Comme chaque 14 du mois depuis juillet 2021, ce samedi 14 octobre, le centre de la plaine de Plainpalais s’est paré de bleu le temps d’une performance. Patins aux pieds, Bleu Bitume a virevolté au milieu des passant·es. Se produire en public pour visibiliser son corps, c’est l’ambition du projet ACCORPS. Retour sur l’événement.
Si vous étiez ce samedi sur la plaine de Plainpalais à 18h, peut-être avez-vous aperçu une femme qui patinait en brandissant haut dans les airs un tissu aux couleurs de son pseudonyme: Bleu Bitume.
Chaque 14 du mois, Caroline de Cornière et Alizée Rambeaud, cocréatrices du projet ACCORPS, invitent un performeur ou une performeuse victime de discrimination de genre à se produire dans la rue pour visibiliser son corps.
Depuis juillet 2021, les deux artistes encouragent les femmes, les personnes transgenres ou non binaires, à se réapproprier l’espace public en proposant une performance inédite au milieu des passant·es.
Diaporama des représentations depuis juillet 2021 (Crédits: Rebecca Bowring)
Un projet émancipateur
Si l’expérience peut paraitre vertigineuse, elle permet bien souvent de faire la paix avec soi-même. Alizée Rambeaud confie: « Le retour des performeurs et des performeuses est toujours positif. Il y a un bien-être et parfois une confiance retrouvée ou trouvée après la représentation. »
Dans un espace public parfois hostile aux personnes sexisées, où les violences sexistes et sexuelles sont monnaie courante, les artistes récupèrent, pour un temps, le pouvoir sur leur corps.
Explication d’Alizée Rambeaud:
Retrouver du plaisir à patiner
« À l’époque, quand j’ai eu 15 ans, j’ai décidé d’arrêter de rouler. Avec mes patins, j’étais encore plus grande que je ne le suis déjà et je ne supportais plus les regards que l’on posait sur moi », raconte Bleu Bitume. Dix-huit ans plus tard, les patins aux pieds, elle performe au milieu d’une des places les plus symboliques de Genève ; celle qui, il y a quelques mois encore, accueillait des milliers de personnes pour le départ de la grève féministe.
« J’ai recommencé à rouler depuis. J’utilise le roller comme un outil de libération. »
Bleu Bitume, artiste
C’est pour se réconcilier avec son passé que Bleu Bitume a contacté Alizée Rambeaud et Caroline de Cornière afin de participer au projet ACCORPS.
Elle nous livre son retour après sa performance:
Une route encore longue
Si les artistes ressortent apaisé·es et confiant·es de leur représentation, le constat général n’est pas pour autant idyllique. « Concernant le patriarcat, je suis ultra défaitiste, je ne vois pas d’évolution dans les mentalités, observe Alizée Rambeaud. Le projet ACCORPS, c’est une goutte qui essaie d’éteindre un énorme feu. »
Par Elio Sottas
Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours “écritures informationnelles”, dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.