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« J’ai finalement préféré Mélenchon… »

Charlotte Snively est un faux profil Facebook. Elle a bientôt 25 ans et a été créée dans le but d’étudier la bulle filtrante pendant la présidentielle française. Au début, elle est une fervente “clic-militante” de Benoît Hamon. Pourtant, plus les élections avancent plus son intérêt pour le candidat PS manque de jus. Le 28 mars 2017, elle finit par tirer la prise “Hamon” pour se connecter avec énergie à la page Mélenchon. “J’ai finalement préféré Mélenchon…”, aurait-elle pu déclarer.

Avec tout ce que Charlotte a de fictif, elle révèle pourtant un phénomène : sur les réseaux sociaux et pour les gens de gauche, Mélenchon (#oklm) était bien plus attrayant qu’Hamon. Et cela, sur Facebook et Twitter mais aussi tout particulièrement sur Youtube. Partant donc de l’expérience “Charlotte Snively”, je vous propose de comprendre pourquoi de nombreux jeunes se sont finalement rallié à J.-L. Mélenchon grâce aux réseaux sociaux.

Hamon, le réseau socialiste

En janvier de cette année, Benoît Hamon commence fort. C’est la période des primaires et à part François Fillon (“Penelopegate” oblige), il est le candidat le plus mentionné sur internet selon le site de communication politique Compol.  C’est sur Twitter qu’il cartonne le plus : son programme politique fait débat, appelle les commentaires et divise. Jean-Luc Mélenchon est beau dernier.

L’engouement sur internet se tasse pourtant très vite après les primaires. Notre Charlotte fictive le remarque d’ailleurs assez nettement sur sa page Facebook : il n’y a pas grand chose à partager, si ce n’est quelques infographies venues de la page “Hamon2017”.

Pouces bleus marines et coeurs rouges insoumis

La campagne avance et les tendances commencent à se fixer aussi sur les réseaux sociaux. Le 21 avril, LCI publie des graphiques de la popularité des candidats sur les réseaux sociaux basés sur le nombre de “like”.

Le Comptoir est une revue réunissant plusieurs auteurs socialistes et républicains. Ils sont anti-utilitaristes, écologistes et démocrates.

Sur Twitter ainsi que sur Facebook, Marine le Pen se révèle la gagnante des “like”, suivie de près par Jean-Luc Mélenchon. Benoît Hamon atteint à peine 13% du nombres total des pouce bleus de la candidate FN à cette époque. Même si les mentions “J’aime” ne représentent pas des votes (ni même des intentions de vote), vu l’enthousiasme sur les réseaux sociaux, il semblerait que les extrêmes vendent bien plus de rêve auprès des utilisateurs que le centre. (Pour en savoir plus à ce sujet, lisez aussi l’article Sortez-moi de ma bulle!)

Mélenchon, “le swag total d’un claquement de doigts”

Preuve flagrante de la maîtrise des nouvelles technologies, l’hologramme de Jean-Luc Mélenchon a secoué le vaste monde réel et virtuel. Mais ce n’est pas seulement ce coup d’éclat qui inscrit le candidat de la “France insoumise” comme vrai précurseur dans le domaine technologique. Sa page Youtube défie les audiences de bien des journaux traditionnels. Pourquoi ? Une maîtrise des codes et des méthodes de communication 2.0. Le ton décalé et l’intimité qu’il gagne chez les internautes grâce à sa « revue de la semaine », séduit beaucoup.

En plus d’y décrypter l’actualité de la semaine, il explique dans cet épisode pourquoi il a créé cette chaine (7min.25): “Une chose que je ne veux pas laisser de côté, c’est ce qu’on est en train d’essayer de faire ensemble. Vous qui décidez de vous abonner et qui suivez mes revues de la semaine. Et moi qui les produit. On a dit depuis le début qu’on avait pas seulement l’intention de passer un bon moment ensemble, mais qu’on essaie de construire un canal de diffusion ou d’expression politique, à côté du circuit de l’officialité: c’est à dire tout ce qui est officiel dans les médias, parce que, ben on en n’ai pas content.” Episode dans lequel il ajoute, en référence à son meeting -hologramme: “Et maintenant, il y a un geste qui a le swag total: claquement de doigt“.

Cette campagne va peut-être se jouer sur Youtube”

On l’aura compris, Mélenchon est devenu un vrai professionnel des médias sociaux . De nombreux “youtubeurs” y font d’ailleurs référence. Parmi eux, “Usul”: il travaille également chez Mediapart pour lequel il fait des vidéos d’analyse de communication politique. C’est dans l’une de ces vidéos de L’air de la Campagne que l’on découvre la stratégie plutôt timide de Hamon sur la plateforme vidéo. Charlotte elle-même n’en avait pas connaissance… “Depuis que Mélenchon s’est mis à Youtube, beaucoup de journalistes inspirés se mette à prophétiser que cette campagne présidentielle va peut-être se jouer sur le site de streaming de Google.” ironise pourtant Usul.

Car non,  gagner la bataille des “J’aime”, ne veut pas dire gagner une élection, ou alors, le bourrage d’urne serait permis : des Charlotte Snively, il y en a plus de 30’000 (des faux comptes) qui ont été supprimées pendant la campagne française.

“Il est donc temps de remettre l’église au milieu du village et de redonner son importance au message politique. Le média par lequel il est transmis n’étant qu’accessoire.”

déclare le professeur de communication Bruno Bernard sur le site Compol. Une campagne politique ne serait plus imaginable sans les réseaux sociaux. Pourtant, il n’empêche que 41% des Français cite encore la télévision comme principale source d’information pour la présidentielle selon Karolina Koc-Michalska chercheuse associée au CEVIPOF. Les réseaux sociaux ont donc un grand rôle, certes. Les médias traditionnels aussi. Sans oublier les autres éléments de communication et de métalangage. Reste à savoir quel impact ont eu les programmes politiques.

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