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Sans Chinois, le tourisme se réinvente à Interlaken

A street without traffic during the state of emergency of the coronavirus disease (COVID-19) outbreak, in Interlaken, Switzerland, Sunday, April 12, 2020. Countries around the world are taking increased measures to stem the widespread of the SARS-CoV-2 coronavirus, which causes the Covid-19 disease. (KEYSTONE/Anthony Anex)

La ville bernoise souffre du manque de touristes, elle qui s’est pensée spécialement pour les accueillir. Elle cherche à développer son offre touristique afin de les convaincre de revenir. Reportage.

Interlaken, 8h58. Un drapeau chinois flotte dans l’air humide de ce vendredi matin. Un peu plus loin, ce sont des indications en mandarin qui ornent la devanture d’un magasin d’alimentation. Au centre du village, un jardin asiatique abrite plusieurs carpes koï tournant en rond dans leur bassin.

Aucun touriste chinois n’est là pour apprécier l’accueil qui lui est réservé. Depuis mars 2020, les Asiatiques ayant mis un pied à Interlaken sont peu nombreux. Confinements à répétition et règles sanitaires ont eu raison de leur envie de découvrir l’Europe.

«Nous espérons juste pouvoir survivre»

Les décorations de Noël sont déjà installées sur la rue de la gare. Eclairé par les guirlandes lumineuses, l’office de tourisme d’Interlaken est désert. «Nous n’accueillons plus aucun touriste en provenance de Chine. Et je ne pense pas qu’ils reviendront avant les Jeux olympiques de l’hiver 2022», se désole Daniel Sulzer, directeur d’Interlaken Tourism.

L’économie de la région dépend du tourisme. Notamment des achats des visiteurs chinois. Bien qu’ils ne représentaient que 13% des visiteurs parcourant la région en 2019, ce sont eux qui dépensent le plus. Un rapport de Suisse Tourisme indique qu’en 2017, les Chinois déboursaient en moyenne 380 francs par jour et par personne lors de leur venue en Suisse.

Le long de la Höheweg, nombreux sont les magasins qui ont dû réduire leurs horaires d’ouverture ou fermer provisoirement. Les passants sont rares. Les clients des boutiques tout autant. Le manque à gagner touche le secteur commercial de plein fouet. 

«Nous espérons juste pouvoir survivre», résume Amy, gérante du concept store Imi beauty. La jeune femme se force à rire. «En ce moment, j’ai quelques clients indiens qui me permettent de joindre les deux bouts, mais je ne sais pas jusqu’à quand je pourrai tenir».

Dans le secteur du luxe, les différentes enseignes d’horlogerie «n’ont rien à dire». Impossible de connaître l’impact que l’absence des touristes chinois a eu sur les ventes du secteur. Dans l’un d’eux, trois vendeuses s’activent et dépoussièrent les pièces des vitrines.

Chute du nombre de nuitées

L’hôtellerie fait elle aussi grise mine. A deux pas de la Höheweg, les établissements étoilés sont vides. Selon l’association des hôteliers de la région d’Interlaken, l’absence des Asiatiques, comme celle des autres touristes étrangers, se fait durement ressentir. Et pour cause: en 2019, le nombre de nuitées de voyageurs chinois se montait à un peu plus de 140’000. En cette année 2021, le décompte stagne à 723.

D’autres se réconfortent de l’absence des touristes en provenance de Chine. «Ils venaient dans la boutique à trente, bousculaient les objets et en abîmaient certains. Bien sûr qu’il y a un manque à gagner, mais leur absence a permis aux habitants de la ville de revenir nous voir», confie une vendeuse d’un magasin de souvenirs. Une femme passe la porte de l’établissement et salue la commerçante d’un «Grüezi».

A côté du magasin, le parc Höhematte, où atterrissent habituellement les parapentistes, est immaculé. Le brouillard ambiant complique les sorties aériennes.

D’habitude plébiscitées par les Chinois, les activités à sensations fortes trouvent difficilement preneur. Les quelques 50’000 vols réalisés par année sont passés sous la barre des 10’000 depuis le début de la pandémie. «Nous avons dû revoir notre publicité habituelle. Mais même avec ces ajustements, rien ne compensera les pertes financières de notre établissement», confie la gérante d’une organisation de vols en parapente.

Revoir l’offre touristique, voilà également la solution choisie par l’office de tourisme de la ville. «Afin de dynamiser la saison d’hiver à venir, nous avons lancé une carte forfaitaire pour les sports d’hiver, les transports publics, les restaurants ou encore les magasins», indiquait Daniel Sulzer quelques minutes plus tôt dans la grande salle de l’établissement. La mesure doit encourager les touristes suisses à venir à Interlaken pour passer une partie de la saison hivernale. Celle-ci arrive à grands pas. Au sommet de la colline qui surplombe la ville, les arbres sont déjà givrés.

Inciter les touristes étrangers à revenir

La ville ne souhaite toutefois pas se détourner du tourisme international. «En octobre, nous avons invité les représentants de nombreux pays à venir visiter notre région. Nous voulions montrer aux touristes qu’ils sont les bienvenus chez nous, et que nous les accueillons dans des conditions sanitaires irréprochables», explique Daniel Sulzer.

La démonstration a peut-être fonctionné: une dizaine de touristes américains déambulent dans les rues de la ville. Un chiffre toutefois loin des 1,6 million de visiteurs qui parcourent la région chaque année. «Nous ne sommes pas inquiets. Les touristes étrangers reviendront, c’est certain», sourit Daniel Sulzer.

Les touristes de l’Empire du milieu et d’ailleurs reviendront-ils à Interlaken ? Pour le moment, à la Bahnhofplatz, seul le drapeau rouge à cinq étoiles jaunes atteste d’une présence chinoise. Se réinventer après une pandémie prend du temps.

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