Un lieu pour soigner l’isolement social

Élisabete Da Silveira, la référente sociale de la Maison Mivelaz (debout), Maurice, l’un des bénévoles (debout) et une partie des personnes présentes au dîner dans la salle commune. FF

Pensée comme un lieu de rencontres pour les personnes âgées, la Maison Mivelaz propose des logements adaptés avec accompagnement. Elle est gérée par Pro Senectute et constitue une alternative à l’EMS.

10h. En plein cœur de l’Avenue Mont-d’Or à Lausanne. La salle communautaire de la maison Mivelaz commence à s’activer. Deux résidents y dégustent un café préparé par Maurice, l’un des bénévoles qui assistent les retraités. Les discussions tournent autour de l’actualité – conséquence des journaux présents sur la table ronde – et de la santé. «Salut beau gosse !», lance en entrant Liliane*, nonagénaire toujours espiègle. Difficile de savoir à qui ce compliment est destiné, puisqu’elle le répète à tout-va et à qui veut l’entendre. De quoi faire rire la petite assemblée présente au réfectoire en cette matinée ensoleillée du mois de novembre.

«Personne ne se connaissait lorsque l’on a emménagé, on a dû faire fonctionner les caractères, mais on a réussi à faire des choses chouettes.»

Élisabete Da silveira, travailleuse sociale

«Liliane*, vous avez rendez-vous avec la coiffeuse tout à l’heure. Vous vous souvenez ?», lui rappelle d’une voix forte Élisabete Da Silveira, la référente sociale de la Maison Mivelaz. Elle gère l’établissement depuis sa création en 2008, et encadre les retraités pour certaines tâches, administratives surtout. Pour beaucoup de locataires, elle est un pilier. «Si Élisabete n’est pas là, je ne suis pas bien. Elle est une aide précieuse. C’est mon ange gardien», partage Françoise*, l’une des premières personnes à s’être installée dans l’immeuble. En échangeant des regards complices, les deux femmes se remémorent les souvenirs d’un emménagement mémorable. La faute au retard qu’avaient pris les travaux de construction des appartements. Mais si la bonne ambiance entre les locataires semble être l’atout principal de l’établissement, cela n’a pas toujours été le cas, selon Élisabete Da Silveira. «Personne ne se connaissait lorsque l’on a emménagé, on a dû faire fonctionner les caractères, mais on a réussi à faire des choses chouettes», glousse la travailleuse sociale.

Se sentir « chez soi »

Dans la salle commune de la Maison Mivelaz, où se déroulent la plupart des échanges sociaux, est aménagée une grande baie vitrée. On y aperçoit alors depuis l’intérieur une fresque au mur réalisée par une artiste lausannoise. Elle désigne une arche au milieu de laquelle un grand jardin offre une vue spectaculaire sur le lac Léman. Bahia, la chienne de Maurice et la mascotte de l’immeuble y est également peinte. Cette œuvre chaleureuse demeure la fierté des locataires, livre Élisabete Da Silveira. «Quand on la regarde en été, on a l’impression d’être au bord de l’eau», sourit-elle. De quoi apporter un peu de fantaisie au bloc de béton aménagé de cinq étages.

«Si Élisabete n’est pas là, je ne suis pas bien. Elle est une aide précieuse. C’est mon ange gardien.»

Françoise*, locataire

Françoise* est locataire de l’un des 39 appartements depuis 15 ans. Elle confie s’être rapidement sentie chez elle après son emménagement dans son 2 pièces. Après toutes ces années, elle se dit encore charmée par la luminosité qui règne dans son «petit cocon». Mais au fil du temps, Françoise* a dû se débarrasser de certains meubles qui lui étaient chers, à cause de sa mobilité en déclin. De quoi rendre la retraitée nostalgique. «De nombreuses personnes vivent ici en raison des aménagements spécifiques que proposent les logements. En vieillissant, il arrive que les escaliers deviennent trop durs à monter. Ici, les infrastructures sont adaptées», affirme Élisabete Da Silveira.

Le choc des générations

L’établissement vise aussi à lutter contre l’isolement social des personnes âgées. Cette volonté se fait ressentir dès l’entrée de l’immeuble, puisqu’il est écrit sur les boîtes aux lettres «Maison Mivelaz, lieu de rencontre». Et l’objectif semble atteint, car de vraies amitiés se sont créées entre les résidents, affirme la référente sociale. Mais si la plupart des locataires sont des retraités, deux appartements sont loués par des familles. L’objectif de cette intergénérationnalité est de rendre aux personnes âgées leur vivacité à travers des échanges avec des plus jeunes, en plus de rendre le lieu de vie dynamique. Pour bénéficier des loyers modérés qu’offre l’immeuble, les ménages doivent répondre à deux conditions. D’une part, être disponibles pour aider leurs aînés en cas de besoin et d’autre part, participer à certaines activités communes organisées par la Maison Mivelaz. Les familles s’engagent ainsi à assurer un rôle d’entraide et de lien social vis-à-vis des personnes âgées. Deux ménages y vivent actuellement, «mais il est rare de les croiser dans la salle communautaire, se désole Élisabete Da Silveira, même si leur présence est encouragée.».

«De nombreuses personnes vivent ici en raison des aménagements spécifiques que proposent les logements. En vieillissant, il arrive que les escaliers deviennent trop durs à monter. Ici, les infrastructures sont adaptées.»

Élisabete Da silveira, travailleuse sociale

Alternative aux EMS

Les appartements aménagés avec accompagnement constituent une alternative à l’EMS, selon la travailleuse sociale. «S’ils n’empêchent pas les personnes âgées d’y entrer un jour ou l’autre, ils rallongent le temps que passent les retraités à la maison. Je le constate depuis de nombreuses années à la Maison Mivelaz», explique-t-elle. Bon nombre d’aînés souhaitent vivre le plus longtemps possible chez eux. Ils redoutent de devoir se rendre dans un home. Pourtant, les aides deviennent nécessaires lorsque la vieillesse prend le dessus et que les forces commencent à manquer. Et quand il n’y a pas de proche-aidant ou que leurs services sont insuffisants, rester chez soi n’est plus envisageable. Les appartements protégés constituent donc un entre-deux. Les personnes âgées décident d’y emménager avant que leur santé ne décline trop. Elles y conservent leur autonomie – puisqu’il n’y a pas de programme strict à respecter – et restent indépendantes, mais reçoivent l’aide nécessaire en cas de besoin. De quoi offrir aux aînés une retraite paisible renforcée par un agréable sentiment de sécurité.

Fanette Fabrizio

* : prénoms d’emprunt

Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours « Atelier presse I », dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.

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