Des cheveux indiens en Suisse

Inde, cheveux, extensions
Photo de Anand Jha, sur Wikimedia Commons.

Après des débuts foudroyants, le marché des ajouts capillaires est aujourd’hui stabilisé. Ce nouvel équilibre économique assure-t-il une production de cheveux respectueuse des donneurs ?

Les prix varient de moins de dix francs à plusieurs milliers : il existe des extensions pour toutes les têtes et pour toutes les bourses. Ce marché, qui a subitement décollé au début des années 2000, s’est aujourd’hui calmé. Mais la demande est toujours là, comme le confirme Damien Ojetti, président de CoiffureSuisse, l’association des coiffeurs indépendants : « Les extensions visent aujourd’hui un public de niche. Mais il y aura toujours des femmes qui veulent des cheveux longs. »

Une formation à 5000 francs

Cette demande justifie, pour les coiffeurs, des formations onéreuses imposées par les fabricants d’extensions. « Les fournisseurs haut de gamme ne laissent pas leurs produits entre les mains de n’importe qui », explique Biljana Dupuis, coiffeuse à Yverdon. Chez Balmain Hair, filiale de la célèbre maison de couture française, quatre jours de cours coûtent environ 5000 francs, logement, repas et matériel compris. Un véritable investissement pour de petits entrepreneurs.

Pour Balmain Hair et son distributeur suisse, Simon Keller AG, les affaires restent intéressantes. À l’instar du marché des montres, la question de la gamme des prix est un élément primordial du succès des fournisseurs sur ce marché. « Le ralentissement subi par les marques après la période de nouveauté s’explique aussi par le développement des extensions bas de gamme, peu qualitatives, mais très bon marché », concède Sarah Salvisberg, responsable « cheveux » pour Simon Keller AG.

Temple indien vend cheveux

Chez Great Lengths, une autre société active dans ce créneau, on constate même une progression des ventes. « Notre taux de croissance est stabilisé à 5% par année. Nous produisons 48 tonnes de cheveux, ce qui équivaut à 30 millions de mèches », affirme Shahbeer Attan, responsable de la marque italienne. Pour faire face à la demande et garantir la qualité de leurs produits, les importateurs soignent leur filière d’approvisionnement. « Tous nos cheveux proviennent de temples indiens, indique Shahbeer Attan. Ils sont donnés par les fidèles et sont ensuite vendus lors d’enchères. »

Lorsque je leur parle de l’origine indienne des cheveux, mes clientes changent rapidement de sujet.
Biljana Dupuis, coiffeuse à Yverdon.

En Europe, le cheveu indien est traité pour avoir la bonne teinte, tout en gardant sa brillance naturelle. « Nous n’avions qu’une usine en Italie jusqu’à présent, souligne le responsable de Great Lengths. Mais l’année passée, nous en avons ouvert une en Autriche, toujours en Europe pour assurer des conditions de fabrication responsables. » Une fois traités, ces cheveux sont exportés dans le monde entier. En Suisse, 400 salons sont fournis par Great Lengths.

Porter les mèches d’une autre : gênant ?

Les consommatrices sont-elles sensibles à la dimension éthique de ce type de commerce ? Malgré des produits haut de gamme proposant des cheveux récoltés dans des conditions décentes, le fait d’acheter et de porter les mèches d’une autre pourrait être gênant. En réalité, les clientes se souciant de la provenance des extensions sont assez rares. « Lorsque je leur parle de l’origine indienne des cheveux, elles changent rapidement de sujet », relève Biljana Dupuis.

Pour Serena et Alicia, deux consommatrices d’extensions capillaires, se coiffer de cheveux indiens n’est pas un problème : « Quand on reçoit nos rajouts, on les lave directement. Une fois que c’est fait, ils deviennent nos propres cheveux. »

Illustration : Anand Jha, sur Wikimedia Commons.

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