Jusqu’au 28 mars 2021, l’exposition « Le mal du voyage » au Musée d’Ethnographie de Neuchâtel (MEN) invite le visiteur à questionner ses pratiques touristiques, comme le fait de partager ses photos de voyage, un phénomène toujours plus présent sur les réseaux sociaux. Embarquement immédiat pour le royaume du selfie.
Une forêt électronique et réflexive au MEN
Aujourd’hui, se prendre en photo lorsqu’on voyage est devenu un cliché. Un bouton pour capturer l’instant, un autre pour le partager. À mi-parcours de l’exposition, le touriste d’un jour entre dans « La jungle des images ». La végétation est dense. Des téléphones sont accrochés au bout de perches à selfies. Certaines sont suspendues au plafond comme des lianes, d’autres sortent du sol, à l’instar de plantes vivaces. Sur les écrans parsemés dans la salle, on peut voir des influenceurs photographiés dans de magnifiques endroits.
Une fois postées sur Internet, ces images sont-elles porteuses de conséquences positives ou négatives ? Lorsque l’on demande son avis sur la question à Céline Bernar, hôtesse de l’air chez TUI fly Belgium, sa position est clairement tranchée. Pour cette habituée des vols longs-courriers, la question de l’économie prime sur celle de l’écologie.
Céline Bernar : Plus-value pour l’économie locale
Pour Grégoire Mayor, codirecteur du MEN, une véritable problématique se pose derrière les lieux mis en valeur sur la toile. L’impact de ce phénomène sur l’écologie n’est pas négligeable. Il explique par exemple l’histoire des champs de narcisses piétinés à Montreux.
Grégoire Mayor: Destruction de la nature
Selfies polluants
Il y a trois ans, quatre jeunes Italiens avaient vanté le val Verzasca, au Tessin, en se filmant seuls au monde dans une rivière couleur émeraude. La vidéo était devenue virale et de nombreux touristes ont afflué à la suite de sa diffusion sur les réseaux sociaux. Le lieu a connu davantage d’embouteillages, de parkings sauvages et d’abandons de déchets que de retombées économiques.
Le val Verzasca est un exemple type des conséquences que peuvent avoir les selfies partagés sur Internet. C’est une vieille question du tourisme de masse. Il y a aussi un vrai paradoxe avec les offices du tourisme régionaux. Ils veulent attirer du monde en diffusant de belles images et puis trop de gens viennent et ils n’arrivent plus à gérer. C’est ce qui s’est passé cet été avec le Creux-du-Van.
Grégoire Mayor
La vidéo du Verzasca qui a attiré des milliers de touristes:
Arthur Roels
Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours « écritures informationnelles », dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.