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Les sept péchés capitaux: la Suisse, pays de tous les vices?

La Suisse est réputée pour ses vertus, telles que son souci du compromis, son air frais et ses vaches. Son attrait pour le chocolat et le secteur bancaire serait-il en revanche un symptôme de ses vices ? Revue des sept péchés capitaux de notre cher pays, version 2021.

Ils sont sept, incontournables et connus de tous. Nommés les uns après les autres, ils rappellent le début d’un conte. Non, il ne s’agit pas des sept nains de Blanche-Neige. Ici, on parle péchés capitaux. 

Qu’est-ce que c’est ? Pour l’Eglise catholique, c’est la racine de tous les vices, de tous les crimes. Ils se nomment: colère, paresse, avarice, envie, gourmandise, luxure et orgueil. Véritables maux de l’être et de l’avoir, ils vous dévient du bon chemin. Comme il est tentant de se laisser piéger, toute terre comporte ses pécheurs, y compris en Suisse. Nous proposons une liste en sept points, péché par péché, version 21e siècle. Notre objectif ? Créer un classement des cantons à partir des sept péchés capitaux.

Ce classement s’inspire d’une étude faite par l’Université du Kansas en 2009. Des étudiants ont proposé, sur la base de données statistiques précises, un classement des états américains les plus pécheurs. Cet article se veut humoristique, bien qu’il soulève des questionnements sociétaux intéressants. Les cartographies réalisées sont sérieuses, mais la relation faite avec les péchés capitaux est largement discutable.

1. Colère

Dans les discours, sur les réseaux sociaux, dans la musique ou dans les médias, la colère est omniprésente. Elle sème la violence, souvent irrationnelle, la destruction et le chaos. Petite définition : la colère est le fait de produire des excès en paroles ou en actes : insultes, violences ou meurtre. Aux yeux des voisins français ou allemands, la Suisse paraît souvent comme une élève modèle. Peu de faits divers, pas de violence visible. Tout est beau, tout est propre. Vous ne serez pas surpris : que des clichés.

Des statistiques répertorient ces différentes infractions, notamment celles commises par violence. On y retrouve les assassinats, les viols ou les menaces. Dans cette idée, certains cantons peuvent être considérés comme étant plus violents, voire «colériques». Bâle-Ville arrive en première position avec 12,4 infractions pour 100’000 habitants. On peut constater que les infractions sont plus fréquentes dans les cantons urbains tels que Zurich, Genève ou Vaud.

Malgré le lien possible entre la colère et les infractions par violence, apportons cependant un peu de nuance. Les infractions par violence ne sont pas forcément toutes motivées par la colère. En guise d’exemple : le viol n’est pas forcément commis par colère. C'est un souhait d'imposer sa domination et sa supériorité sous la contrainte.

2. Paresse

Les Suisses aiment travailler dur. Du moins, c’est ce qu’on peut lire dans la presse étrangère. Les médias français étaient fascinés par le rejet de l’initiative «six semaines des vacances pour tous» . Si le nombre de semaines de vacances est généralisé à un niveau fédéral, cette règle ne s’applique pas au niveau cantonal. Les Grisons totalisent 8 jours fériés contre 15 pour le Tessin. Des différences s’expliquant par la religion du canton mais aussi par des spécificités régionales. En Suisse, on aime travailler dur mais on a le sens des traditions. Le canton de Neuchâtel célèbre le 1er mars l’instauration de sa République. Autre exemple: Plusieurs cantons alémaniques fêtent la Saint-Berchtold, honorant la déesse Perchta.

Il faut prendre garde toutefois aux raccourcis. Il n’y a pas de causalité entre le nombre de jours fériés et la paresse. De même, «ceux qui ne travaillent pas ou travaillent moins sont paresseux.» Plusieurs facteurs dont il faut tenir compte entrent en jeu. Les femmes font plus d’emploi partiel pour s’occuper du ménage, un travail non-rémunéré bien souvent dévalorisé. Les quelque 116'000 chômeurs inscrits pour le mois de novembre 2021 connaissent pour certains des situations précaires, surtout pour les personnes en fin de droit.

3. Avarice

L’argent ne fait pas le bonheur, vraiment ? Si être proche de son argent a inspiré Molière pour sa pièce de théâtre l’Avare, qu’en est-il pour la Suisse ? Une richesse infinie : c’est bien le cliché le plus populaire sur la Suisse. Pourtant elle dénombre 735’000 personnes vivant sous le seuil de pauvreté. La Suisse sait-elle être généreuse avec sa population ?  

Par la comparaison de l’aide sociale entre les cantons, on peut constater une certaine disparité régionale. Si certains cantons, principalement romands ou à population urbaine, savent ouvrir leur porte-monnaie pour ceux qui en ont besoin, les cantons de la Suisse profonde semblent plus timides. Si à Bâle-Ville l’aide sociale au sens large peut atteindre plus de 2000chf, à Nidwald elle n’est que de 390chf. Cela fait-il de lui un canton plus avare ? Rappelons que l’avarice se définit comme étant de la cupidité, c'est-à-dire l’accumulation des richesses recherchées pour elles-mêmes. Donner moins pour avoir plus

La relation de causalité ne peut être généralisée, car trop de facteurs externes entrent en jeu : la richesse du canton, son activité économique, le niveau de vie de manière générale : englobant le prix du logement et le salaire.

4. Luxure

Le plaisir de la chair, pratiqué hors-mariage, brise bien des préceptes religieux. On condamne le désir mais surtout un appétit trop marqué. Dans la littérature française, les exemples ne manquent pas. La marquise de Merteuil perd santé et argent dans les Liaisons dangereuses. Pour mesurer la luxure en Suisse, l’indicateur choisi est le nombre de maisons closes par 100’000 habitants. Le canton en haut de classement est Bâle-Ville avec 64 maisons closes, suivi par Glaris, comptabilisant 27 établissements.

Les premières condamnées sont les travailleuses du sexe. On leur reproche de ne pas être respectables, de se faire de l' argent facile, d’avoir une vie dépravée. Mais on a tendance à oublier que là où il y a travail, il y a employeur et client. En Suisse, chaque jour, 18’700 hommes (en grande majorité) ont recours aux services des travailleuses du sexe.  

5. Envie

Le désir d’avoir, de consommer toujours plus. Que la cible des convoitises soit une personne ou un objet, l’envie devient une véritable obsession qui peut altérer le comportement. Faire des queues de plusieurs heures pour acheter le dernier iPhone? S’arracher des mains le dernier rouleau de papier hygiénique en vente ? Jalouser un proche ayant du succès dans sa vie ? Voler le repas délicieux d’un collègue dans le frigo de l’entreprise ? Tous les coups sont permis. Si nous poussons le stéréotype jusqu’au bout, l’envie se transforme en haine puis au crime: au vol, plus précisément. 

Les données sur le nombre de vols (sans effractions) par 1000 habitants illustrent ce péché. La Suisse romande et une partie du plateau font office de mauvais élèves sur ce coup. On observe que les cantons abritant de grands centres urbains sont tout en haut de la liste: les occasions pour voler autrui sont plus grandes.

6. Gourmandise

La Suisse est le pays au monde avec le plus de restaurants gastronomiques par habitant. Avec 118 restaurants étoilés, les Suisses aiment la bonne cuisine. Du beau-Rivage Palace à Lausanne passant par le Cheval Blanc à Bâle, la Suisse ne se refuse rien. Mais aller dans un restaurant gastronomique ne demande pas que de la gourmandise, il faut également les moyens financiers. Dans cette idée, comment imager le péché de la gourmandise ? Retraçons le nombre de spécialités par canton.

La gourmandise se définit comme étant le fait de manger de bonnes choses pour le plaisir et non par besoin : rien de mieux que d’utiliser les spécialités cantonales pour faire un classement. Et pour cela, certains cantons tiennent à leur cuisine traditionnelle. Le Tessin, avec plus de 41 spécialités, arrive en première position. Le canton des Grisons se défend bien avec une trentaine de mets. 

De nos jours, la gourmandise n’est plus tant considérée comme un péché, en tout cas pas de manière péjorative. Elle est plutôt remplacée par la gloutonnerie : manger en grande quantité de manière démesurée, et ce depuis que la pécheresse Eve a osé goûter au fruit interdit. Pourtant, ici, c’est le goût des bonnes choses qui prévaut. Alors, parcourez la carte pour découvrir la spécialité choisie par nos soins !

7. Orgueil

L’arrogance, la vanité, la prétention. Voilà une palette de synonymes de l’orgueil. Selon le classement américain, ce péché est la racine même du mal. Pour France Culture, il possède en lui toutes les fautes, à cause d'un excès de confiance en soi. Pour trouver le canton le plus orgueilleux, les six premiers péchés ont été additionnés pour réaliser un classement final.

Il est digne des clichés tirés de cette cartographie: Obwald, Nidwald et Uri, premiers cantons suisses, sont les plus prudes. A l’inverse, Bâle-Ville, Berne et Genève occupent la première place du classement. Peut-on conclure que le péché se terre dans les ruelles sombres des grandes villes ? Encore une fois, la réponse est non. Sans doute parce qu’appliquer les 7 péchés capitaux au 21 siècle est obsolète… A méditer.

Retrouvez le classement du canton le plus pécheur au plus pieux
Jessica Monteiro, Mathilde Jaccard

crédits image : Pixabay. Le péché originel du fruit défendu, Adam et Eve

Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours "Publication, édition et valorisation numérique", dans le cadre du master en journalisme de l'Académie du journalisme et des médias (AJM) de l'Université de Neuchâtel.

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