Pour les 80 ans de la sortie du Dictateur, le musée Chaplin à Corsier-sur-Vevey a organisé une projection anniversaire le 15 octobre dernier dans le manoir du cinéaste. Les spectateurs se souviennent de la scène finale du film. Une scène qui résonne encore aujourd’hui. Le fils de Charlie Chaplin explique cette longévité.
“Revoir ce film est d’utilité publique“ avance un fan inconditionnel des films de Charlot, présent au Manoir de Ban pour fêter l’anniversaire de son film culte. S’il y a un moment marquant du Dictateur à retenir, beaucoup d’admirateurs du petit vagabond ont répondu : la dernière scène. Une scène qui fait réfléchir.
Un plan-séquence final de plus de 5 minutes. Une caméra qui ne bouge pas. Face à elle, ce n’est plus le personnage du Dictateur qui parle, c’est Chaplin lui-même qui s’adresse à ses spectateurs. L’air sérieux, il veut alerter sur les dangers des despotes. Il transmets un message de paix par la démocratie.
Des valeurs universelles et intemporelles
Ce discours est un exercice cinématographique jamais reproduit selon Laurent Le Forestier, historien du cinéma à l’Université de Lausanne. Ce spécialiste de Charlie Chaplin était présent à cette rétrospective pour partager son analyse du film. Autre invité pour fêter l’anniversaire du Dictateur, Eugene Chaplin, le fils de Charlot, né en Suisse en 1953. Il se souvient de son père comme résolument optimiste sur l’avenir.
Profondément il aimait l’homme, il adorait l’être humain. S’il a touché par son humanité, c’est qu’il s’adressait à l’intelligence de ses spectateurs. Il partait du principe que tout le monde est égaux et que tout le monde a le même cerveau. Il voulait vraiment croire à un monde qu’il décrit dans son discours du Dictateur.
Eugene Chaplin
C’est parce qu’il s’adresse avec humanisme à son public que Charlie Chaplin arrive à rester intemporel. Pour Laurent Le Forestier, les propos finaux du film ne se figent pas dans un contexte historique, c’est pourquoi ils paraissent encore actuels.
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Mais Eugene Chaplin se souvient d’avoir grandi dans un monde à l’heure des Trente Glorieuses au côté d’un père qui fut souvent déçu par les évènements de cette période. Eugene revoit la réaction choquée de son père à la vue des images de la guerre du Vietnam. Avant cela, un autre moment de l’histoire a marqué Charlie Chaplin. Un moment qui s’est par la suite ressenti dans ses films.
Le désaveu démocratique
Même si le crédo humaniste n’est pas anachronique, Laurent Le Forestier rappelle que Le Dictateur est un film de l’avant Hiroshima. En 1947, Chaplin change de registre et signe ”Monsieur Verdoux” où il campe le rôle du tueur en série Henri Landru. Ce film est moins élogieux à l’égard de l’homme. Dans la plaidoirie qui conclut le film, Chaplin compare la cruauté des meurtres du Barbe-Bleue français aux armes de guerre.
Une démocratie comme les États-Unis fut également capable d’actes destructeurs comme ceux de certains pays totalitaires. Les horreurs de la seconde guerre mondiale furent une désillusion pour Chaplin. Laurent Le Forestier reconnaît que les mots pacificateurs de Chaplin dans le Dictateur peuvent avoir une teneur naïve si on les compare à l’histoire du siècle passé. Pourtant, les soucis de 1940 semblent bien différents à ceux d’aujourd’hui.
Qui parodier aujourd’hui?
La guerre en Europe paraît loin et en même temps la violence dans le monde fait encore rage. Que Chaplin ait eu raison ou tort avec son discours, il continue de toucher par l’émotion au-delà de son temps.
Alors si Charlot reste moderne, que ferait-il aujourd’hui? Face aux bâtisseurs de murs, Eugene Chaplin imagine que certains chefs d’États pourraient passer à la moulinette si son père était des nôtres. Il ajoute même que le rôle de Napaloni (alias Mussolini dans le Dictateur) ressemble étrangement à un certain Donald Trump. Encore un point où Charlot fut précurseur?
Par Thibaut Clémence
Crédit photo : pixlr.com
Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours « écritures informationnelles », dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.