Masques, désinfectant, barrières, affichettes, autocollants : La lutte contre le Covid-19 est omniprésente depuis un peu plus d’un an et demi. Mais qu’en est-il une fois perché à plus de 2’000 mètres d’altitude, chaussures de ski aux pieds? Reportage à Nendaz (VS).
Les petites lumières rouges scintillent en nombre sur le plan de pistes du domaine skiable des 4 Vallées. Trois lumières vertes indiquent quelles sont les pistes déjà ouvertes. L’offre encore très restreinte ne décourage pas les skieurs venus dévaler la piste du Plan du Fou à Siviez, dans le vallon de Nendaz. En ce week-end d’ouverture, le parking au départ de la télécabine est à moitié plein. Les plaques des véhicules témoignent d’un intérêt essentiellement suisse romand, avec ça et là quelques Alémaniques et Européens déterminés à affronter ce jour blanc.
L’épaisse couche de nuages de ce jour de novembre efface le sommet du Plan du Fou qui s’élève à 2430 mètres d’altitude. Impossible de voir où la remontée mécanique mène les skieurs. Quelques cristaux de givre s’invitent dans la cabine et garnissent les cheveux grisonnants de Bernard et Catherine. Le couple romand se réjouit de retrouver la poudreuse. Tous deux portent un masque de protection en coton. « Il est obligatoire dans la cabine. Dans les files d’attente, on n’en a pas besoin mais les gens le mettent quand même », constatent-ils.
Cette autodiscipline facilite le travail de Sébastien Lathion et de ses collègues. Depuis son container blanc posé au Plan du Fou, le surveillant d’installation des remontées mécaniques de Nendaz-Veysonnaz supervise le ballet des cabines. Parfois pleines, souvent vides ce jour-là. De son poste de contrôle, l’ancien patrouilleur explique : « les fenêtres des cabines sont ouvertes et nous avons laissé les affiches bleues que l’on avait collées l’année passée ». Sur ces affiches, trois pictogrammes résument les consignes : port du masque exigé, pique-nique interdit, ouverture des fenêtres obligatoire.
Pointant du doigt le bas des pistes, le responsable connaît la chanson. “Le surveillant posté au bas de l’installation doit vérifier que tous les skieurs mettent leur masque » poursuit Sébastien Lathion entre deux franches salutations de la main à des habitués du domaine. Mais pendant le trajet, personne ne peut s’assurer que la mesure est bien respectée. D’ailleurs, certains en ressortent visage démasqué et sourire aux lèvres à la vue de la neige. Sur les pistes, le coronavirus semble loin derrière eux et laisse place au plaisir de la glisse.
« L’année passée c’était bien différent », indique Sébastien Lathion. Alors que Mylène Farmer chante ses désenchantements sur Radio Nostalgie, le Nendard poursuit avec lassitude : « On a dû faire la police. Le nombre de personnes par cabine était limité alors on a dû parfois séparer des familles provoquant beaucoup d’incompréhension ». Même son de cloche du côté de Raphaël Bornet, responsable d’exploitation et technique dans le secteur de Siviez: « L’année passée tout le monde en avait un peu marre ». A ce poste depuis 1999, le responsable arborant la veste noire des remontées mécaniques ajoute que « cette année, il n’y a que des assouplissements; ce sera plus facile». Malgré ces assouplissements, la récente extension du certificat sanitaire interroge le monde des sports de neige, plutôt épargné par les restrictions depuis deux ans. Raphaël Bornet se montre réservé face à une mesure qui serait compliquée à contrôler : « Il faudra mettre en place le contrôle des pass, mais pour l’instant on ne part pas là-dessus ».
Ceux qui ne pourront pas ignorer le fameux pass, ce sont les restaurants de piste, soumis aux mêmes règles que les établissements de la plaine. Les clients doivent détenir un certificat sanitaire s’ils souhaitent manger au chaud. Yann Le Bolloc’h, gérant du restaurant du Plan du Fou redoute de devoir « faire le flic ». Car contrôler les pass, ce n’est pas son « vrai travail ».
Il est midi, les chaussures de ski frappent le sol. Aidé par une employée, celui qui amuse ses collègues par son franc-parler pose sur le par terre une petite barrière en plexiglas. Elle guidera tous les clients vers la caisse, passage obligé pour vérifier le certificat Covid.
Malgré cette contrainte, Yann Le Bolloc’h espère une saison meilleure que la dernière. La fermeture des restaurants avait impacté le chiffre d’affaires des remontées mécaniques valaisannes à hauteur de 20 à 30%. Les établissements ne servaient plus que des repas à l’emporter. Ses lunettes posées sur sa tête, Yann Le Bolloc’h se souvient des difficultés à faire respecter les consignes : « Quand tu commences à engueuler, tu perds en vente et en satisfaction. Mais en même temps, si t’es laxiste, t’es foutu. J’ai dû mettre des gens dehors deux fois ». Mais les temps ont changé. Aujourd’hui, plus de la moitié des tables à l’intérieur du restaurant qui offre habituellement une vue imprenable sur les Alpes, sont occupées. A l’extérieur, dans le froid, personne.
Sur les tables en bois verni de l’établissement sont encore collés les codes QR renvoyant vers SocialPass. Facultatif depuis fin juin dans les cafés et restaurants, l’enregistrement sur ce type d’application de traçage est en chute libre. Ces codes QR, barrières, marquages au sol et autres autocollants présents sur le domaine skiable sont « des restes des dernières saisons », indique Raphaël Bornet. Pour cet hiver, aucune signalétique supplémentaire n’a dû être mise en place. « Il faudrait d’ailleurs qu’on en enlève certaines pour ne pas donner des informations qui ne sont plus d’actualité», ajoute le Valaisan.
Alors que le brouillard commence à se lever, les multiples signalétiques bleues, jaunes, rouges et noires se confondent avec d’autres consignes mises en place pour avertir les skieurs des dangers inhérents à la montagne : « Pistes fermées », « Danger d’avalanches », « Ne pas quitter les pistes balisées », « Ralentir ».
Par Mathilde Salamin
Photo: Mathilde Salamin
Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours “Atelier presse”, dont l’enseignement est dispensé collaboration avec le CFJM, dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.