L’écart salarial pour l’année 2021 entre les femmes et les hommes sera publié à la fin du mois. Trois ans après la Grève du 14 juin, l’attente des milieux féministes suisse est grande. A quelques jours de cette échéance, décryptage d’une inégalité qui peine à s’améliorer.
18,4%, c’est ce que les femmes percevaient en moins que les hommes sur leur fiche de paie en 2020. Chaque année, l’Office Fédéral de la Statistique (OFS) calcule cette discrimination salariale au sein des secteurs de l’industrie, de la construction et des services. Bientôt, il publiera ses chiffres pour l’année 2021.
Si l’écart a diminué entre 2015 et 2018, pour atteindre 15,7%, il est reparti à la hausse dès 2019 avec un taux à 18,3%. 2019, c’est également l’année d’une contestation féministe sans précédent : la Grève du 14 juin. L’égalité salariale fait partie des revendications portées par le mouvement. Le 14 juin 2019, ce sont 500'000 femmes qui défilent dans les rues helvétiques, faisant de cette mobilisation la plus grande action politique depuis la grève générale de 1918. Des revendications sur lesquelles les entreprises et institutions ne peuvent plus fermer les yeux.
Une part inexpliquée
Si l’écart est explicitement publié, il ne peut être complètement expliqué. De nombreuses zones d’ombre persistent dans la justification de cette inégalité. Moins mis en avant par l’OFS, des chiffres existent concernant la part inexpliquée de cet écart. Ces derniers indiquent que dans 11 corps de métiers, la part inexpliquée de l’écart salarial s’élève à plus de 30%. Parmi ces 11 secteurs, 4 ont un écart dont la moitié reste sans explication. Le grand gagnant est le secteur des transports où 84% de la discrimination salariale demeure sans explication.
Mauvaise élève européenne
La Suisse se place en quatrième position des pays européens avec les discriminations salariales liées au sexe les plus élevées - derrière la Lettonie, l’Estonie et l’Autriche -. La moyenne européenne est en recul depuis une dizaine d’années et se situe environ à 13% d’écart.
Certains pays européens ont pris des mesures pour lutter contre les inégalités salariales entre les femmes et les hommes, à l’image de l’Islande qui les a rendues illégales à travers une loi coercitive. D’autres pays ont opté pour plus de transparence salariale. Les Allemandes, par exemple, peuvent demander à connaître le salaire de 6 de leurs collègues masculins.
Aucun système contraignant
De son côté, la Suisse n’est dotée d’aucun système contraignant. Seules les entreprises comptant 100 employé-es ou plus à plein temps doivent déposer d’ici au 1er juillet 2023 un bilan afin d’analyser les écarts salariaux. Si une discrimination liée au sexe existe, aucune sanction n’est prévue, seulement une nouvelle analyse dans un délai de quatre ans.
Le principe d’égalité salariale entre les femmes et les hommes, inscrit dans la Constitution depuis 1981, semble avoir encore besoin de temps avant d’être respecté partout en Suisse. Les possibles retombées de la Grève du 14 juin 2019 sur l’égalité salariale sont pour l’instant difficiles à percevoir. Ces manifestations auront tout de même le mérite de mettre à l’agenda un problème qui touche la moitié de la population suisse.
Covid-19, facteur aggravant des inégalités
La crise du coronavirus et ses nombreux semi-confinements ont accentué les inégalités entre les sexes. Le baromètre national de l’égalité indique que 18% des femmes interrogées estiment avoir subi une baisse de leur disponibilité professionnelle plus importante que celle de leur partenaire, notamment en raison "d'obligations familiales". La question de la garde des enfants lors de la fermeture des écoles et des crèches a été un vrai casse-tête pour nombre d’entre elles.
Les femmes ont également été exposées de manière plus forte à la maladie. Elles sont surreprésentées dans les domaines en première ligne pour lutter contre la pandémie. Plus de 80% du personnel de santé est féminin. Elles sont également majoritaires dans le secteur du commerce de détail de première nécessité. Elles représentent plus de 60% des employé-es du secteur.
Par Salomé Laurent & Solène Monney
Crédit photo : Pancartes brandies lors du 8 mars 2018 à Genève. Keystone ATS
Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours "Publication, édition et valorisation numérique", dans le cadre du master en journalisme de l'Académie du journalisme et des médias (AJM) de l'Université de Neuchâtel.