du pays a néanmoins connu un désinvestissement important depuis la crise de 2008. «Si la courbe des personnes infectées continue de monter, nous manquerons de ressources», s’inquiète Daniela Vassal. «Nous tentons de nous équiper du mieux que nous pouvons mais je crois que personne n’est réellement préparé à cette épidémie car chaque population semble réagir de manière différente». Alors qu’en Chine, le Covid-19 sévit majoritairement sur les personnes âgées, il semblerait que les 40 à 60 ans sont les plus touchés au Portugal.

Depuis le début de l’épidémie, le pays connaît une recrudescence des actes solidaires. Le club de foot Lisbonne Benfica annonçait le samedi 21 mars avoir fait don d’un million d’euros au Service National de santé. Le groupe de santé privé portugais CUF, quant à lui, met 50 de ses respirateurs à la disposition de l’hôpital public.

Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours “journalisme international” dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.

Par Diana Da Costa

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