Foire aux Sonnailles : unificatrice ou séparatrice ?

Des paysans regardent des cloches lors de la Foire d'automne et bourse aux Sonnailles ce samedi 13 octobre 2012 a Romainmotier dans le canton de Vaud. (KEYSTONE/Jean-Christophe Bott)

Odeur de soupe, accent nord-vaudois et cloches par milliers. Ce week-end, la Foire aux Sonnailles de Romainmôtier, dans le canton de Vaud, a accueilli près de 12 000 visiteurs. Dans un contexte de clivage entre ville et campagne, comment se positionne la manifestation ?

Les campagnes voient rouge lorsque les villes votent vert. Plus encore que l’illustration des résultats des dernières votations fédérales sur l’élevage intensif ou sur les pesticides, cette phrase traduit un clivage entre régions urbaines et rurales en Suisse.

Ce clivage, la Foire aux Sonnailles l’a vécu. Lorsqu’elle débuta, en 1998, la manifestation ne comptait qu’une quinzaine de stands de vendeurs de cloches. Le public était très majoritairement composé d’agriculteurs de la région, désireux de trouver des sonnailles, ces cloches à accrocher au cou de leur bétail.

Depuis une dizaine d’années, les membres du comité d’organisation de la Foire aux Sonnailles perçoivent un double enjeu, à la fois économique et unificateur, dans le développement de leur manifestation. Ils souhaitent apporter leur pierre à l’édifice dans la réunification des citadins et des campagnards.

Les traditions s’adaptent

D’après Jérôme Cuvit, membre du comité d’organisation de la Foire aux Sonnailles, les traditions suisses, notamment la désalpe -qui n’a pas eu lieu cette année en raison des fortes chaleurs estivales-, doivent perdurer car elles sont notre héritage : il faut les célébrer. Pourtant, il souligne qu’il faut savoir s’adapter à notre époque et répondre aux besoins sociétaux actuels. L’enjeu est donc de jongler entre tradition et innovation.

Vaches durant le cortège de la Foire aux Sonnailles du samedi 15 octobre 2022 – Laurie Chappatte

La Foire aux Sonnailles permet aujourd’hui, d’après Jérôme Cuvit, d’unifier des populations d’univers différents. Véritable très d’union, elle offre, selon l’organisateur de la manifestation, un contact direct entre les personnes de la ville et celles de la terre. Une opportunité pour le consommateur d’en apprendre plus sur l’origine des produits présents dans son assiette, et sur le monde agricole en général.

Plus que renseigner sur les différents milieux, Jérôme Cuvit ajoute que cette manifestation permet également aux citadins et aux ruraux de briser les clichés des uns et des autres, ainsi que de se réunir autour d’une seule et même fondue afin de festoyer ensemble.

Quand innovation rime avec unification

« Pensez-vous repartir avec une cloche aujourd’hui ? », À cette question, les citadins présents à la Foire aux Sonnailles écarquillent les yeux, sourient et sont unanimes : non. Leurs intentions en venant à cet événement ? Passer un bon moment, manger un morceau et repartir avec des produits locaux. 

Les membres du comité d’organisation de la Foire aux Sonnailles ont bien compris que les cloches n’étaient pas ce que recherchent en priorité les urbains, à l’instar de Tania et Yves, un couple de vaudois qui avouent leur affection pour cet objet du monde agricole mais qui estiment qu’ « une cloche ne serait pas à sa place » dans leur appartement.

Face à ce constat, Jérôme Cuvit et ses collègues ont commencé à diversifier leur offre il y a plusieurs années, afin d’attirer les citadins à la campagne et de faire converser ces deux milieux. Pari gagné pour la Foire : la manifestation et le nombre d’exposants ont grandi, ce qui a élargi son rayonnement. Aujourd’hui, citadins et campagnards viennent de toute la Suisse romande et des régions alémaniques environnantes.

-> Jérôme Cuvit s’exprime sur les raisons de venue des urbains aux Sonnailles :

Interview de Jérôme Cuvit, organisateur des Sonnailles, concernant les raisons de venue des citadins à l’événement.

Des cloches oui, mais aussi du fromage, du chocolat, de la confiture sont vendus à la Foire aux Sonnailles, pour le plus grand plaisir des personnes de la ville, qui découvrent chaque année de nouveaux producteurs locaux et restaurateurs.

Rendez-vous l’année prochaine avec, on l’espère, une véritable désalpe !

Laurie Chappatte

Crédit photo mise en avant : ATS

Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours « écritures informationnelles », dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.

Derniers articles de Culture