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Le jeûne intermittent, nouvelle tendance influencée par les réseaux

Le jeûne intermittent est une pratique qui fait face à un enthousiasme exponentiel depuis quelques années. Les réseaux sociaux proposent toujours plus de vidéos et de contenus sur le sujet. Comment peut-on expliquer cet engouement sur internet et la popularisation de cette pratique?

De plus en plus populaire ces dernières années, le jeûne intermittent est la nouvelle pratique qui fait parler d’elle. Plutôt que de ne pas manger sur une même période, plus ou moins longue, comme le veut le jeûne classique, elle consiste à alterner des périodes de jeûnes assez courtes, avec des périodes de repas. 

Plusieurs méthodes se distinguent, les plus populaires étant : 

  • Le 16:8 : probablement la méthode la plus pratiquée, elle consiste à jeûner sur une période de 16 heures par jour et de concentrer ses repas sur une fenêtre de 8 heures, soit par exemple de 12h à 20h. 
  • Le 5:2 : ce type de jeûne intermittent demande de manger normalement 5 jours par semaine et de réduire à un quart ses calories habituelles les deux jours restants (non consécutifs). 

Alors que certains diététiciens, comme Stéphanie Barlet, prônent le jeûne intermittent pour ses bienfaits sur le corps et le système digestif, d’autres sont plus réticents. Par exemple, Florence Authier met en avant le fait que jeûner pourrait fragiliser le comportement alimentaire des personnes qui ont déjà du mal à gérer leur apport en calories. 

Les réseaux enjeûnés

Les réseaux sociaux, tels que YouTube et Instagram, sont en grande partie responsables de la popularisation à grande vitesse du jeûne intermittent. Les influenceurs sont nombreux à avoir proposé des vidéos sur le sujet ces derniers temps. 

C’est le cas notamment de Karoline.ro, Annarvr, Eric Flag, Sissy Mua, etc. La liste est loin d’être exhaustive. 

Eric Flag explique pourquoi il pratique le jeûne intermittent :

L’enthousiasme simultané et soudain pour la pratique du jeûne intermittent n’est probablement pas la conséquence de la découverte d’une pratique miraculeuse. Selon Olivier Glassey, professeur en sciences sociales à l’Université de Lausanne et spécialisé en médias sociaux, le sujet est autant présent sur les réseaux parce que « les influenceurs sont incités à l’aborder par leur communauté ». Ils ciblent les sujets en fonction des gens qui les suivent, « afin de les fidéliser à leur chaîne ». 

Sissy Mua confirme cela au début de sa vidéo, en disant qu’ils se retrouvent enfin sur un sujet « que vous m’avez réclamé de ouf. Il s’agit de mon avis sur le jeûne intermittent ». Il y aurait donc un effet boule de neige. 

« La première fois que j’ai entendu parler du jeûne intermittent, c’est à travers une vidéo d’Eric Flag », raconte Elodie, une adepte depuis huit mois environ. Comme elle, nombreux sont ceux qui disent avoir découvert cette pratique grâce à YouTube ou Instagram. « Sans les réseaux sociaux, je n’aurais sûrement pas connu le jeûne intermittent », confirme Audrey, qui s’y est mise récemment. 

D’autres disent avoir utilisé les réseaux sociaux pour s’informer sur la manière de débuter : « j’avais déjà prévu de faire un 16:8, mais j’ai cherché des articles sur internet et des vidéos sur YouTube pour me renseigner sur les choses auxquelles faire attention », dit Mathilde. Héloïse, elle, est guidée depuis plusieurs mois par l’application YAZIO, aussi présente sur Instagram :

Selon Olivier Glassey, ce n’est pas étonnant que de nombreuses personnes veuillent essayer la pratique du jeûne intermittent, après en avoir entendu parler sur les réseaux. Il explique cela par le rapport de « proximité » souvent ressenti avec les influenceurs : « on les voit régulièrement, ils sont sympathiques et répondent aux commentaires de leur communauté. On a l’impression que ce sont des proches ». Or, plusieurs études montrent que ce qui marche le mieux en marketing est « la recommandation par les pairs ». 

Olivier Glassey recommande donc de garder à l’esprit que, sur YouTube, nous sommes face à une forme médiatisée de quelqu’un qui fait « un effort de com », et non face à un ami. 

Une pratique controversée ?

L’influence des réseaux sociaux est perçue comme dangereuse par certains spécialistes. Les youtubeurs se basent sur leur propre expérience et ne sont pas forcément des experts de ce qu’ils racontent. 

Dans le cas du jeûne intermittent, les personnes sujettes aux troubles alimentaires, par exemple, doivent être vigilantes et ne pas généraliser l’expérience d’une seule personne : « il ne faut surtout pas mettre tout le monde dans le même panier, chacun doit trouver la manière de s’alimenter qui lui convient », affirme la diététicienne Florence Authier.

Le cas de Coralie confirme que tous les bienfaits du jeûne intermittent ne sont pas universels ; elle l’a pratiqué pendant 2 semaines, période durant laquelle elle s’est sentie très faible et a fait plusieurs malaises vagaux. 

Selon Olivier Glassey, afin d’éviter de porter préjudice à certaines personnes, les influenceurs devraient toujours être complètement transparents sur leurs connaissances et donner aux gens des sources pour s’informer par eux-mêmes et vérifier quelles sont les controverses. 

Sur les réseaux sociaux, on trouve aussi des personnes qui se revendiquent expertes sur certains sujets et qui répondent aux influenceurs par de nouvelles vidéos. Cela permet de relativiser les propos de ces derniers et de montrer que les avis ne sont pas unanimes. Mais attention, il ne faut pas oublier que ces prétendus experts se mettent en scène, eux aussi.

Cynthia Marcotte répond à la vidéo de karoline.ro sur le jeûne intermittent :

Les résultats du jeûne intermittent ne sont donc toujours pas au rendez-vous et l’influence des réseaux sociaux sur la popularisation de cette pratique est certaine.

Malgré tout ce que l’on vient de voir, on peut douter de la durabilité de cet enthousiasme : « les effets de mode sont en général remplacés par d’autres. Les thématiques globales, comme le mode de vie sain, sont des choses qui restent, mais la manière de les mettre en discours évolue », ajoute Olivier Glassey.

Par Cléa Mouraux

Ce travail journalistique a été réalisé dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.

Légende photo ©DR

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