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Le glas des hormones n’a pas encore sonné

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Les contraceptifs hormonaux ont baissé en popularité ces dernières années tandis que les méthodes naturelles comme la symptothermie reviennent sur le devant de la scène. Mais, l’adieu à la pilule et ses semblables est-il envisageable pour toutes les femmes ? Enquête.

«J’ai arrêté la pilule parce que je souffrais de migraines. Je me sentais morne, sans vie. Je trouvais injuste et contraignant d’avaler une dose d’hormones chaque jour. Je suis vraiment mieux depuis». Le témoignage d’Amélie, 22 ans, n’est qu’un parmi tant d’autres qui surgissent régulièrement. Le débat au sujet de la contraception est souvent remis sur la table, en témoigne la publication en septembre de l’ouvrage “J’arrête la pilule“.

Cette enquête de la journaliste française Sabrina Debusquat a dévoilé de «nouveaux» et multiples effets secondaires du contraceptif le plus utilisé en France et en Suisse. Depuis que les liens entre pilules de 3e/4e génération et risques de thrombose (caillot de sang dans les veines qui bloque la circulation) ont été avérés, les chiffres sont clairs: Interpharma indiquait une chute de 20% des ventes de pilules contraceptives en Suisse entre 2010 et 2016.

 

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Pour autant, se passer des hormones n’est pas toujours facile. Fabienne, 33 ans, a retiré son stérilet au cuivre (DIU) après trois années de souffrances. A 29 ans et six ans de pilule au compteur, elle s’est présentée chez sa gynécologue pour se faire poser un DIU. «J’ai rapidement eu des règles extrêmement fortes et d’énormes douleurs. C’en était au point que je ne savais pas si j’allais réussir à conduire entre mon bureau et chez moi, et c’est très proche». Fabienne prend sur elle, use d’antidouleurs. Après six mois le flux sanguin se stabilise. Elle décide de continuer, jusqu’en juin 2017. «C’est après un voyage que j’ai réalisé à quel point c’était intenable. Je devais aller aux toilettes toutes les deux heures, parfois tampon et serviette ne suffisaient pas. Ça pouvait durer deux semaines. Je ne sais pas comment j’ai fait» confie-t-elle. Aujourd’hui, Fabienne a choisi l’anneau vaginal qui contient un taux faible d’hormones et n’est pas exigeant, puisqu’on l’installe dans le vagin et qu’on ne le retire qu’au moment des règles.

Souffrir par sécurité ?

Le DIU cuivre, pas pour tout le monde, donc. «Il faut supporter les effets secondaires» acquiesce la Doctoresse Kempf-Haber, médecin cheffe co-responsable du service de gynécologie obstétrique au Groupement Hospitalier de l’Ouest Lémanique. Et une contraception sans effets indésirables, c’est possible? «Je n’évoque pas les méthodes naturelles avec mes patientes. Je trouve ça tellement astreignant et ça expose vraiment à une grossesse si l’on n’a pas une hygiène de vie particulière. Il n’y a pas que le facteur d’oubli, il y a aussi le sperme qui peut survivre plusieurs jours dans l’utérus. En revanche, on pense peu au préservatif qui reste un bon contraceptif et protège des infections» souligne la gynécologue.

La symptothermie: naturelle mais… contraignante

Pourtant, la contraception «au naturel» fait son grand retour sous la forme, notamment, de la méthode sympto-thermique dite aussi fiable que la pilule (taux d’échec de 0,4% contre 0,3% pour la pilule et 0,6% pour le stérilet au cuivre selon l’Indice Pearl mesurant l’efficacité des contraceptifs). Mise au point dans les années 1960, elle combine l’observation quotidienne de la température, de la glaire cervicale et du col de l’utérus, le tout chapeauté par un logiciel ou une application.

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A Lully, la fondation Symptotherm promeut cette méthode et forme des conseillers-ères dont Karen Morand, naturopathe en santé des femmes à Genève. «Les seuls problèmes avec la symptothermie, c’est si la personne n’est pas sûre d’elle, ou si elle manque de discipline». En effet, si la méthode sympto-thermique est efficace, elle demande une phase de formation pour apprendre à «s’observer» et ne tolère pas le manque de rigueur. «Techniquement, il n’y a pas de contre-indication. Mais dans certains cas je ne vais pas insister. Si une femme est débordée, on ne va pas lui ajouter un stress. Pareil pour les adolescentes. J’ai des demandes, mais il faut une certaine maturité et une vie sexuelle plutôt stable» détaille Karen Morand. Par ailleurs, la naturopathe regrette l’absence de dialogue entre gynécologues-médecins et défenseurs d’une contraception non-médicale qui a pourtant fait ses preuves.

Pour passer à une contraception naturelle comme la sympto-thermie il faut du temps, ce n’est donc pas donné à tout le monde

Pourquoi un tel manque de collaboration entre médecins et naturopathes? Alexandra Afsary, assistante et doctorante au laboratoire d’anthropologie culturelle et sociale de l’UNIL, pointe aussi le problème: «les gynécologues sont peu informés. Le bruit court que la sympto-thermie ne fonctionne qu’avec un cycle régulier, or ce n’est pas vrai (…) Dans mes entretiens, les femmes disent souvent qu’elles auraient aimé être au courant des méthodes non-hormonales. En fait, on ne nous apprend pas assez comment fonctionne notre corps».

Une problématique plus large que la «bataille des hormones», liée à la légitimité globale des méthodes médicales et à l’éducation sexuelle s’ouvre ici. Pour autant, aucun profil-type des femmes rejetant les contraceptifs hormonaux ne semble se dessiner: les statistiques suisses sont pauvres en la matière, et les méthodes naturelles séduisent au-delà des groupes spécifiques (féministes, écologistes, religieuses): «je constate une grande diversité dans mes entretiens mais je ne peux pas faire d’hypothèse. Je dirais que pour passer au naturel, il faut du temps, ce n’est donc pas donné à tout le monde». La solution idéale n’a pas encore été trouvée: la femme doit choisir entre contrainte horaire ou effets secondaires. On est encore loin de la liberté promise.

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Lexique

  • Le stérilet au cuivre ou dispositif intra-utérin (DIU) est un contraceptif non-hormonal en forme de « T » que le/la gynécologue insère dans l’utérus. Le cuivre agit sur la glaire cervicale, la rendant plus épaisse et empêchant ainsi le passage des spermatozoïdes dans la cavité utérine.
  • Glaire cervicale: c’est une substance visqueuse produite au niveau du col de l’utérus et qui joue le rôle de barrière protectrice. Son aspect évolue au cours du cycle.
  • Contraceptifs hormonaux: ce terme englobe tous les moyens de contraception diffusant des hormones (œstrogènes et/ou progestatifs) soit: la pilule, l’anneau vaginal, le stérilet hormonal, le patch, l’implant, les injections.
  • Méthodes naturelles: ce sont celles qui visent à identifier l’ovulation pour éviter les rapports potentiellement fécondants, soit: l’abstinence périodique, la méthode des températures, l’observation de la glaire cervicale, le retrait prématuré et la symptothermie.
Marion Police

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