Les travailleuses indépendantes sont moins nombreuses que les travailleurs indépendants. Ce phénomène s’explique notamment par la difficulté de concilier la naissance d’un enfant avec la création d’une entreprise. Congé maternité peu rémunéré ou encore entreprise à l’abandon : quelles sont les barrières pour ces femmes ?
Malgré la révision, en juillet 2020, de la loi fédérale sur l’égalité entre hommes et femmes, de nombreuses injustices persistent dans le monde du travail. Les chiffres de l’Office fédéral de la statistique (OFS) pour l’année 2021 l’attestent. Les femmes exerçant une fonction de cheffe ou de cadre sont moins nombreuses que leurs homologues masculins et travaillent plus souvent à temps partiel. Conséquence ? Un salaire moins important.
Un autre écart, moins cruel au premier abord, interpelle dans les statistiques partagées par la Confédération : il y a davantage de travailleurs indépendants que de travailleuses indépendantes. Cette variation pourrait notamment s’expliquer par les différences d’accès au congé maternité entre indépendantes et salariées, et ce malgré un cadre légal qui prévoit une durée et une indemnisation similaires entre celles-ci.
Alors, pourquoi le congé maternité diminue-t-il les chances des (futures) mères de se lancer à leur propre compte ?
Les indépendant.es en Suisse
En Suisse, environ 15% des hommes travaillent comme indépendants contre 11% des femmes. Mais qui sont ces travailleur.euses ? Différents critères sont utilisés pour les qualifier. Les indépendant.es englobent toutes les personnes qui travaillent en leur nom, à leur compte, et disposent d’une raison sociale (entreprise individuelle) ainsi que d’une infrastructure propre. Ils et elles ont certaines obligations telles qu’effectuer le décompte de la TVA de leur entreprise.
Être indépendant.es permet quelques libertés, comme le choix d’organisation de son travail ou la remise de travaux à différents tiers. Pourtant, les indépendant.es font face à certains risques, et notamment à des dangers économiques. Comment répondre à cette menace dans un moment d’inactivité forcée, comme lors de l’arrivée d’un enfant ?
Les APG au secours des indépendant.es ?
Les allocations pour pertes de gain (APG) attribuent une compensation pour pallier l’absence de revenu en cas de congé maternité ou paternité. Ces allocations garantissent un revenu aux femmes et aux hommes après la naissance de leur enfant.
Afin d’obtenir cette allocation, les employeur.euses, salarié.es, indépendant.es ainsi que les personnes sans activité lucrative sont dans l’obligation de cotiser. Le taux de cotisation s’élève à 0,5% du salaire brut. L’allocation de maternité garantit une indemnité journalière d’une durée maximale de 14 semaines se montant à 80% du revenu moyen d’avant accouchement, toutefois plafonnée à 196.- par jour.
Environ une Suissesse sur dix exerce une fonction d’indépendante. En cas de grossesse, à quoi ces femmes ont-elles droit ? Tout comme les salariées, les indépendantes peuvent généralement bénéficier du versement d’une allocation de maternité à partir du moment où ces dernières travaillent et qu’une rémunération leur est réglée.
Ce droit possède pourtant trois conditions : être assurée à l’AVS pendant les neuf mois précédant l’accouchement, avoir travaillé au moins cinq mois avant la grossesse et, au moment de la naissance, effectuer une activité d’indépendante.
Pourtant, deux éléments diffèrent entre salariées et indépendantes. Les indépendantes doivent elles-mêmes faire leur demande d’allocation à leur caisse de compensation et, lors d’impossibilité de travail durant la grossesse, une indemnité ne leur est versée que si une police d’assurance «perte de gain maladie» a préalablement été conclue.
Les indépendant.es défavorisé.es
Durant leurs premières années de travail, les indépendant.es peinent souvent à lancer leur activité : elles et ils mettent tout leur argent dans la création de leur entreprise et s’endettent. Leur rémunération est généralement mince le temps de se créer une fidèle clientèle.
Les mères suisses ont leur premier enfant à 31 ans en moyenne, soit environ l’âge auquel débute une activité d’indépendant. Il s’agit donc d’une période de grande fragilité pour elles.
Avec le système des APG, le revenu de la mère pendant son congé maternité se base sur ce que celle-ci gagnait avant sa grossesse. Ainsi, le faible revenu lors du début de l’activité devient une faible rente durant le congé maternité.
De plus, ces 14 semaines de congé, dans un moment aussi précaire pour les entreprises indépendantes, risquent de causer des difficultés économiques. Dans une entreprise, la personne salariée est remplacée, tandis que les activités d’indépendantes sont souvent entièrement suspendues.
Le problème est similaire pour les pères indépendants, bien que, pour ceux-ci, le risque reste moindre en raison d’un congé paternité beaucoup plus court ; un congé auquel les hommes indépendants peuvent d’ailleurs plus facilement choisir de renoncer.
Quelles solutions ?
Parmi les alternatives au système actuel, on évoque souvent le congé parental. Cela consiste à une répartition plus égalitaire des congés entre père et mère.
Pourtant, une condition est nécessaire pour que le congé parental soit bénéfique aux indépendants : laisser le libre choix dans la répartition des congés. Ainsi, lorsque l’un des parents est indépendant, il peut continuer à travailler tandis que l’autre s’occupe de l’enfant. Ce système ne résout cependant pas le problème pour les couples constitués de deux indépendants.
Chappatte Laurie, Dangremont Lou-Anne, Fournier Barnabé
Crédit photo mise en avant : ATS – Gaetan Bally
Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours « Actualité: méthode, culture et institutions » dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.