En graphiques : La montée de l’extrême droite chez nos voisins européens – JAM

En graphiques : La montée de l’extrême droite chez nos voisins européens

Les principales figures de l’extrême droite chez nos voisins européens. (Montage: Toan Izaguirre/Camille Marteil)

Ces dernières années, l’extrême droite s’inscrit de plus en plus dans le paysage politique européen. Le FPÖ domine en Autriche, Fratelli d’Italia gouverne en Italie, le RN atteint des records en France, tandis que l’AfD sort du bois en Allemagne. En graphiques, l’évolution de l’extrême droite dans les différentes chambres basses de nos voisins européens. 

Un projet de recherche en science politique, lancé en 2019, dresse l’inventaire des partis classés à l’extrême droite. Intitulée The PopuList, cette base de données analyse 31 pays, incluant les 27 membres de l’Union européenne. Mais comment ces chercheurs définissent-ils un parti d’extrême droite ? Leur définition repose sur deux piliers principaux. D’abord, ces formations adhèrent au nativisme, une idéologie qui classe les individus selon leur supposée appartenance au groupe ethnoculturel majoritaire et leur ancienneté sur le territoire. Dans cette vision xénophobe, les « non-natifs constitueraient une menace pour l’homogénéité de l’Etat-Nation », selon les auteurs de The PopuList, cités par FranceInfo. Le second pilier est l’autoritarisme. Les chercheurs soulignent que ces partis défendent « une vision de la société où règne l’ordre et où les atteintes à l’autorité doivent être sévèrement réprimées ».

Le FPÖ, de la débâcle à la première force politique autrichienne

Du côté de l’Autriche, en septembre 2024, le Freiheitliche Partei Österreichs (FPÖ), parti d’extrême droite, a remporté 57 sièges, soit 26 de plus qu’aux dernières élections législatives. C’est une progression majeure: le parti récolte près d’un tiers des voix, le meilleur score pour l’extrême droite depuis 1945 dans le pays. C’est dorénavant la force politique la plus importante en Autriche. 

À dérouler : En Autriche, le FPÖ

Réinterprétation du passé nazi, propos antisémites et projet de remigration des étrangers: nombreuses sont les polémiques qui façonnent l’image du principal parti d’extrême droite autrichien. Le FPÖ, anciennement appelé VdU, fondé en 1956 par d’anciens nazis, n’a pas immédiatement adopté une ligne politique d’extrême droite. Ce n’est qu’en 1986, date de l’arrivée à sa tête de Jörg Haider, que le FPÖ se transforme en puissant parti d’extrême droite. Grâce à des alliances fréquentes avec l’ÖVP, parti chrétien-démocrate, le parti parvient à s’implanter au sein du gouvernement. Herbert Kickl, nouveau leader du FPÖ depuis 2021, connu pour sa radicalité, est considéré comme “un danger pour la sécurité nationale” par l’actuel chancelier Karl Nehammer.

 

C’est un nouveau souffle pour le parti, après la débâcle aux législatives de 2019, lorsque le FPÖ n’avait rassemblé que 16% des suffrages. Le parti était alors dans la tourmente de «l’Ibiza-gate», un scandale de corruption qui avait conduit à la démission d’Heinz-Christian Strache, alors vice-chancelier et président du FPÖ. 

Après cette victoire en septembre 2024, le parti d’extrême droite est en position de force. Cependant, il n’a pas pu créer son propre gouvernement, faute de “partenaire de coalition”. Les autres partis, notamment l’ÖVP et le SPÖ, ont exprimé leur réticence à s’allier avec le FPÖ sous la direction de Herbert Kickl. Le président autrichien Alexander van der Bellen a donc chargé l’actuel chancelier conservateur Karl Nehammer de former un gouvernement. Des négociations sont donc toujours en cours pour former une coalition. Le 24 octobre dernier, c’est tout de même Walter Rosenkranz, figure d’extrême droite controversée, qui a accédé à la tête de la présidence du Conseil national, la chambre basse du Parlement autrichien. La situation politique actuelle en Autriche est au point mort, en raison de l’attente prolongée de la formation d’un gouvernement de coalition.

De La Ligue à Fratelli d’Italia: la droite radicale italienne au sommet

L’ascension de l’extrême droite au Parlement italien a débuté dès les années 1990 grâce à une alliance entre le centre droit et la Ligue du Nord, alors principal parti d’extrême droite du pays. Cependant, lors des élections législatives de 2013, la Ligue du Nord, dont Matteo Salvini prend la direction la même année, ne récolte que 4% des voix, réduisant ainsi de moitié le score atteint lors des législatives de 2008. La droite traditionnelle reste dominée par Forza Italia de Silvio Berlusconi mais ce sont deux autres forces politiques qui se distinguent majoritairement en 2013: le Parti démocrate (PD), qui arrive en tête sans majorité absolue et le Mouvement 5 étoiles (M5S) qui réalise un succès remarquable, récoltant 25% des voix. 

À dérouler : En Italie, Fratelli d’Italia (FDI)

L’Italie est l’un des premiers pays européens à permettre l’accession au pouvoir de partis d’extrême droite après la Seconde Guerre mondiale. Dès le milieu des années 1990, le parti libéral-conservateur, Forza Italia fait alliance avec le Mouvement social Italien (MSI), fondé par d’anciens dignitaires du régime mussolinien et les populistes régionalistes de la Ligue du Nord (actuelle Ligue). Fratelli d’Italia (FDI), aujourd’hui premier parti du pays, est l’héritier de l’Allenza nationale, elle-même descendante du MSI. En 2022, Giorgia Meloni, présidente du FDI, est élue première ministre. Elle défend des positions fermes contre l’immigration et les droits LGBT, tout en promouvant des valeurs familiales traditionnelles.

 

En 2018, la coalition de centre droit composée de la Ligue, Forza Italia et de Fratelli d’Italia s’impose conjointement au M5S sans qu’aucune des deux forces ne détiennent de majorité absolue. Cette victoire sonne l’arrivée au pouvoir des “populistes” face au PD en perte de vitesse. 

Après plusieurs mois de négociations, le M5S et la Ligue décident de former un gouvernement de coalition. Salvini devient ministre de l’Intérieur et met en place une politique d’immigration stricte. En août 2019, après des désaccords répétés entre le M5S et la Ligue, Salvini rompt l’alliance entre les deux partis, espérant provoquer des élections anticipées. Cependant, la stratégie du Milanais échoue et ce dernier se retrouve exclu de la nouvelle coalition entre le M5S et le PD.

En 2022, après une énième crise gouvernementale entre les différents partis au pouvoir, les deux chambres du Parlement sont dissoutes et des élections législatives anticipées ont lieu. C’est désormais Fratelli d’Italia qui se retrouve à la tête de la coalition de centre droit, l’influence de Salvini et de la Ligue ayant été fragilisée. Fratelli d’Italia a su s’imposer comme principal parti d’extrême droite et premier parti d’Italie. Le PD et le M5S perdent du terrain alors que la coalition de centre droit, dans laquelle Fratelli d’Italia atteint 26% des voix, remporte la majorité absolue. Giorgia Meloni, présidente du parti, devient la première femme Première ministre d’Italie et figure centrale de la droite italienne.

De 2 à 125 sièges: l’ascension du RN

Le Rassemblement national (RN) est passé de 2 sièges en 2012 à 89 en 2022. Le parti devient ainsi un des principaux partis d’opposition. Lors des législatives de 2012, la coalition présidentielle composée du Parti socialiste, d’Europe Écologie Les Verts ainsi que d’autres partis de gauche, obtient une majorité absolue. Le RN, lui, n’obtient que deux sièges, ce qui reflète la difficulté du parti à s’imposer dans un système électoral majoritaire à deux tours, souvent défavorables au parti des extrêmes car ils n’ont pas de base électorale assez forte.

À dérouler : En France, le Rassemblement national (RN)

Le Rassemblement national (RN), ex-Front national, est le principal parti d’extrême droite au sein du paysage politique français. Fondé en 1972 par d’anciens Waffen SS et des nostalgiques de l’Algérie française, le parti n’entre à l’Assemblée nationale qu’en 1986. Président et figure de proue du parti, Jean-Marie Le Pen arrive au second tour de la présidentielle en 2002. Sa fille, Marine Le Pen, lui emboîte le pas et est élue présidente du parti en 2011. Son arrivée marque l’avènement d’une stratégie de dédiabolisation: le FN lisse son image sulfureuse en se séparant de certains de ses membres trop radicaux et en adaptant son discours. Cette reconfiguration est fructueuse: elle permet au RN d’acquérir une base électorale plus large et à Marine Le Pen d’accéder au second tour de la présidentielle en 2017 puis en 2022. 

 

Les élections législatives de 2017 voient l’apparition du parti La République en marche (LREM) qui forme une coalition gouvernementale et obtient avec divers partis comme le Mouvement démocrate (MoDem) une majorité absolue. Le PS, allié à d’autres partis de gauche, a vu sa représentation diminuer, tandis que La France Insoumise a fait son entrée à l’Assemblée. Du côté du RN, malgré une progression en termes de voix, son nombre de sièges reste faible.

Ce sont les législatives de 2022 qui marquent véritablement le succès du RN en termes de sièges. La coalition présidentielle, désormais nommée Ensemble, reste la principale force politique mais n’obtient pas de majorité absolue. Même si la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES), devance l’extrême droite de plusieurs dizaines de sièges, le RN récolte un nombre de sièges record depuis la création de Ve République.

En 2024, après la victoire du RN aux élections européennes, Emmanuel Macron décide de dissoudre l’Assemblée nationale, provoquant alors des élections législatives anticipées. Au second tour, la coalition de gauche rassemblée sous Le Nouveau Front Populaire (NFP) obtient une majorité relative. Arrivent ensuite en deuxième et troisième positions l’alliance présidentielle et le RN. Malgré cette défaite, le parti d’extrême droite poursuit sa progression et obtient 125 sièges, nouveau score historique. Les élections législatives de 2024 laissent une Assemblée nationale véritablement fragmentée. Aucun groupe n’ayant obtenu de majorité absolue, le risque de blocage institutionnel et d’instabilité du gouvernement est fort.

La montée inexorable de l’AfD

En Allemagne, l’extrême droite gagne du terrain depuis une dizaine d’années. Le parcours électoral de l’Alternative für Deutschland (AfD) illustre des variations significatives: après avoir atteint 12,6% des voix en 2017, le parti a connu un recul aux élections fédérales de 2021, n’obtenant que 10,4% et perdant ainsi un million d’électeurs. Malgré ce recul, les élections législatives de 2021 ont constitué un moment charnière dans l’histoire politique du pays. Cette élection a bouleversé le paysage politique traditionnel, puisque les deux formations dominantes, la CDU/CSU et le SPD, n’ont pas réussi à rassembler à eux deux la majorité des suffrages. Ce recul a permis à d’autres partis, notamment l’AfD, de renforcer leur présence au Bundestag. L’AfD occupe ainsi 76 sièges au Parlement allemand, ce qui représente environ 10% des suffrages. Ce chiffre peut paraître faible en comparaison de nos autres voisins, mais les élections régionales, en septembre dernier, ont montré une toute autre dynamique pour ce parti. Pour la première fois, un parti d’extrême droite a gagné un scrutin régional avec 32% des suffrages en Thuringe. L’AfD connaît un succès historique dans les régions d’ex-Allemagne de l’Est. Un phénomène qui pourrait se poursuivre à l’échelle nationale. 

À dérouler : En Allemagne, Alternative für Deutschland (AfD)

En 1964, le Parti national-démocrate d’Allemagne (NPD) est fondé par d’anciens fonctionnaires nazis, marquant le retour de l’extrême droite sur la scène politique allemande, après une période de marginalisation. Depuis sa fondation, ce parti n’a pratiquement eu aucun siège au Bundestag. En 2013, le parti politique Alternative für Deutschland (AfD) est créé par des économistes et juristes qui s’opposent à l’euro et plaident pour la souveraineté monétaire allemande. Durant la crise migratoire de 2015, le parti glisse vers des positions nationalistes et anti-immigration. L’AfD gagne progressivement en influence, particulièrement dans les Länder de l’Est. Depuis sa création, de nombreuses controverses secouent le parti. Un des plus notables: des membres de l’AfD et des néonazis se sont réunis en novembre 2023 dans l’objectif d’établir un réseau destiné à expulser deux millions d’étrangers hors du territoire allemand.

 

L’Allemagne est en pleine crise politique suite à l’effondrement de la coalition gouvernementale, coalition composée du Parti social-démocrate (SPD), des Verts et du Parti libéral-démocrate (FDP). Le 6 novembre dernier, le chancelier Olaf Scholz a limogé son ministre des Finances, Christian Lindner, en raison de désaccords profonds sur la politique budgétaire. Le 16 décembre, les députés votent leur perte de confiance dans le chancelier, ce qui l’oblige à écourter son mandat et annoncer des élections législatives anticipées pour le 23 février 2025. 

Dans les derniers sondages, l’AfD recueille 20% des intentions de vote à l’approche de ces élections anticipées. Le parti d’extrême droite pourrait donc presque doubler ses sièges au Bundestag lors de la prochaine législature. À l’instar de l’Autriche, tous les partis allemands se refusent – pour l’instant – à toute coopération gouvernementale avec l’extrême droite.

Par Camille Marteil, Toan Izaguirre

Cet article est daté du 28.12.2024. Mis à jour avant publication le 04.02.2025.

Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours « Publication, édition et valorisation numérique », dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.

 

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