Soraya Benacloche, Brésilienne de soixante ans, est arrivée en Suisse il y a presque quarante ans. La différence de culture et de langue a été un frein à son intégration, mais ses choix de carrière professionnelle ont favorisé le contact humain, ce qui lui a permis de surmonter ces obstacles.
Soraya est arrivée en Suisse en 1987, accompagnée de son mari. Son extraversion lui permet de s’intégrer plus vite dans la société, bien qu’elle ait eu du mal à faire sa place: « J’ai eu de la difficulté en arrivant ici. Tout était différent: la langue, la culture, la mentalité des gens, et même la température. Je suis arrivée en novembre, et à Lausanne, il faisait encore plus froid qu’ici, à Neuchâtel ». Elle dévoile également en souriant une de ses techniques pour faire passer le temps, les mois après son arrivée: « Il faisait tellement froid et je n’étais tellement pas habituée que je pouvais me couler un bain chaud et rester dedans tout l’après-midi, parfois ! »
Une intégration par le travail
De plus, Soraya n’a pas pu travailler directement en arrivant en Suisse. La Brésilienne avait effectué une formation de maîtresse des écoles dans son pays natal, mais cette formation n’était pas reconnue en Suisse. « Étant donné que je ne travaillais pas, je ne sortais que très rarement de chez moi. J’attendais que mon mari rentre, cela a retardé mon apprentissage du français et mon intégration en Suisse. Je me souviens que lorsque j’allais faire les courses et que je rencontrais un Portugais, j’étais aux anges, car je pouvais enfin parler avec quelqu’un. »
Soraya finit par effectuer une formation d’esthéticienne, mais se réoriente pour travailler dans la vente. Elle explique ce choix avec une envie d’avoir un réel contact social avec les gens, car cela fait partie de son identité, tout autant que pour pouvoir pratiquer son français fraîchement appris. « Après avoir pris des cours de français, j’ai travaillé dans la vente chez ABM et dans l’ancien Marin Centre pour pouvoir parler français avec les gens. Certaines fois, tu rentres dans un magasin et la vendeuse n’est pas gentille, pas agréable. Cela te donne envie de ressortir tout de suite. Moi, j’avais cette volonté d’être gentille, serviable. »
J’aime le contact avec les gens.
Soraya Benacloche, propriétaire du kiosque du Funambule
Aujourd’hui, Soraya est la propriétaire du kiosque du Funambule. Elle a décidé d’ouvrir ce kiosque avec une amie et ancienne collègue avec qui elle travaillait dans la vente. Avec deux enfants, Soraya avait envie de changement dans sa vie professionnelle, et l’envie du contact avec les gens a de nouveau primé. « J’ai besoin de ce contact social, mais ce n’est plus la même chose aujourd’hui. Dans la vente, les contacts avec les clients sont très simples, on ne parle pas de vie privée. Avec mon kiosque, j’avais la possibilité de parler plus régulièrement aux mêmes personnes, aux habitués. Je peux parler de tout et de rien avec eux, cela me plaît. »
Entre éthique et travail
Contrairement à son travail de vendeuse, les produits que vend Soraya dans son kiosque ne sont pas moralement neutres ou positifs comme pouvaient l’être les habits qu’elle vendait dans le passé. Soraya explique que cette différence ne la laisse pas indifférente. « C’est sûr que cela n’a pas une bonne image. En tant que maman, je ne voudrais pas que mes enfants fument ou jouent à des jeux d’argent. Ce sont des produits addictifs qui peuvent ruiner une vie. Ce dont je suis sûre, c’est que mes enfants n’ont jamais fumé. »
Malgré cela, Soraya se doit de rester neutre vis-à-vis de cette situation. Elle sait bien que ces ventes sont aussi une source de revenus qui lui permet de pratiquer ce métier. « Il y a une loi qui fait foi, et je respecte cette loi en contrôlant l’âge des gens qui viennent acheter de l’alcool, des cigarettes ou des jeux d’argent. Cela ne m’intéresse pas de vendre à des mineurs pour faire plus de chiffres d’affaires, ma morale est au-dessus de cela. Ensuite, passé l’âge de 18 ans, je pense que chacun est responsable de ses actes. »
Soraya n’encaisse d’ailleurs aucun bénéfice à vendre plus de ces produits, car l’argent revient aux marques qui lui versent une commission. Elle raconte également qu’elle n’a jamais dû faire face aux problèmes que peuvent engendrer ce type de produits. « Je n’ai jamais eu de problèmes d’addictions avec un client. Si je vois quelqu’un qui achète trop souvent, ou qui joue des grosses sommes par exemple, on doit faire quelque chose. » Soraya attrape alors une carte sur son comptoir et raconte: « C’est une carte de la Loterie Romande qui est en faveur du jeu responsable. Il y a les instructions à suivre pour les personnes qui se sentent addictes, avec un numéro d’appel pour qu’elles puissent se faire aider. Si on voit quelqu’un qui joue trop d’argent, on doit lui donner cette carte, mais cela ne m’est jamais arrivé. »
Après plus de quarante ans passés en Suisse, Soraya commence à avoir le mal du pays et envisage de retourner au Brésil avec son mari pour profiter de la retraite. « J’ai déjà soixante ans, et j’aimerais retourner au Brésil pour voyager pendant la retraite. Mon mari aime presque plus le Brésil que moi, rigole-t-elle, donc nous allons retourner y vivre d’ici quelques années. »
Par Robin Smania
Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours « Atelier presse I », dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.