Le journalisme local résiste encore et toujours

Crédits: Gian Pham pour IJF18

Mais d’où provient l’étonnante résilience de la presse locale? Trois invités du monde du journalisme local américain, allemand et autrichien tentent de répondre à la question. 

« Qui lit le Guardian? » Peter Laufer, ancien journaliste aujourd’hui professeur à l’école de journalisme de l’Université de l’Oregon, prend le public à partie. De nombreuses mains se lèvent. « Qui a déjà vu, sur le site du Guardian, le carré jaune qui arrive en fin d’article et demande une contribution financière aux lecteurs? » Le nombre de mains diminue. On imagine aisément la suite. « Qui a déjà payé pour le Guardian? » La plupart des mains tombent, n’en restent que trois. Tout est dit.

Si le célèbre Guardian peine au niveau financier, on image facilement que les médias locaux n’échappent pas aux difficultés financières. Peter Laufer évoque l’exemple du rachat du Register Guard, grand journal local de l’Oregon, par Gatehouse Media, un éditeur qui gère littéralement plusieurs centaines de médias locaux aux USA. « Ils ont une très mauvaise réputation. Ce sont comme des suceurs de sang avec les journaux locaux et les familles qui les tiennent ». Cependant, leur rachat par de grands groupes est parfois leur unique moyen de survivre. Andy Kaltenbrunner, directeur de la Maison des médias de Vienne (Medienhaus Wien), réagit: « Il est vrai qu’aux USA, beaucoup de médias ont dû fermer après les années 2000. Il y avait même un site Internet qui relatait leur disparition, et il y en avait deux ou trois par semaine ! Cela a été différent dans les pays germanophones par exemple, où malgré quelques fermetures et des éditeurs qui rachètent des titres, le journalisme local a globalement tenu bon. »

Si les ventes du journalisme local papier sont en baisse, comme pour le reste du monde de la presse, il n’a cependant pas dit son dernier mot. Robuste, ancré dans la pratique et la réalité de son terrain, il est représenté au Festival International du Journalisme par des personnalités aux idées claires. Jost Lübben, rédacteur en chef du Westphalenpost dans le nord-ouest de l’Allemagne, tient à ce que son journal reste le plus proche possible des gens. « La semaine dernière, on a organisé une rencontre entre les photographes du journal et les lecteurs. Les gens pouvaient venir et juste parler avec le staff, c’était vraiment très bien. » Pour lui, ces réunions sont d’une grande importance. « Le temps du reportage pur et simple est terminé. Nous devons savoir ce qui nous rend indispensable en tant que journal régional. On essaie de trouver des sujets qui intéressent vraiment nos lecteurs. Du coup, partir à leur rencontre est essentiel. »

Peter Laufer raconte un exercice qu’il donne à ses étudiants: « Il faut regarder vos lecteurs dans les yeux et leur dire la vérité. Sortez dans la rue, et regardez les gens en souriant sans rien dire. Revenez avec vos réactions. » Un exemple à mi-chemin entre le bizarre et la niaiserie, mais qui récolte parfois des réactions très violentes. Certains étudiants se font insulter et ordonner de s’éloigner au plus vite par certaines personnes. « Les étudiants me disent souvent que c’est l’exercice le plus dur auquel ils sont confrontés. Pourtant, ils sont là sur le terrain en lien direct avec les gens pour qui ils écrivent. »

Les journalistes locaux sont bien plus satisfaits, moins stressés et ont moins peur de perdre leur emploi que les autres journalistes. Ce sont les résultats d’une étude sur les médias menée par Andy Kaltenbrunner. L’objectif de ces journalistes locaux est aussi très clair: fournir une information neutre et transparente à leur public, et traiter celle-ci spécifiquement pour lui. « C’est un élément intéressant et important du journalisme local, dit-il. Il n’y a pas de volonté d’éduquer les gens ou de leur faire comprendre des choses, mais de parler de thématiques qui leur sont proches et de faciliter leur compréhension. » Si les résultats de l’étude comptent surtout pour l’Autriche, où elle a été effectuée, ces résultats sont confirmés par les autres intervenants. Un journalisme local où on aime travailler, très ancré dans la pratique du terrain et la connaissance de son lectorat et à l’écoute de ses besoins et de ses inquiétudes… l’équation magique pour un journalisme local solide et apprécié?

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