Myriam Duc – La boxe pour se reconstruire

Portrait – Itinéraire d’une survivante. Le titre du livre autobiographique de Myriam Duc en dit long sur son histoire. Pour faire face à un passé chaotique, cette jeune femme a choisi la boxe, un sport qui lui a permis de renforcer son corps et son esprit.

Direct, crochet du droit, uppercut. Myriam Duc enchaine les coups, expirant à chaque fois un petit souffle. Son regard reste focus sur son adversaire, un sac de frappe de caoutchouc noir posé au beau milieu du salon, bien plus grand que sa propriétaire. Sa tenue de sport laisse voir ses jambes. Beaucoup de bleus, parfois de la taille d’une balle de tennis. Par dessus son sourcil gauche, on remarque une cicatrice. « Avec tout ce qui m’est arrivé, je pense que j’en suis facilement à plus de cent points de suture. » confie la jeune femme de 27 ans.

Toutes ces marques, Myriam ne les a pas récoltées que sur un ring. A quinze ans, on lui diagnostique le syndrome d’Ehlers-Danlos. Il s’agit d’une maladie génétique rare qui affecte le collagène, protéine qui compose la majorité des organes du corps. De nombreux maux cardiaques, digestifs, articulaires, osseux ou cutanés sont alors à prévoir. « C’est comme si j’avais la maison sans avoir l’armature. Tout est là mais ça tient moyennement ensemble. »

Avant d’évoquer sa maladie, Myriam Duc commence par raconter son enfance. Les premières pages de son livre, paru en 2019, décrivent un univers familial particulièrement brutal. Née à Lausanne dans un milieu catholique aisé, Myriam n’a jamais ressenti l’amour de sa mère dont elle subit une maltraitance physique et psychologique. Avec cette femme, les gifles sont courantes, les bisous sur la joue forcés. Quant à son père, médecin-chef, il n’est que rarement à la maison. C’est donc en solitaire que la jeune fille grandit. A l’adolescence, la rupture est totale. Certains soirs, elle doit se débrouiller pour trouver de quoi manger et un endroit pour dormir.

Une passion des plus périlleuses

Il y a trois ans, lorsque Myriam annonce à ses médecins qu’elle veut essayer la boxe, leur refus est unanime. Pourtant, c’est grâce à son physio-thérapeute que la jeune femme s’est mise à ce sport. « C’était un jour où j’étais très chagrinée par mes problèmes familiaux. Alors il a pris un grand ballon, il m’a dit “tape dedans“ et j’ai frappé avec tellement de force qu’il m’a conseillé en riant de commencer la boxe. Je l’ai pris au mot. »

Lors de son premier jour de cours, Myriam se dit qu’elle rentrera chez elle ruisselante de sang. Au Pegasus Gym, à Crissier, elle rencontre Jamal Wahib qui commence par lui faire frapper dans des pattes d’ours, des cibles circulaires attachées à des gants. Au fil des leçons, elle se rend compte que sa peau se fait plus résistante, que son coeur gagne en endurance et que son moral s’enjolive. Son médecin traitant lui donne alors le feu vert pour les cours collectifs. « Grâce à la boxe, j’ai pu extérioriser ma rage avec des personnes “consentantes“. J’avais un besoin viscéral de rendre les coups que j’avais reçus étant plus jeune. Sauf que je ne pouvais pas juste aller dans la rue et tout casser. »

Malgré ses rêves de compétition, Myriam Duc n’a jamais pu participer à un combat officiel. Obtenir les autorisations médicales lorsqu’on est atteint de sa maladie reste très difficile. Heureusement, elle peut se consoler grâce aux amitiés solides qu’elle noue au club. Boxer, c’est avancer ensemble. « On a encore beaucoup cette image des sports de combat où tout se résume au fait de se taper dessus. Mais quand on se retrouve face à face avec son adversaire, on ne peut pas se cacher, on ne peut pas mentir. Il y a cette notion de vulnérabilité que les gens ne voient pas depuis l’extérieur.»

La naissance d’une super-héroïne

Au moment de la publication de son livre, Myriam Duc se demande si elle n’a pas fait une bêtise en s’exposant ainsi. Mais très vite, ils sont nombreux à la remercier pour le courage qu’elle inspire. Beaucoup de personnes, dont certaines gravement malades, lui confient que grâce à son récit, elles ont retrouvé la force de se battre.
Parmi tous ces retours, il y en a qui sont cependant plus difficiles à gérer. « Beaucoup ont pensé que comme j’avais réussi à surmonter mes épreuves, je pouvais résoudre tous leurs problèmes. C’est super dur de recevoir un message de quelqu’un qui dit “Bonjour, j’ai 15 ans, mes deux parents sont morts, je me drogue, je suis toute seule, venez m’aider s’il vous plaît.“ Beaucoup de ces messages sont malheureusement restés sans réponses de ma part… »

D’après les éditions Favre, qui ont publié le livre de Myriam, les récits de survivants ont plutôt le vent en poupe. Chaque année, elles présentent entre cinq et six ouvrages qui relatent comment leurs auteurs sont venus à bout d’obstacles infranchissables. Selon leurs propos, ce succès serait en partie dû à l’influence des réseaux sociaux et au besoin d’attention qu’ils suscitent. Les individus d’aujourd’hui seraient beaucoup plus enclins à partager publiquement leurs histoires. Il y a une volonté de se sentir utile aux yeux des lecteurs.
Lorsqu’on arrive sur le site web des éditions, De la rue à la route, épopée d’un ancien SDF, est l’un des premiers ouvrages à nous sauter aux yeux.

Malgré son succès, Myriam Duc n’est pas en train d’écrire un nouveau livre. C’est en tant que secrétaire médicale au CHUV qu’elle gagne sa vie. A côté, quatre entraînements de boxe hebdomadaires, de nombreux rendez-vous médicaux et la préparation d’un déménagement en Corse, lieu de vie de son compagnon. «J’ai envie de prendre de la distance avec mon personnage public. Là-bas, je vais continuer la boxe et je pourrai faire du télétravail pour l’hôpital en attendant de trouver autre chose. »

Bon voyage Madame Duc!

Par Dimitri Faravel

Crédit photo: © Dimitri Faravel

Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours « Atelier presse », dont l’enseignement est dispensé collaboration avec le CFJM, dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.

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