Le nombre d’arbitres au sein du football suisse est en augmentation. Et malgré les différentes polémiques qui émaillent la vie de ces indispensables du sport, ceux-ci gardent la motivation et le plaisir de pratiquer leur passion.
Front contre front avec l’arbitre, une image qui a fait le tour du monde. L’entraîneur de l’Olympique lyonnais Paulo Fonseca, dans un accès de fureur immense, en est presque venu aux mains avec l’arbitre Benoît Millot, le 2 mars dernier. Son comportement extrêmement menaçant vis-à-vis du directeur de jeu lui a valu une suspension exceptionnelle de neuf mois.
Cet évènement n’est qu’un des nombreux cas de menaces et d’agressions contre les arbitres, tant dans le football amateur que professionnel. « Il faut être un peu fou pour faire arbitre », déclare sans concession Joël Brunner. Jeune journaliste sifflant sur les terrains de Promotion League, la troisième division du football suisse, il réagit à l’affaire Fonseca: « Les joueurs et entraîneurs professionnels sont censés avoir un comportement exemplaire avec les arbitres. Mais ce qui m’attriste, ce sont les gens qui pensent que neuf mois de suspension, c’est trop. »
Un hobby, une passion
Qu’est-ce qui pousse ces passionnés de foot à aller se faire insulter sur les terrains? Depuis sept ans, Arnaud Gaillard écume les terrains amateurs, sifflet à la bouche. Il gravit les échelons rapidement, espérant arriver au moins en Promotion League. Au départ, l’arbitrage n’était qu’un moyen comme un autre de se faire un peu d’argent de poche. « La passion s’est construite sur la durée. Quand on arbitre, il faut prendre des décisions en une fraction de seconde. Ces décisions peuvent avoir une importance cruciale. Avoir ce pouvoir dans les mains et prendre la bonne décision, c’est une sensation assez jouissive. » Il regrette cependant les comportements excessifs sur et en dehors du terrain: « Régulièrement, on a des joueurs qui nous crient dessus avec véhémence. Mais le problème principal, ce sont les supporters. J’ai dû interrompre un match à cause de supporters qui nous menaçaient, les joueurs et moi. »
Arnaud et Joël ont également pratiqué le football comme joueurs. Tous deux ont l’impression d’avoir atteint une limite dans le « football du dimanche ». « Sur le terrain, en tant que milieu défensif, les matchs amateurs ne me plaisaient pas toujours. Puis, j’ai eu la possibilité d’arbitrer dans une division supérieure et j’ai aimé ce challenge », dévoile Joël Brunner.
Avoir ce pouvoir dans les mains et prendre la bonne décision, c’est une sensation assez jouissive.
Arnaud Gaillard, arbitre de 2ème Ligue.
L’arbitrage, c’est un truc de mordus. Si l’argent pouvait jouer un rôle lorsqu’ils étaient adolescents, la passion a poussé ces jeunes arbitres à persévérer. « L’aspect arbitrage diffère complètement du foot en tant que joueur. On est sur le terrain parce qu’on est passionné par le football », raconte Déborah Anex. Cette ancienne joueuse s’est reconvertie à l’arbitrage et dirige des matchs masculins de Challenge League, le deuxième échelon national. Ses qualités lui ont permis d’intégrer le groupe des arbitres FIFA. Elle a ainsi pu diriger des rencontres de la Coupe du Monde des moins de 17 ans.
Elle aussi doit faire avec les pressions des supporters et joueurs: « Il y a un peu plus d’un mois, la police a dû intervenir pour nous ramener jusqu’à la gare. Ce ne sont effectivement pas des moments motivants. »
Mais alors comment faire la part des choses et garder la foi? « Finalement, il y a peu de cas où je me suis sentie en danger. Et je sais également que les menaces ne me visent pas moi personnellement, mais ma fonction d’arbitre, décrypte la Vaudoise. Savoir dédoubler sa personnalité, c’est essentiel si on veut percer dans l’arbitrage. »
Carton jaune aux mauvais comportements
D’après les études menées sur les arbitres, un officiel prend plus d’une centaine de décisions sur un match. Chaque décision va à l’encontre de l’une des deux équipes, générant ainsi insultes, regards noirs ou gestes inappropriés. Pourtant, malgré ces évènements régulièrement relayés par les médias, le nombre d’arbitres en Suisse ne cesse d’augmenter. Plus de 5’000 licenciés cette année, ce qui représente une augmentation de près de 12% en trois ans.
Dans le canton de Vaud, cette hausse est plus élevée que la moyenne, le nombre « d’hommes en noirs » ayant crû de plus de 20% sur cette même période. Hicham Matni, président de la commission des arbitres de l’Association cantonale vaudoise de football (ACVF), réagit à ces chiffres: « À l’époque, on formait des arbitres, mais sans compenser les départs. Maintenant, on a mis l’accent sur les jeunes et on fait en sorte que les moins de 18 ans continuent d’arbitrer une fois la majorité atteinte. »
L’arbitrage, c’est une école de vie.
Hicham Matni, président de la commission des arbitres de l’ACVF
Maintenir la motivation des arbitres actuels tout en développant des vocations chez des novices, c’est le défi des instances administratives. Celles-ci font également de la prévention chez les entraîneurs et joueurs amateurs, ce qui est très important, selon Joël Brunner: « Il y a des cours de prévention pour tous les entraîneurs depuis deux-trois ans. Ils comprennent la complexité du rôle d’arbitre une fois mis à notre place. »
« L’arbitrage, c’est une école de vie », déclare Hicham Matni. Il déplore cependant les comportements des parents et supporters qui engendrent nombre de démissions. « On sanctionne les joueurs qui vont alors réfléchir, mais en dehors du terrain, c’est incontrôlable. » Les moyens financiers et humains manquent pour pouvoir mener une prévention hors-terrain. Cette insuffisance de ressources explique pourquoi le président de la Commission des arbitres vaudois et ses collaborateurs sont bénévoles. Ce dévouement volontaire est précieux, l’ACVF ayant convoqué des arbitres pour près de 10’000 matchs officiels l’année dernière.