Le duo lausannois s’est reproduit, sur la scène du Bikini Test, vendredi 16 octobre. Un plein d’énergie et une occasion pour questionner la place des femmes dans le punk et l’égalité dans la musique suisse.
Vous êtes des filles…, MAIS ça déchire !
Voilà comment mal commencer une discussion avec Sun Cousto ou plus généralement pour parler de femmes dans la scène punk/rock en Suisse.
Rencontrées à l’occasion de leur concert, au Bikini Test à La Chaux-de-Fonds, Julie et Isumi s’emparent de la scène avec force.
Une musique sincère, qui nous pousse à surfer sur des vagues sonores d’une tempête en mer. On tombe, on plonge dans les graves des abysses, pour remonter en force, la tête haute et la voix qui se libère.
Des femmes sur scène, c’est politique!
En live, elles dégagent une assurance naturelle. Difficile à croire qu’au début de leur carrière elles ont eu du mal à faire reconnaître leur légitimité en tant qu’artistes. Refusant d’exploiter l’exceptionnalité d’être un groupe féminin pour se mettre en avant, elles ont tout de même compris que le traitement qui leur était réservé n’était pas le même que celui de leurs collègues masculins.
« Il a fallu qu’on se retrouve à faire 60 concerts en une année pour que les gens arrêtent de nous donner des conseils importuns. C’était souvent une sorte de drague mixte mansplaining*. Maintenant, nous assumons que oui, on est un groupe de femmes, les questions de genre sont importantes et le fait d’être sur scène en tant que femmes, c’est politique ! »
Pourquoi les femmes sont moins visibilisées?
Disparité de traitement, mise à l’écart, manque de représentation. Des réalités bien connues par Yvonne Meyer, responsable de projet chez HelvetiaRockt, centre de coordination qui revendique une visibilité et une reconnaissance adéquates des femmes dans la musique suisse.
En 2019, le groupe de travail d’HelvetiaRockt a aussi rédigé une charte adressée aux organisateurs de festivals et concerts dans le but de promouvoir la diversité au sein de leurs structures et dans leurs programmations:
« Nous sommes devenues la Gender Polizei ! Quand on voit que les femmes ne sont pas programmées, nous appelons les organisateurs et grâce à notre base de données, nous proposons des artistes et des travailleuses de la scène. Souvent, ils nous disent viser la qualité plutôt qu’intégrer des réflexions de genre. Nous essayons donc de leur faire comprendre que des artistes de qualité il y en a et qu’il faut juste les chercher »
Si Yvonne Meyer reconnaît que les mentalités des organisateurs sont en train d’évoluer, certains stéréotypes perdurent.
Les femmes dans le rock sont chanteuses, on les voit rarement à la batterie. Que ce soit dans les médias ou dans les écoles de musique, les femmes, depuis leur jeune âge, peinent à trouver des exemples qui puissent les orienter vers des instruments perçus à tort comme masculins.
L’écrasante majorité des profs de musique est composée d’hommes. Les profs de batterie sont toujours des hommes. Il faut que les filles sachent qu’il y a d’autres choses, pas que le chant ou le piano
» Toi, tu ne joues pas comme une fille ! «
Des clichés sur les batteuses, Julie en a fait l’expérience : si une fille tape sur des caisses, non seulement elle est automatiquement homosexuelle, mais si elle le fait bien, alors elle joue comme un homme.
« Souvent on m’a dit, ah toi tu ne joues pas comme une fille, et cela me rassurait. Aujourd’hui, je comprends que ceci n’a aucun sens : on ne joue pas comme des femmes, on est des femmes qui jouent ! Et cela fait toute la différence. »
Des remarques telles que « une énergie féminine dans le punk » ou « c’est cool de voir des filles dans un milieu d’homme », souvent faites par des garçons, ne font que reproduire l’idée qu’il existe une musique d’hommes qui est la norme et des femmes qui essaient de s’en emparer.
Ils essaient peut-être de nous faire des compliments, mais c’est exprimé de manière tellement maladroite que ça devient dégradant
Une absurdité d’un point de vue historique
Pourtant, le punk est né pour exprimer rage et frustration, des sentiments connus par les femmes da la société actuelle. Ce style de musique fonctionnait bien pour celles et ceux qui avaient moins accès aux instruments.
Dans les années 70 il y a eu une explosion de groupes féminins sur la scène. A l’image de Siouxsie Sioux, icône mondiale du post-punk, qui affirmait que
les gens oublient que le punk a été vraiment bon pour les femmes. Cela les a motivées à choisir une guitare plutôt que d’être chanteuse. Cela nous a permis d’être agressives
Bonus: Live Session de Sun Cousto pour Club Soda Session
Aron Guidotti
Crédits photo à la une: Aron Guidotti
Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours « écritures informationnelles », dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.