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« Cet hiver, l’expérience ski sera totale »

Eine Snowboarderin mit Atemschutzmaske faehrt mit dem Sessellift "Ice Flyer" auf dem Titlis, am Dienstag, 10. November 2020. Auf allen Sesselbahnen, Skiliften und Seilbahnen des Skigebietes gilt Maskenpflicht. (KEYSTONE/Alexandra Wey)

Directeur de l’Association des remontées mécaniques du Valais (RMV) depuis septembre 2020, Pierre Mathey fait le point sur la situation du secteur et revient sur les défis spécifiques au Covid-19.


Le port du masque dans les pièces fermées est l’unique mesure sanitaire que les skieurs devront respecter cette saison. Adéquat selon vous?
Oui, cette mesure est adéquate puisque c’est la même qui est en vigueur dans les transports publics. Le port du masque permet quand même d’éviter certaines transmissions que ce soit le Covid, la grippe ou d’autres virus… Et puis soit on décide d’accepter les mesures, soit on les subit. On a meilleur temps de les accepter, c’est plus constructif.

Le pass sanitaire n’est pas nécessaire pour emprunter les remontées mécaniques. Si Berne devait l’imposer, vous montreriez les dents?
Aïe joker! (Rires.) Montrer les dents ne sert à rien. S’il devait y avoir des mesures plus restrictives, il faudrait faire avec. Mais nous avons déjà fait savoir aux autorités cantonales et fédérales qu’un contrôle exhaustif des certificats sanitaires des clients ne serait techniquement pas envisageable.

Pourquoi?
Selon nos estimations, rien qu’en Valais nous devrions faire entre 60’000 et 260’000 contrôles journaliers. Même avec toute la bonne volonté du monde, c’est techniquement impossible. Nous avons tout de même envisagé une solution au cas où le pass serait introduit: Les clients possédant un abonnement de ski devraient en toute bonne foi déclarer en ligne qu’ils sont en possession d’un certificat. À ce jour cette solution n’est pas validée par l’OFSP.

Le pass est obligatoire sur les pistes d’Italie, d’Autriche et d’Allemagne. Pourquoi cette exception suisse? Le lobby des régions de montagne est-il si puissant?
La Suisse est le seul pays d’Europe qui a une vraie politique de la montagne. Cet ADN alpin se retrouve à Berne et au Parlement. Si l’on compare avec la Suisse, les revenus générés par le ski sont insignifiants dans les PIB de l’Italie et de l’Allemagne. L’Autriche se situe entre les deux. Et puis finalement, scientifiquement il n’y a pas de foyer de transmission reconnu au sein des remontées mécaniques.

Dans les remontées mécaniques peut-être, mais en station il y en a eu, par exemple à Verbier en mars 2020. Votre association soutien que « sans remontées mécaniques, pas de vie à la montagne ». Mais qui dit pas de vie à la montagne dit pas de cluster…
Effectivement, on ne se dissocie pas de la réalité sociale et sanitaire du pays. Mais l’origine des grandes transmissions du virus sont les grands groupes de population, soit les villes, pas la montagne. Ça a été démontré scientifiquement, c’est un état de fait.

Si l’on compare avec d’autres lieux de loisir, le ski a passablement été épargné par les mesures sanitaires ces deux dernières années. Que répondez-vous à ceux qui estiment que vous bénéficiez d’un traitement de faveur?
Je ne pense pas que ce soit un traitement de faveur. Il s’avère que l’économie des zones de montagne est intimement liée aux loisirs et au tourisme. Et si l’on devait fermer les sociétés de remontées mécaniques, les vallées se retrouveraient sans aucune activité économique, donc à la charge de l’Etat.

« Nous avons déjà fait savoir aux autorités cantonales et fédérales qu’un contrôle exhaustif des certificats sanitaires des clients ne serait techniquement pas envisageable. »

Pierre Mathey, Directeur des remontées mécaniques du Valais

Cette année, seuls les détenteurs d’un certificat Covid pourront manger à l’intérieur des restaurants de pistes. Comment évaluez-vous l’impact financier de cette mesure?
Il est encore trop tôt pour se prononcer. Mais en tout cas je pense que cet hiver, l’expérience ski sera totale parce que celui qui n’a pas de certificat peut tout de même se restaurer en terrasse ou avec un take-away.

Les stations axées sur la clientèle internationale comme Verbier ou Zermatt ont davantage souffert de la crise sanitaire que les stations de ski avec une clientèle locale. Vous attendez-vous à un retour des touristes étrangers?
En partie oui. Les Européens sont de retour, on le voit dans les réservations. Pour le reste du monde, ça dépend beaucoup d’une région à une autre. Il nous faudra encore un peu de temps pour retrouver la pleine capacité.

Le Covid a-t-il impacté les ventes de l’abonnement Magic Pass?
Il les a impactées positivement. Les nouveaux acquéreurs sont des Suisses vivant dans les grandes agglomérations. Pendant la pandémie, ces personnes se sont rendu compte qu’elles avaient besoin d’une échappatoire. D’ailleurs les ventes immobilières de tout type de logement à la montagne ont progressé dans des proportions assez inattendues.

Vous êtes aussi secrétaire général de lAssociation suisse des guides de montagne. Cette activité vous a-t-elle aidé à guider les RMV pendant cette crise?
Guide de montagne est un métier où la responsabilité individuelle a une très grande importance. On vit avec un environnement indéfini, non sécurisé, ou l’aléa existe au quotidien. Effectivement, c’est une profession qui peut aider à vivre cette période d’insécurité et d’instabilité.

On connaît Pierre Mathey, directeur des RMV depuis 2020. Qui sera Pierre Mathey, directeur de l’après-Covid?
Le même! (Rires.) Mon rôle est de travailler dans le cadre défini par la stratégie de l’association et de son comité présidé par Didier Défago. Nous devrions davantage communiquer sur les points positifs de cette branche d’économie touristique. Les gens du terrain et de la montagne font souvent des choses et n’en parlent pas. Aujourd’hui, ce n’est plus possible.  Si l’on fait les choses, il faut absolument le dire. Il faut le faire savoir.

Par Mathilde Salamin
Photos: Keystone-ATS et P.M

Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours “Atelier presse”, dont l’enseignement est dispensé collaboration avec le CFJM, dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.

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