En cartes: Quels cantons facilitent la reprise du travail des mères? – JAM

En cartes: Quels cantons facilitent la reprise du travail des mères?

Les crèches permettent aux femmes de reprendre une activité professionnelle. (Photo: Keystone/Christian Beutler)

Les cantons romands offrent plus de places en crèches que les régions germanophones, ce qui favorise le retour des mères dans la sphère professionnelle. Découvrez nos cartes!

Les crèches en Suisse, une affaire fédérale? C’est ce que réclame une initiative qui a abouti l’année passée. Le texte demande à la Confédération de prendre en charge deux tiers des coûts liés à l’accueil extra-familial. L’objectif? Faciliter le retour des mères sur le marché du travail.

Mais à l’heure où les places se font rares et onéreuses, certaines familles se rétractent et perpétuent le modèle traditionnel de répartition des tâches: l’homme au travail, la femme à la maison. En 2023, les mères ont toujours un temps de travail strictement inférieur à celui du père dans 60% des ménages suisses. Dans quelle mesure une offre en crèches plus étoffée permet-elle aux femmes de reprendre le travail?

Divergences intercantonales

En Suisse, seules les autorités cantonales peuvent légiférer en la matière. Par conséquent, les subventions octroyées aux familles fluctuent d’un canton à l’autre, tout comme le nombre de femmes qui reprennent le travail après une grossesse.

Les dernières données de l’Office fédéral de la statistique (OFS) montrent que la proportion de ménages avec un enfant en bas-âge dans lesquels la mère ne travaille pas est bien plus importante en Suisse orientale. À part dans les cantons de Berne et de Bâle-Ville, plus de 20% des couples suisses alémaniques se répartissent le temps de travail rémunéré de façon très inégale. La configuration selon laquelle les hommes travaillent à temps plein, tandis que les femmes restent sans emploi, concerne même près de 30% des ménages dans certains cantons germanophones comme Thurgovie et Uri. Au Tessin, 29% des ménages avec un enfant en bas-âge déclarent que la mère n'a pas d'activité professionnelle. C’est deux fois plus que le canton de Neuchâtel ou du Jura.

Dans les cantons romands en revanche, les proportions sont plus modérées et restent bien en dessous de la moyenne nationale, située à 22%. Dans ces régions, le seuil des 20% n’est jamais dépassé. Seuls 15% des ménages neuchâtelois et jurassiens déclarent que la mère ne travaille pas. Dans le canton de Vaud, ce taux atteint à peine 17%.

Ces statistiques résonnent particulièrement bien avec le taux de disponibilité des places en crèches. Les cantons alémaniques sont généralement moins bien dotés que leurs compatriotes romands. Les villes proposent aussi plus de places que les régions rurales. Bâle-Ville, Zoug et Genève sortent du lot avec une offre plus abondante en regard des autres cantons. À l’extrême opposé, Appenzell Rhodes-Intérieures ne met à disposition que 40,2 places dans ces structures d’accueil pour 1'000 enfants en bas-âge. Saint-Gall n'en propose pas beaucoup plus (65,4 places en crèches/1'000 enfants concernés).

Les cantons romands sont quant à eux plus accessibles. Neuchâtel dispose par exemple de presque trois fois plus des places en crèches que Saint-Gall. Genève est le troisième canton qui propose le plus de places à sa population (229,2 places/1'000 enfants) suivi de Schaffhouse et Zürich.

La Suisse occidentale se distingue ainsi des régions orientales en termes de politique familiale. Ces résultats ne prennent cependant pas en compte certains facteurs culturels, comme les choix de vie. Le travail domestique n'est pas obligatoirement vécu comme une contrainte, mais peut faire l'objet d'un choix des mères.

Neuchâtel, le bon élève de la Suisse

Tandis que les politiques cantonales sont pour le moins inégales, certaines tirent leur épingle du jeu. Neuchâtel, par exemple, conjugue faible taux d'inoccupation professionnelle et forte accessibilité des crèches. Comment le canton parvient-il à faire la différence? D’abord, en affichant les frais de garde les plus faibles du pays, au coude-à-coude avec Genève, selon une étude du Crédit Suisse (2021). 

Le même duo romand domine le classement du financement parental. Les structures neuchâteloises demandent aux ménages les plus modestes une contribution minimale de 10 francs. Côté germanophone, la facture est plus salée avec un tarif trois à huit fois supérieur. 

Enfin, comme une majeure partie de la Suisse romande, la politique neuchâteloise adopte un système de financement tripartite. Aux subventions communales et cantonales s’ajoute la participation des employeurs. Une aide supplémentaire qui soulage le budget des familles. En matière d’accueil préscolaire, Neuchâtel cumule donc les critères d’accessibilité. 

Ces mesures se soldent par une augmentation des mères sur le marché du travail, lit-on dans une étude de l’Université de Neuchâtel (2021). Grâce à la multiplication des places en crèche, ce sont 2'000 femmes qui ont doublé leur taux d’emploi. Les interruptions de carrière pour des raisons familiales se font également plus rares et moins longues. Conséquence directe: le revenu des employées va croissant, de pair avec leur cotisation à la prévoyance vieillesse. Pour Martine Docourt, conseillère nationale socialiste, ces mesures pallient les inégalités de genre: "Nous sommes convaincus que l'accueil extra-familial est une pièce importante pour atteindre l'égalité".

Nouvelles mesures en perspective

Non content du dispositif déjà en place, le parlement neuchâtelois poursuit sur sa lancée. Début décembre, le Grand Conseil a validé à l'unanimité la révision de la loi sur l'accueil des enfants (LAE). Le taux de couverture minimum est ainsi revu à la hausse: d'ici à quatre ans, 35% de places devront être disponibles par rapport au nombre d'enfants concernés. De quoi inciter les communes à étendre leur offre pour répondre à la nouvelle norme cantonale.  "Cette révision de la loi permet de concilier vie professionnelle et vie familiale de manière plus optimale", a déclaré à la RTS Sarah Blum, députée et membre du POP neuchâtelois.

Sur les cartes se dessine la fracture du Röstigraben. En Romandie aussi, certains cantons sont moins bien lotis en termes de places disponibles par enfant, tels que Fribourg et le Jura. Toutefois, ces résultats sont contrebalancés par les données de Neuchâtel ou encore de Genève. Ce dernier canton entend également soutenir davantage la création de nouvelles structures d'accueil extra-familial. Une initiative cantonale du Centre et des Vert'libéraux vient d'être lancée en décembre dernier.

Par Marjorie Besse & Dario Mercolli
Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours « Publication, édition et valorisation numérique », dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.

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