L’année 2019 aura été marquée par les mouvements pour le climat et la crise écologique. 2020, avec la pandémie de coronavirus, est sans conteste l’année de la crise sanitaire. Si la planète ne peut que mieux se porter avec une activité humaine fortement réduite, quel impact aura réellement le Covid-19 sur le climat?
Au début de la pandémie de coronavirus, en mars dernier, on pouvait voir un peu partout sur les réseaux sociaux des images impressionnantes. Des dauphins dans un port en Sardaigne, un loup sur les pistes de ski de Courchevel ou encore un puma en plein centre-ville de Santiago au Chili. L’Agence spatiale européenne (ESA) montrait également la forte diminution des gaz à effet de serre au-dessus de la Chine et de l’Europe, due aux mesures de confinement adoptées par les pays.
En effet, on pouvait constater une baisse de de 20 à 30% du dioxyde d’azote (NO2) en Europe par rapport à la même période l’an passé. Il s’agit du principal gaz polluant émis par les transports routiers et l’activité industrielle.
La population, placée en quarantaine, se déplaçait beaucoup moins et permettait ainsi aux animaux sauvages de s’aventurer plus facilement dans des zones plus urbaines, d’habitude occupées par les humains.
La pandémie de coronavirus est-elle donc une bonne chose pour le climat? Pas si sûr.
A chaque crise le même processus
Le coronavirus a pour l’instant des effets positifs sur le climat, pourtant ils sont à nuancer. A chaque crise économique, on constate le même processus :
La production baisse, les déplacements sont réduits et la consommation énergétique diminue. Cause à effet, on produit moins de gaz à effet de serre et donc moins de pollution. Pourtant, il faut faire attention aux retours de bâton car les émissions de gaz à effet de serre ont tendance à rebondir après une crise. En témoigne, la crise économique de 2008 et de 2009. La diminution de l’activité économique a été suivie d’une augmentation néfaste des émissions de gaz à effet de serre. On a constaté en 2010 une hausse de 5,9% par rapport aux années précédentes en particulier dans les pays riches. Le Centre d’analyse et d’information sur le dioxyde de carbone avait également enregistré une production record de 9,1 milliards de tonnes de carbones.
Du côté de la pollution, Les experts constatent également de nouvelles dégradations sur l’environnement notamment par la chute en bourse des entreprises de recyclage. On commence notamment à ramasser au bord des plages des masques usagés jetés, comment le démontre cette vidéo d’une association filmée sur les plages d’Hong-Kong :
En Suisse, la crise sanitaire a sensiblement boulverser nos habitudes de consommations ayant ansi un impact sur nos déchets. A Genève, on constaté une baisse de 50% de déchets dues au relentissement de l’économie. Ce changement a également des répercussions sur le recyglage des déchets. De plus en plus de masques sont jetés dans les poubelles à PET, sa consommation a augmenté de 30%. Malheureusement leur composante différente des autres plastiques ce qui pose un probléme de dégradation et protection de ces déchets.
L’économie le nerf de la guerre
La relance de l’économie va avoir un réel effet néfaste à l’aube de l’après coronavirus. On en distingue déjà les prémisses, le climat grand gagnant du millésime 2019 est passé au second plan des préoccupations internationales. Les gouvernements ne vont pas seulement injecter des milliards dans leur plan économique mais également prendre des mesures loin d’être éco-responsables. Les grandes puissances ont déjà annoncé des mesures drastiques: le Canada avec un plan de relance de son industrie pétrolière et gazière, la Chine qui envisage la construction de nouvelle usines à charbon alors qu’aux Etats-Unis, le plan de relance à 2000 milliards de $ a permis une envolée des cours des compagnies pétrolières mais également de transports. Bonne élève lors de la période du Covid-19, seule la Corée du Sud a imaginé un plan de relance basé sur ses énergies renouvelables.
Du côté européen, la Pologne et la République Tchèque ont déjà demandés l’abandon du Green Deal Européen. Le pacte vert point d’orgue de la nouvelle commission européenne d’Ursula Von der Leyen qui vise à ramener à zéro d’ici 2050 les émissions de gaz à effet de serre. Une mission qui semble irréaliste si l’on regarde les crises économiques passées. Après la crise de 2008-2009, la COP 17 de Durban avait décidé de suspendre les négociations d’un nouvel accord pour le climat. Il en sera vraisemblablement de même pour la COP 26 de Glasgow en novembre. Tous les regards seront tournés du côté l’économie. Une autre donnée va encore boulverser la donne: la relance de l’économie associée au prix bas des cours de pétrole peut faire émerger une nouvelle économie de post-carbone.
Un changement de notre société ?
L’urgence climatique lancée en 2019 a été complètement dépassée voire dévorée par la relance économique. Pourtant, certains effets positifs d’aujourd’hui peuvent se transformer en effet de longue durée. Plusieurs spécialistes penchent pour cette optique, notamment Jean Jouzel. Interrogé par le micro de Forum sur la RTS en plein coeur de la crise, le climatologue et glaciologue français n’en démord pas: pour des effets positifs de longue durée sur le climat, tout doit passer par une relance verte :
De nombreuses voix rejoignent Jean Jouzel. En Suisse, une pétition citoyenne appelée l’Appel du 4 mai a été lancée le 23 avril. Elle demande une relance économique plus humaniste et durable. Plus sociale, locale et écologique, la pétition a déjà récolté 55’000 signatures et a déjà été présentée aux parlementaires à Berne.
Les manifestations se réinventent
Un constat pour l’écologie nuancé donc, loin des bonnes nouvelles qu’annonçaient les médias au début du confinement chinois. Mais si la crise sanitaire semble avoir entièrement pris possession de 2020, tout n’a pas disparu de la forte prise de conscience écologique de 2019. Pour ses mouvements phare, pas question d’abandonner la lutte, malgré le virus et les mesures de restrictions. Et alors que le Parlement a approuvé l’aide financière à l’aviation d’1,275 milliards de francs sans aucune contrepartie environnementale des compagnie aériennes en échange, il semble que le combat soit toujours plus rude.
Le mouvement citoyen Grève du climat, initié en 2019 par la militante suédoise Greta Thunberg, a du repenser la grande action qui était prévue pour le vendredi 15 mai. Pas de grève généralisée et pas de cortèges, mesures sanitaires oblige, mais un défi nommé #challengeforfuture. En plus d’avoir mis en place une webradio, le mouvement invite toutes les personnes sensibles à la cause de faire un maximum de bruit aux fenêtres et balcon à 11h59. Cette heure marque symboliquement l’alarme climatique.
Le mouvement de désobéissance civile Extinction Rebellion, connu pour ses actions fortes mais non-violentes, à l’image de son blocage du parking de Rive à Genève le 8 février dernier, subit également les restrictions étatiques pour les manifestations. Le mouvement y voit toutefois l’occasion de revenir, après la crise, avec un message plus fort: si faire passer le profit avant la santé a eu de graves conséquences pendant pendant la pandémie du coronavirus, les répercussions seront les mêmes tant que les Etats feront passer le profit avant l’environnement. Un militant d’Extinction Rebellion explique ce parallèle:
2019 fût véritablement l’année du climat avec de belles opportunités d’avenir. Il est trop tôt pour dire si la crise sanitaire actuelle a réellement mis fin à ces promesses car la mobilisation reste forte malgré une visibilité réduite. Rien n’est joué, donc, pour le climat dont l’avenir reste incertain et pour une société qui dans la matière a tendance a faire un pas en avant mais deux pas en arrière.
Léa Frischknecht, Loris Bonfils & Gabriel Nista
Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours « Actualité: méthode, culture et institutions » dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.