Marika Zimmermann propose à ses patients massages énergétiques, initiations au pendule et tirages de cartes. À travers sa reconversion professionnelle atypique, elle a tracé sa voie. Dans sa yourte au cœur de la campagne genevoise, elle accompagne désormais ceux qui cherchent à trouver la leur.
Dans un jardin d’Avusy, une statuette de Bouddha regarde fixement en direction d’une yourte blanche, de laquelle s’échappe un mince filet de fumée. Des bougies disposées près de l’effigie la réchauffent tandis qu’une améthyste, imposante pierre violette, lui prodigue apaisement et protection. Dans la yourte, les huiles essentielles emplissent les narines; le puits lumineux creusé dans le toit, les guirlandes accrochées au mur et le bois qui brûle dans la cheminée attirent les yeux. On se balade à mi-chemin entre la maison « peuplée de lumière » de Maxime le Forestier et le « paradis blanc » de Michel Berger. Seules la porte et les fines poutres qui maintiennent la yourte sont plus foncées, décorées de motifs mongols. On se croirait hors de l’espace et du temps.
Quand la sensibilité devient vocation
Ne pas être à sa juste place. C’est le sentiment que Marika a eu pendant douze ans alors qu’elle travaillait dans la finance au sein d’une banque privée américaine. Le décès soudain de son père en 2012 l’affecte profondément: elle remet son existence en question, et entame une reconversion professionnelle radicale. À partir de 2016, elle est thérapeute agréée et peut exploiter ses capacités « extrasensorielles ». « J’en avais conscience depuis longtemps: à 6 ans déjà, je disais à ma mère désemparée que je voyais des morts. Mais je n’avais jamais osé passer le cap. »
Le jour où je n’éclaire plus de lanterne, ce sera le moment de changer de métier.
Des bureaux de banque à une yourte dans la campagne genevoise, Marika a fait du chemin. Elle se consacre désormais exclusivement à ses patients au travers de soins et activités qui varient au fil des saisons. De l’initiation au pendule au tirage de cartes, en passant par la régénération cellulaire, la médiumnité ou encore l’atelier chakra, elle assiste les personnes dans leur découverte d’eux-mêmes et de leurs fors intérieurs. « Je ne suis ni une sauveuse, ni une voyante, je suis juste une accompagnatrice, un soutien le temps d’un moment difficile dans une vie », explique-t-elle. Son objectif: favoriser l’introspection, la capacité chez les patients d’aller chercher les ressources en eux-mêmes. Dans cette démarche, elle insiste sur la responsabilité éthique de conserver un lien thérapeutique sain et de ne pas devenir « la copine » de ses patients, ni de s’identifier à eux quand leur histoire résonne avec la sienne. « Le jour où je n’éclaire plus de lanterne, ce sera le moment de changer de métier », affirme-t-elle.
Un parcours vers la reconnaissance
Dans un monde où la médecine classique peine à tout expliquer, Marika Zimmermann propose des méthodes alternatives pour l’âme et le corps. « Il y a quinze ans encore, on se moquait des soins que je pratique », relate-t-elle. La thérapeute de 46 ans, qui a suivi une formation de médecines complémentaires ASCA, se réjouit de l’évolution des mentalités les concernant. L’augmentation des collaborations entre médecine traditionnelle et médecines alternatives témoigne aussi de leur légitimité grandissante.
Assurances ou pas: les patients répondent présents
L’envol spectaculaire des primes d’assurances suisses n’épargne pas les soins dispensés par Marika. Les assurés sont contraints de payer chaque année davantage, pour des couvertures de plus en plus restrictives. Toutefois, la thérapeute ne constate pas de changements liés à ces coûts supplémentaires: « Chez moi et chez mes pairs, les personnes continuent à venir, même si la complémentaire change sa politique et ne les rembourse plus. » Selon elle, les patients préfèrent limiter leurs dépenses dans d’autres domaines et prioriser leur santé. C’est la cas de Valentine*, dont l’assurance ne rembourse que la moitié des séances, pour un maximum de dix séances par an. Pour elle, les médecines alternatives ne sont pas suffisamment considérées et devraient être davantage remboursées: « Il y a huit ans, j’ai fait un burn-out, j’ai perdu mon père et j’avais des conflits avec ma mère. C’est Marika qui m’a sortie de là, pas mon médecin », témoigne-t-elle.
Faire face aux scepticismes
Entre rires moqueurs et jugements voilés, Marika est régulièrement confrontée à la défiance et aux malentendus. La thérapeute assume aussi le statut de médium, qui consiste selon elle à ressentir l’énergie d’un objet, d’une personne, d’un animal ou d’un défunt. Souvent associé à la magie ou au chamanisme, elle essuie plusieurs critiques: « Il y a des personnes qui ricanent, qui me disent que je suis une sorcière », se confie-t-elle. Face à ses détracteurs, elle crée le dialogue quand il est possible, ignore les conversations lorsqu’il ne l’est pas. Elle témoigne: « Ce sont des réflexions guidées par la peur de l’inconnu et celle d’investir ses émotions. » En tant que patiente, Valentine est elle aussi confrontée à des remarques sceptiques: « Parfois, mon mari me taquine, me dit que ces activités deviennent dangereuses. »
Il y a des personnes qui ricanent, qui me disent que je suis une sorcière.
Face aux critiques, Marika peut toutefois compter sur le soutien indéfectible de son mari et de ses amis. Mère de trois enfants, elle les a sensibilisés à l’ouverture énergétique et émotionnelle. « Des fois, je sens qu’il y a l’âme de mon père qui passe dans la maison, alors je leur dis que tout va bien. » Toutefois, entre pratiques thérapeutiques et quotidien familial, la yourte et la maison ne se mélangent pas, et l’équilibre est préservé.
Par Salomé Philipp
* prénom d’emprunt
Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours « Atelier presse I », dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.